Le Bénin vous vous en doutez a beaucoup de problèmes depuis un moment, qui dépassent de loin les problèmes traditionnels longtemps cités et qui transcendent l’ensemble des gouvernements précédents celui actuel. Un des aspects de ces problèmes aujourd’hui, étant la croissance économique qu’on nous vend à coup de chiffres éloquents.
Le premier aspect de ce problème lié à la croissance étant la mauvaise répartition des revenus de la croissance, le second aspect est celui qui à notre avis est le plus important parce qu’il est lié à la stabilité nationale. C’est-à-dire l’origine de la croissance économique.
Selon un récent communiqué, la croissance économique qui fait la fierté de notre gouvernement, mais qui peine à ressourdre les problèmes de la formation, du chômage, du déficit d’infrastructures et par extension du déficit de tout, serait tirée par deux secteurs, en l’occurrence ceux du coton en premier lieu et du port en second ressort.
Comme vous vous en doutez certainement, c’est le premier moteur de la croissance qui nous intéresse le plus. En effet, si journalistes et gouvernement se réjouissent de la production record du coton depuis l’avènement de patrice Talon. Personne ne se pose la question à savoir ce que cette production record implique pour la santé publique, l’économie à long terme et la société béninoise de façon générale.
J’ai alors une mauvaise nouvelle pour vous, car la production record de ce coton moteur de la croissance, suppose une utilisation record de produits chimiques dont le glysophate qui ne présente pas un, mais des impacts négatifs pour nous tous et dont les conséquences risquent de nous emporter en déstabilisant notre pays.
Quels sont les impacts du glyphosate
1-Quels impacts sur la flore ?
Le glyphosate est un herbicide c’est-à-dire une substance chimique qui tue les herbes. Son mode d’action consiste à inhiber une voie métabolique spécifique de la croissance des plantes. Cette voie métabolique n’existe pas chez les autres organismes vivants, comme les animaux ou les insectes.
Le problème c’est que le glyphosate n’affecte pas uniquement les mauvaises herbes contre lesquelles on l’utilise. L’avis selon lequel il est facilement dégradé et absorbé dans les sols – donc sans effet néfaste sur l’agriculture – est erroné. Des études ont ainsi montré que le glyphosate se trouve facilement acheminé des tiges vers les racines ; il peut de cette façon être stabilisé et affecter négativement les plantes non ciblées par le traitement.
Parmi ces effets négatifs, on note une réduction de l’absorption des éléments nutritifs du sol, comme le manganèse, le zinc, le fer et le bore, éléments connus pour leurs rôles dans les mécanismes de résistance des plantes aux maladies. Par conséquent, en réduisant l’absorption de ces éléments nutritifs, le glyphosate affecte indirectement la résistance des plantes aux maladies, ce qui induit en retour une utilisation plus intense de pesticides et concourt à un cercle vicieux dans lequel ses utilisateurs s’enferment.
Quels impacts sur la faune
Les effets toxiques du glyphosate sur la faune s’avèrent plus importants que sur les plantes. Des études de toxicité menées sur les rats ont démontré que si le glyphosate Roundup (le plus connu des glyphosates) n’a pas induit d’effets toxiques visibles sur les femelles en gestation, il a eu un effet négatif sur la fertilité des mâles, notamment des anomalies au niveau des spermatozoïdes et une baisse de la fertilité.
D’autres expérimentations, conduites notamment sur des grenouilles, ont démontré que les adjuvants – c’est-à-dire les composants autres que le principe actif entrant dans la composition du Roundup – avaient des effets négatifs, notamment sur les hormones thyroïdiennes de grenouilles.
On a d’autre part noté un impact plus important du glyphosate sur les oiseaux sauvages que sur les oiseaux domestiques.
Du côté des organismes marins, même s’ils sont moins concernés que les espèces terrestres, de nombreuses études ont rapporté que le glyphosate avait provoqué des lésions du foie et des reins, comme chez le tilapia du Nil ; après 96 heures d’exposition à des doses relativement élevées, une mortalité accrue a été observée. D’autres études ont révélé que le glyphosate provoquait une diminution de certaines fonctions du foie et du métabolisme général.
Quels impacts sur les sols
Des études ont montré que le glyphosate possède un potentiel perturbateur affectant les microbes du sol. Il faut toutefois souligner que l’absorption, la dégradation et la lixiviation (c’est-à-dire la perte des éléments minéraux par lessivage) des sols causés par les glyphosates varient selon les types de sols ; beaucoup reste encore à comprendre dans ce domaine.
Cette variabilité et cette incertitude rendent très difficile l’établissement d’un tableau clair du devenir des glyphosates dans les sols. Certaines études ont cependant montré que ce dernier varie, certains complexes minéraux du sol retenant davantage les glyphosates que d’autres.
Il faut ici souligner que la matière organique – un des éléments les plus actifs du sol – ne semble pas avoir de capacité à absorber et retenir les glyphosates ; mais elle pourrait jouer un rôle dans ce processus. Même chose pour les éléments nutritifs des sols qui semblent également jouer un rôle réel dans l’absorption des glyphosates.
L’hypothèse de l’implication du phosphate dans ce processus a été avancée, même si certaines contradictions ont été soulignées. Dans certains sols, la désorption du phosphate favoriserait la dégradation des glyphosates ; dans d’autres, on note un effet contraire, sinon aucun effet.
Ces observations ont amené à classer les sols en deux catégories : ceux qui sont sujets à une compétition entre les glyphosates et le phosphate, avec une préférence pour ce dernier ; ceux possédant des sites spécifiques d’adsorption, en faveur soit des glyphosates ou du phosphate. Par conséquent, un sol riche en phosphate pourrait retenir moins de glyphosates, induisant une plus grande contamination des couches inférieures du sol et des nappes phréatiques ; à l’inverse, la pauvreté du sol en phosphates constituerait un facteur favorisant l’accumulation des glyphosates dans les couches supérieures des sols et donc une plus grande accumulation par les plantes.
D’autres études ont montré que les glyphosates utilisés aux doses recommandées en agriculture n’avaient aucun effet négatif sur les populations microbiennes – la flore microbienne représentant l’un des principaux facteurs de dégradation des glyphosates dans les sols – et peu d’effets sur les populations fongiques ; des effets stimulants ont même été observés sur certaines espèces microbiennes.
Quels impacts pour l’homme
Comme toutes les études de toxicité des produits chimiques, la toxicité des glyphosates sur l’homme a fait l’objet de peu d’études, comparativement à celles menées sur les animaux ; ceci est principalement imputable aux difficultés techniques et éthiques, sans compter bien sûr les contraintes d’ordre financier et commercial.
Même si de nombreuses études ont souvent démontré que les adjuvants utilisés – notamment le polyoxyethyleneamine ou POEA – sont beaucoup plus nocifs que le principe actif des glyphosates, il n’en demeure pas moins que cette catégorie de pesticides représente un danger pour l’environnement et la santé humaine.
Tous les pesticides contiennent des adjuvants ; la toxicité de ces composés ne fait que s’ajouter à celle du principe actif.
Aujourd’hui, si les organismes de régulations considèrent les glyphosates comme non toxiques aux doses recommandées, la communauté scientifique est, elle convaincue que ces substances sont toxiques et même cancérogènes, à l’image de nombreux pesticides.
À titre d’exemple, l’Agence internationale pour la recherche sur le cancer (IARC) a publié en mars 2015 un rapport classant le glyphosate comme « cause probable de cancer chez l’homme », alors que l’Agence européenne de la sécurité alimentaire (EFSA) avait pour sa part indiqué en novembre de la même année qu’il était peu probable que le Roundup représente un risque cancérogène pour l’homme.
Cette controverse a été attisée en mars 2017 par la décision de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de ne pas classer le glyphosate comme produit cancérogène ; à cela s’ajoute le revirement de l’Organisation mondiale de la santé qui en mai 2016 a déclaré le Roundup comme non potentiellement cancérogène alors qu’elle avait dit le contraire quelques mois plus tôt.
Récemment, un groupe de scientifiques a publié un commentaire à propos de cette polémique autour du caractère cancérogène ou non du glyphosate. Ces derniers considèrent qu’il est plus approprié et plus rigoureux scientifiquement de considérer ce produit comme cancérogène au vu des évaluations et des données scientifiques portant sur des cas de cancers rapportés chez l’homme et certains animaux en laboratoire.
En se basant sur cette conclusion et en absence de toute preuve du contraire, il apparaît donc raisonnable de conclure que les glyphosates, sous toutes leurs formulations chimiques, doivent être considérés comme potentiellement cancérogènes.
Il est donc urgent de mener des études beaucoup plus approfondies visant à obtenir des données fiables quant aux effets directs et indirects de ces produits sur les organismes vivants, l’environnement et l’homme. Une urgence dictée par l’utilisation massive de ces substances en agriculture… Il serait malheureux de revivre le drame du DDT, cet insecticide reconnu comme dangereux et interdit dans les années 1970.
Quels impacts pour le Bénin
Il est donc clair que l’utilisation à grande échelle de cet herbicide comporte des risques majeurs pour la santé publique, la faune et la flore. Cet aspect du problème semble visiblement ne pas suffisamment intéresser l’opinion publique béninoise alors qu’il est urgent d’en débattre, car il pourrait être demain à l’origine de plusieurs problèmes plus ou moins irréversibles.
1- La guerre des terres
L’appauvrissement des sols que va entraîner l’utilisation à grande échelle du glyphosate entrainera inéluctablement pendant les années à venir un drame humanitaire à l’échelle du pays entier si rien n’est fait. Les populations du nord du Bénin ne pouvant plus cultiver leur terre se déplaceront à travers tout le pays à la recherche de terres cultivables. Il est manifeste que ce scénario possède des éléments susceptibles de déboucher sur des conflits communautaires à l’intérieur du pays pour le contrôle des terres.
2- L’exode rural : la marche vers les grandes à la recherche du salut, de jeunes nordistes n’est plus à prouver c’est désormais une évidence. Les jeunes gens du nord qui auront ainsi perdu les terres cultivables marcheront vers les grandes villes, avec le risque d’insécurité que cela comporte socialement, économiquement et même politiquement puisque ce sont ces jeunes gens dont on peut louer facilement les services pour la commission d’actes de vandalismes et de déstabilisation. Sans compter que même à court terme, les populations du nord qui cultive le coton source de croissance ne vivent pas dignement du fruit de leur travail, je n’en connais pas qui sont millionnaires.
3- La croissance de la paupérisation
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’en dépit des discours qui claironne des performances sans précédent de la production cotonnière, force est de constater que les populations impliquées dans la culture du coton ne vivent pas dignement du fruit de leur travail. La paupérisation est ambiante dans les régions productrices et ira forcément croissant avec la destruction du sol et de l’écosystème.
Il urge donc au regard des problèmes causés par l’utilisation du glyphosate que la problématique de l’intérêt de son usage soit inscrits à l’agenda politique et social afin d’en faire un débat public. Cette démarche qui a eu cours ou qui a cours dans beaucoup de pays a débouché soit sur l’interdiction de son utilisation, soit sur des études assez poussées sur sa nocivité. En tout état de cause, il faut faire bouger les lignes sur cette question.
Il est à mon humble avis urgent que le débat sur une politique de transition économique soit initié assez vite, afin que nous évitions assez tôt le drame humain qui se profile à l’horizon de notre pays. La culture record du coton aujourd’hui qui n’enrichit qu’une poignée de personnes pourrait devenir dans les années à venir un problème majeur qui manquerait de solution.
Opposant et mouvance sont appelés à éviter ce désastre, car un mauvis héritage écologique laissé au nord pourrait bien être la source de déstabilisation du pays entier.
Richard Boni OUOROU
POLITOLOGUE
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