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Bénin : Pourquoi la réhabilitation du magistrat Justin Gbénamèto remet en cause l’autorité de la chose jugée

Le présent article est une composante d’un dossier qu’il faut lire avec l’attention que requiert la situation d’insécurité juridique créée par la décision DCC 19-270 du 22 août 2019.  En décidant de réhabiliter l’ex procureur de la République Justin Gbènamèto dans ses fonctions de magistrat, la cour remet en cause un principe sacro-saint de droit qu’est l’autorité de la chose jugée.

Cf- l’arrêt Djossou Emile par lequel la chambre administrative de la cour suprême confirme le décret de radiation du magistrat Djossou Emile.

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-La décision de la cour DCC 114-123 du 03juillet 2014 déclarant irrecevable la requête du même Gbènamèto

Eléments de confrontation des arrêts Justin S. Gbénamèto Et Emile D. Djossou

Messieurs Emile D. DJOSSOU et Justin S. GBENAMETO, tous magistrats béninois, ont été révoqués (radiés) par décisions du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), respectivement le 13 juin 2005 et le 14 janvier 2014, en application des articles 57 et suivants de la Loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature, et 17 à 20 de la Loi organique n°94-027 du 15 1999 relative au CSM.

La décision n°002/CSM-05 portant sa révocation, a été notifiée en la forme administrative à monsieur Emile D. DJOSSOU le 30 juin 2005. S’agissant de monsieur Justin S. GBENAMETO, la décision n°001/CSM-14 portant sa révocation, lui a été notifiée le 20 janvier 2014 par lettre du ministre en charge de la justice.

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La loi portant statut de la magistrature dispose en son article 81 : « Dans tous les cas énumérés ci-dessus, la révocation est prononcée par décret pris en Conseil des ministres, sur rapport du garde des sceaux, ministre chargé de la justice, après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature ». Conformément à cette disposition, un décret en conseil desministres doit être pris pour « prononcer » la révocation, le cas échéant, du magistrat ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire.

A ce niveau, il convient de rappeler que, concernant monsieur Emile D. DJOSSOU, le décret pris lui a été notifié le 03 février 2011, soit plus de 5 ans après la décision du CSM, alors que concernant monsieur Justin S. GBENAMETO, le décret n°2014-329 du 20 mai 2014 portant sa révocation, a été notifié au ministre en charge de la justice par lettre du 8 mars 2019.

Si le ministère en charge de la justice, avait notifié ledit décret à monsieur Justin S. GBENAMETO après en avoir reçu la notification le 8 mars 2019, ladite notification serait ainsi intervenue plus de 5 ans après, pour compter de la décision du CSM, comme c’est le cas avec monsieur Emile D. DJOSSOU.

Malgré les requêtes, de monsieur Justin S. GBENAMETO, adressées, de son retour d’exil, au Président de la République et au Ministre en charge de la justice en vue de sa réintégration, la notification dudit décret ne lui a pas été faite. Il n’a non plus été réintégré à la magistrature. Il a alors saisi la Cour constitutionnelle de deux recours aux contenus identiques les 30 janvier et 26 mars 2019.Ces deux recours ont abouti à la décision DCC 19-270 du 22 août 2019 qui a ordonné le rétablissement de l’intéressé dans ses droits. Avant cette décision,il y avait eu celle DCC 14-123 du 03 juillet 2014 qui a déclaré irrecevable le recours de l’intéressé contre la décision de sa radiation.

De son côté, monsieur Emile D. DJOSSOU a saisi la Chambre administrative de la Cour suprême le 22 mars 2011 pour l’annulation du décret n°2005-574 du 05 septembre 2005 portant sa radiation. La Cour suprême a rendu le 25 janvier 2018, l’arrêt n°11/CA qui annule ledit décret seulement en son article 3.

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I- Les objets des recours et le sens des décisions rendues

A- L’objet des deux requêtes identiques des 30 janvier et 26 mars 2019 de monsieurJustin S. GBENAMETO et la réponse y apporter dans la décision DCC 19-270 du 22 août 2019

a- Monsieur Justin S. GBENAMETO déclare avoir été irrégulièrement radié et que la décision de sa radiation prise par le CSM n’a jamais été portée par un acte exécutoire, en l’occurrence un décret. Selon le résumé que la Cour Constitutionnelle a fait, « il a introduit des recours auprès du Ministre chargé de la Justice, du Président de la République et du Conseil Supérieur de la Magistrature, aux fins de sa réintégration dans ses fonctions de magistrats ; que lesdits recours sont restés sans suite ; que le silence de ces organes constitue, selon lui, une torture morale, un obstacle à son épanouissement et une atteinte à son droit à la justice ; qu’il demande à la Cour de faire cesser les violations dont il fait l’objet, d’enjoindre au Président de la République la prise du décret portant sa reprise d’activité et la réparation des préjudices qui lui sont causés ». Concrètement, monsieur Justin S. GBENAMETOdemande à la Cour de sanctionner la violation des droits humains, en ce qu’il est torturé par l’application d’une décision de radiation qui n’existe pas, le décret de radiation n’existantpas matériellement selon lui et partant, n’ayant jamais fait l’objet de la publicité au Journal Officiel (JO).

b- Le motif décisif dans le raisonnement de la Cour pour aboutir au dispositif est :

  • qu’en l’espèce, la sanction disciplinaire du magistrat ne peut être effective que par l’intervention successive, nécessaire et complémentaire du Conseil supérieur de la Magistrature, délégataire du pouvoir judiciaire en cette matière conformément à l’article 128 de la Constitution, à la loi organique relative au Conseil Supérieur de la Magistrature et à la loi portant statut de magistrature, et au pouvoir réglementaire incarné par le Président de la République ».En conséquence, la Cour décide : «article 2.-Dit que la décision de radiationprononcée contre monsieur Justin S. GBENAMETO n’a pu sortir aucun de ses effets », « article 4.- Dit que monsieur Justin S. GBENAMETO doit être rétabli dans ses droits ».

B- L’objet du recours du 22 mars 2011 de monsieur Emile D. DJOSSOU et la réponse y apporter dans l’arrêt n°11/CA rendu par la Cour suprême le 25 janvier 2018.

a- Monsieur Emile D. DJOSSOU a saisi la Chambre administrative de la Coursuprême pour l’annulation du décret n°2005-574 du 05 septembre 2005 portant sa radiation. Il justifie cette demande par deux arguments auxquels la Cour suprême a apporté les réponses que nous synthétisons ainsi qu’il suit :

b- Les décisions disciplinaires prises par le CSM doivent être motivées et sontdirectement exécutoires après leur notification en la forme administrative aux intéressés sauf en ce qui concerne les décisions de révocation. Ces dernières, en raison de leur gravité, ne deviendront exécutoires qu’après la prise et la notification à l’intéressé du décret constatant sa radiation ;

-L’article 3 du décret n°2005-574 du 05 septembre 2005 est annulé parce qu’il rend exécutoire ledit décret pour compter du 30 juin 2005, date de la notification de la décision du CSM à l’intéressé, le décret lui ayant été notifié le 03 février 2011.

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  1. L’existence et l’autorité de la décision DCC 14-123 du 03 juillet 2014

L’article 20 de la Loi organique n°94-027 du 15 juin 1999 relative au Conseil Supérieur de la Magistrature dispose : « Le Conseil Supérieur de la Magistrature siège à huis clos en matière disciplinaire. Sa décision doit être motivée.

La notification de la décision est faite au magistrat concerné en la forme administrative.

La décision du Conseil Supérieur de la Magistrature n’est susceptible d’aucun recours, sauf en cas de violation des droits de la personne humaine et des libertés publiques.

Le recours le cas échéant contre la décision doit intervenir dans un délai de trois (03) jours pour compter de la notification.

Le recours est porté devant la Cour Constitutionnelle qui rend sa décision dans les délais prescrits par l’article 120 de la Constitution ».

Contre la décision de sa radiation, monsieur Justin S. GBENAMETO avait introduit le 22 janvier 2014, le recours prévu ci-dessus. La Cour Constitutionnelle avait déclaré le recours irrecevable parce que le requérant n’a pas respecté le délai de saisine de trois (03) jours imparti par l’article 20 ci-dessus. Il y a dès lors autorité de la chose jugée. Aucune remise en cause de la décision de radiation n’est en principe possible.

III- LES POINTS D’ACCORD ET DE DESACCORD ENTRE LES DECISIONS A- Les points d’accord

Pour la Cour suprême et la Cour Constitutionnelle, la prise d’un décret après la décision du CSM est nécessaire.

B- Les points de désaccord

Pour la Cour suprême, la décision du CSM en matière disciplinaire existe indépendamment de sa formalisation par un décret, sauf en ce qui concerne les décisions de radiation qui doivent être impérativement constatées par décret. La radiation prend effet pour compter de la date de notification du décret, laquelle date ne doit pas être antérieure à celle de l’édiction du décret. La Cour suprême distingue ainsi, entre l’existence d’un décret, et les conditions pour qu’il produise des effets.

Pour la Cour Constitutionnelle, la décision du CSM en matière disciplinaire n’est effective que par l’intervention successive, nécessaire et complémentaire du Conseil Supérieur de la Magistrature, délégataire du pouvoir judiciaire en cette matière,et du pouvoir réglementaire incarné par le Président de la République. Il s’agit donc d’une « décision de justice » qui a besoin de la prise d’un décret en Conseil des Ministres publié au JO, pour exister et produire les effets de droit. La Cour Constitutionnelle confond les conditions d’existence d’un décret, et celles pour qu’il produise des effets de droit.

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IV –LES QUESTIONS NON EXHAUSTIVES SOULEVEES

1-Les dispositions des articles 81 de la loi portant statut de la magistrature, et 20 de la loi organique relative au CSM, en ce qu’elles prescrivent respectivement « la révocation est

prononcée par décret pris en Conseil des ministres, sur rapport du garde des sceaux, ministrechargé de la justice, après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature », et «Le Conseil Supérieur de la Magistrature siège à huis clos en matière disciplinaire. Sa décisiondoit être motivée… La décision du Conseil Supérieur de la Magistrature n’est susceptible

d’aucun recours, sauf en cas de violation des droits de la personne humaine et des libertés publiques », sont-elles vraiment complémentaires ? N’y a-t- il pas unecontradictionrelativement à l’acte qui radie et qui impose, que la loi organique qui est supérieure, l’emportesur celle ordinaire ? Qui prend finalement la décision de radiation, entre le CSM et le Conseil des Ministres ?

2- Pourquoi la Cour Constitutionnelle, dans son raisonnement, n’a pas convoqué sa précédente décision DCC 14-123 du 03 juillet 2014 et qui a rendu définitive la radiation ?

3- La Cour Constitutionnelle est-elle fondée à convoquer, interpréter et appliquer, dans sa décision DCC 19-270 du 22 août 2019, la loi portant statut de la magistrature qui ne fait pas bloc de constitutionnalité ?

4- Sur la base de la décision DCC 19-270 du 22 août 2019, monsieur Emile D. DJOSSOU et tous autres magistrats dont les décrets de radiation n’auraient pas été publiés au JO, ne sont-ils pas en droit de saisir la Cour constitutionnelle pour être aussi rétablis dans leurs droits ? Quel serait l’impact de telles décisions sur la magistrature béninoise ? Quels seraient, le cas échéant, les regards et les réactions des bailleurs de fonds à l’égard du Bénin ?

5-Que reste -t-il du caractère définitif des décisions de la Cour Constitutionnelle, si la Cour elle-même remet en cause sa précédente décision ayant déclaré irrecevable un recours ? Une telle tendance, tel un couteau à double tranchant, au-delà du profit que ses bénéficiaires peuvent en tirer, n’est-elle pas une consécration de l’insécurité judiciaire ? Toutes décisions définitives, même passées en force de chose jugée des autres juridictions, au nom d’une violation des droits humains, ne sont-elles pas précaires ? N’allons-nous pas ainsi vers la remise en cause des décisions de justice déjà exécutées depuis des siècles et des droits y attachés au profit des individus ?

La justice devient source d’insécurité et de torture morale si ses décisions sont

réversibles à l’infini. Il faut savoir s’arrêter. Et c’est pour cela qu’il y a le principe de l’autorité

de la chose jugée.

Que chacun lise et se fasse une idée de la valeur et de la portée des décidons rendues.

4 réponses

  1. Avatar de belloelvis
    belloelvis

    Quelle tristesse et qu’elle honte ce nouveau club de gangsters malheureusement hissé au sommet…….?

  2. Avatar de Jojolabanane
    Jojolabanane

    Cet article n’a pas sa place dans un journal d’actualité. La moitié des lecteurs ignore ce qu’est “ l’autorité de la chose jugée”, même le journaliste ignore les fondements de la chose jugée.

    By the way : Un décret n’a pas autorité de la chose jugée : Un décret n’est pas Un jugement.

  3. Avatar de sultan aziz
    sultan aziz

    Insécurité juridique….

    Insécurité administrative..

    Insécurité fiscale..

    Insécurité politique….

    Insécurité citoyenne……

    Insécurité tout court…si on sait…qu’aujourdhui…au benin…on peut te tuer…receller ton cadavre..

    La gestapo,et les miliciens..peuvent t’arreter…te séquestrer…mettre la drogue chez toi….et te condamner…sans aucune preuve…

    meme les révolutionnaires….de ..1972..1990…n’ont pas osé..nous faire ça….

  4. Avatar de gombo
    gombo

    Quand on confie la justice du paus a des avocats de competence douteuse dont le seul merr rite est d’avoir defendu Talon o n aboutit a de telles incongruites…
    La justice malleabke ey a dimension variablook es …
    Pouahhhhh
    Notre pays est vraiment tombe bas sous la rupture

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