Décision DCC 18-141 : quand la cour constitutionnelle invalide ses propres décisions

Saisie d’une requête en interprétation et en réexamen des décisions DCC 18-001 du 18 janvier 2018, 18-003 du 22 janvier 2018 et 18-004 du 23 janvier 2018, la Cour constitutionnelle, suivant décision DCC 18-141 du 28 juin 2018, a décidé :
«Article 1er : La requête de Monsieur Souliou Ismaël ADJOUNVI et Madame Juliette KAYASSI est irrecevable ;
Article 2 : La Cour se prononce d’office ;


Article 3 : Sont conformes à la constitution :
-l’article 1er de la loi N°2017-43 modifiant et complétant la loi N°2015-18 du 13 juillet 2017 portant statut général de la Fonction publique votée par l’Assemblée nationale le 28 décembre 2017,
-l’article 20 de la loi N°2018-01 portant statut de la magistrature en République du Bénin, adoptée par l’Assemblée nationale le 4 janvier 2018 ;
-l’article 71 de la loi N°2017-42 portant statut du personnel de la police républicaine adoptée par l’Assemblée nationale le 28 décembre 2017 ;
Article 4 : Sont conformes à la constitution, les articles 402 et 408 de la loi N°2017-43 modifiant et complétant la loi N°2015-18 du 13 juillet 2017 portant statut général de la Fonction publique votée par l’Assemblée nationale le 28 décembre 2017;
Article 5 : La présente décision se substitue, dans les dispositions évoquées, aux décisions DCC 18-001 du 18 janvier 2018, 18-003 du 22 janvier 2018 et 18-004 du 23 janvier 2018» ;

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Il importe en l’espèce de relever que la Cour constitutionnelle a été saisie d’une requête en interprétation et en réexamen des décisions DCC 18-001 du 18 janvier 2018, 18-003 du 22 janvier 2018 et 18-004 du 23 janvier 2018 et non du contrôle de conformité à la constitution de la loi N°2017-43 modifiant et complétant la loi N°2015-18 du 13 juillet 2017 portant statut général de la Fonction publique, de la loi N°2028-01 portant statut de la magistrature en République du Benin ou de la loi N°2017-42 portant statut du personnel de la police républicaine.

Vidant sa saisine, la Cour a déclaré la requête de Monsieur Souliou Ismaël ADJOUNVI et Madame Juliette KAYASSI irrecevable au motif que les décisions objet de recours en interprétation ne sont pas obscures. Toutefois, elle a précisé que «lorsqu’une requête élève à la connaissance de la Cour une situation de violation d’un droit fondamental ou de remise en cause d’un impératif ou d’un principe à valeur constitutionnelle, la Cour peut se prononcer d’office; qu’en l’espèce la requête vise à obtenir le rétablissement et la réalisation de l’impératif constitutionnel que constitue le fonctionnement continu des services stratégiques et essentiels à la vie, à la santé, à la sécurité, à la justice, à la défense et à la mobilisation des ressources publiques indispensables à l’existence de l’État et à la construction de la Nation» ;

Or, la saisine d’office est régie par l’article 121, alinéa 2 de la constitution. Ledit article dispose que la Cour «se prononce d’office sur la constitutionnalité des lois et sur tout texte réglementaire censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques.»

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Il en résulte que la saisine d’office n’a lieu que lorsqu’une loi ou un règlement déféré à la Cour porte atteinte aux droits fondamentaux et aux libertés publiques. La constitution ne vise pas la «remise en cause d’un impératif ou d’un principe à valeur constitutionnelle» comme critère de saisine d’office. Cette nouvelle condition est une extension du champ d’application de l’article 121, alinéa 2 de la constitution. En clair, il s’agit d’une violation de la lettre et de l’esprit dudit article, d’autant plus que les requérants n’ont soumis au contrôle de la Cour aucune loi, aucun acte réglementaire censé porter atteinte aux droits humains et aux libertés publiques.

Mieux, le droit de grève euthanasié sur l’autel de la continuité du service public est un droit fondamental consacré et garanti par les articles 8 du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et 31 de la constitution du 11 décembre 1990. Le juge constitutionnel ayant vocation à assurer la suprématie de la constitution sur toute autre norme, en principe, lorsqu’un principe à valeur constitutionnelle est en conflit avec un droit constitutionnel, sa religion doit l’incliner en faveur de la protection de la norme constitutionnelle. Malheureusement, la Cour constitutionnelle, sixième mandature, en a autrement décidé.

En dehors de la consécration de la suprématie d’un principe à valeur constitutionnelle sur un droit constitutionnel, la démarche de la Cour soulève une véritable équation de cohérence.

En effet, il est insolite qu’un juge déclare une requête irrecevable, se prononce d’office et sous prétexte d’une interprétation, invalide ses propres décisions et leur substitue sa lecture jadis rejetée.

Enfin, contrairement à l’analyse de la Cour, la requête en cause ne vise pas «à obtenir le rétablissement et la réalisation de l’impératif constitutionnel», mais à invalider un droit constitutionnel reconnu par une décision ayant autorité de chose jugée.

Désormais, les décisions de la Cour sont sans recours mais peuvent être invalidées par la Cour elle-même.

En conclusion, la méthodologie utilisée par la Cour et les résultats auxquels elle a abouti instaurent une insécurité juridique et judiciaire historique qui, à terme, risque d’abîmer l’image de l’institution et ruiner définitivement son pronostic de sagesse et éroder son capital scientifique.

11 réponses

  1. Avatar de Amaury
    Amaury

    @Monwê,

    Je ne menst jamais mais alors jamais sauf à une personne et ça c’est pour la bonne cause, lol !

    Donnez-moi un seul exemple où j’ai dit des contre vérités.

    J’ai répliqué à @Allomann sur ces contres-vérités sur  ce qu’on appelle revirement jurisprudentiel. Il n’y a jamais mais alors jamais de revirement jurisprudentiel sur une même affaire mais seulement et uniquement sur une affaire similaire avec  la même juridiction ou une autre.

    Cessez donc d’embrouiller les gens. Ce qui s’est passé, montre juste que votre Joseph ne peut jamais être Juppé ou Hassan El tourabi. C’est un simple opportuniste.

  2. Avatar de bocco
    bocco

    @Amaury

    la vérité blesse , Vous n’avez pas répondu a la question. Une cour peut revenir sur decision c’est pourquoi les juristes parlent de revirement jurisprudentiel donc ce n’est pas une réaction de DJOGBENOU et de HOLO; ca fait parti du droit et du jeu politique.

     

    1. Avatar de Gombo
      Gombo

      on vous parle de saisine et vous parlez de revirement…

      aucune cour ne peut rejuger une chose deja jugee par une cc…

      les deputes godillots peuvent introduire un nouveau projet de loi dont la constitutionnalite sera jugee par la cour Talon &co, mais on ne peut saisir la cc pour re-interpreter une decision de cc

      si vous et vos cancres de juristes a la tete de la cc Talon &co ne comprennent pas ce   b a ba du droit, on peut rien pour vous…

    2. Avatar de Amaury
      Amaury

      @Bocco,

      Je vous ai répondu de façon pédagogique sur l’article concernant Serge AGBODJAN. Allez lire !

  3. Avatar de monwè
    monwè

    vous voyez les masques tombent. Et  à travers cette prise de position de ADJAKA chacun pourra savoir qui veut le bien de ce peuple ou non. Pourquoi n’a t il pas fait grève quand la cour DOSSOU a retiré le droit de grève aux douaniers.

    Mieux pourquoi n’a toujours il pas dénoncé le revirement jurisprudentiel de la cour HOLO qui en plus était membre de la cour DOSSOU.

    Profondément déçu pourquoi n’a il pas dit non aux avantages énormes qu’on leur a accordé au détriment des autres travailleurs et la grande masse de la population. Franchement

  4. Avatar de SONAGNON
    SONAGNON

    Le professeur HOLO s’est prononcé sur une loi qui retire le droit de grève à certaines catégories de travailleurs contraire à l’article 31 de la constitution, et dans la logique d’une précédente décision de cette même, c’est à dire celle de Ouinsou.

    Si les gens veulent retirer des droits de grèves, qu’ils cherchent à réviser plutôt l’article 31 de cette constitution, plutôt que de faire des lois, qui vont à l’encontre de cette article toujours en vigueur.

    La cour DOSSOU en son temps, s’est basé sur de simples rapports de travail de l’OIT, même pas une convention à laquelle le Bénin a adhéré pour retirer le droit de grève aux douaniers.

    Moi je crois, qu’il est urgent que les constitutionnalistes fassent un travail sur la question, pour trancher ce débat, qui reste une question scientifique et non politique.

    Il est vrai, le manque de probité intellectuel de DJOGBENOU, pour rendre service à Patrice TALON, qui n’a aucune capacité à conduire un pays démocratique, fait qu’il n’a aucun scrupule à poser des actes que lui même sait que ce n’est pas justifié au regard de notre constitution.

    Mais, cette cour, n’a plus de légitimité, donc notre constitution, est dépassée, il faut une révision totale de celle ci, dans le cadre d’une grande concertation. Mais le refus, de mettre tout à plat, et choisir de faire  des corrections qui circonstantielles nous conduira là où personne ne souhaite.

  5. Avatar de bocco
    bocco

    gombo , au nom de quoi la cour HOLO a fait une relecture de la decision de ROBERT DOSSOU sur la meme matière. Si HOLO pouvait alors DJOGBENOU nul n’a la science infuse.

    Le professeur Holo n’a pas fait du bien au pays a la tête de cette cour.

     

    1. Avatar de Amaury
      Amaury

      @Bocco,

      Je suis habituel courtois mais là, vous les klébés de service vous dépassez les bornes avec votre ig.no.r.a.nce crasse et votre tendance à embrouiller les gens.

      Moi je m’en fous qu’une cour fasse de revirement.  Mais il faut suivre la démarche appropriée. Aucune cour au monde ne se saisit de la même affaire pour reprendre une décision précédemment prise mais attend qu’une situation similaire se présente. Arrêtez vos idioties tendant à justifier les turpitudes d’un régime incapable de réflexion.

      Heureusement, ça aussi passera.

      1. Avatar de monwè
        monwè

        toi Amaury courtois mon oeil  même sur ce forum tu mens sans vergogne. Qui ne te connais pas tu es à l’image des politiciens que tu soutiens.

        bref donne nous la procédure à suivre comme tu t’y connais bien. Et après on discuteras

  6. Avatar de gombo
    gombo

    Au nom de quoi une decision sans recours de la cc est elle soumise a « re-interpretation »?

    Il est clair desormais que cette cour n’a aucune legitimite , ni meme legalite, operant dans une zone de non droit…

    Ses decisions doivent simplement etre meprisees, nulles et de nul effet.

    Desormais, nous n’avons plus de cc au Benin, et nous sommes dans une republique de non droit…

    Un etat voyou, dirige par une mafia  au mepris des regles elementaires de bon sens et de droit…

    Les citoyens sont delies du devoir d’obeissance a cette mafia, et doivent la combattre par tous les moyens en leur possession jusqu’a sa disparition complete de l’arene publique.

    C’est un devoir citoyen !

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