Le comité d’experts chargé de formuler les avant projets de loi prenant en compte les recommandations issues du dialogue politique des 10, 11 et 12 octobre 2019, a transmis son rapport au président Patrice Talon ce vendredi dans la matinée. A l’occasion, le chef de l’Etat a exprimé ses appréhensions par rapport à une éventuelle révision de la Constitution que pourrait induire ces avant projets de loi. Trouvez ci-dessous le verbatim des propos du président Talon.
«J’ai noté et entendu dans les propos du coordonnateur du comité un ou deux mots relatifs à la Constitution. Pour être plus précis, si j’ai bien compris, (on peut procéder) à une retouche éventuelle de certaines dispositions de la constitution. Vous savez monsieur le coordonnateur, messieurs les membres du comité que (j’ai) désormais une certaine aversion pour cette question.
Et je l’ai dit ouvertement à plusieurs occasions que je ne souhaitais plus, durant mon mandat en tout cas pour le reste du mandat, revenir sur cette question qui soulève beaucoup d’incompréhensions et de polémiques même si parfois, le bien-fondé n’est pas à démontrer. C’est vrai que comme il faut le comprendre, sauf à trouver le contour juridique permettant la chose, de façon générale ce qui induit forcément l’alignement des mandats, appelle à revoir le mandat des députés. Ce qui est d’ordre constitutionnel.
« J’avais secrètement espéré que la mise en œuvre de ces recommandations (nous évite de toucher à la Constitution) »
Il en est ainsi d’une disposition éventuelle permettant une meilleure représentation du peuple par les femmes. C’est-à-dire, introduire une discrimination au profit des femmes qui pourrait être contraire aux prescriptions de la Constitution. Donc, le faire, nécessiterait une certaine retouche de la constitution. J’avais secrètement espéré que la mise en œuvre de ces recommandations puisse trouver une habileté juridique qui peut-être nous éviterait une retouche.
Mais je sais très bien que même si le droit peut-être parfois habilement utilisé, trouver le miracle de le contourner ou de le formuler de manière à atteindre les objectifs, dans toutes les circonstances, peut-être difficile. Et je voudrais vous exprimer mes inquiétudes ou ma réflexion quant à ce processus de révision. J’aurai beaucoup de difficultés à accompagner une telle démarche et m’impliquer même dans sa mise en œuvre par sa promulgation si des modifications devraient effectivement être faites, si nous ne trouvons pas les moyens de formuler ces modifications aussi minimes soient-elles.
Si nous ne trouvons pas les moyens d’évacuer les craintes des uns et des autres, si nous ne trouvons pas les moyens de rassurer les uns et les autres quant à toutes possibilités aujourd’hui et à venir de ces modifications ou manipulation de ces modifications pour violer un esprit, un pilier fondamental de notre constitution qui est le nombre de mandats, la limitation du nombre de mandats présidentiels. Vous savez qu’un acquis important auquel nous sommes attachés unanimement dans le pays, c’est que nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels au Bénin quelles que soient les circonstances.
« Chaque fois qu’une constitution est touchée, cette modification est évoquée comme changement de Constitution »
Et nous savons malheureusement que c’est devenu un peu la mode qu’à l’occasion ou bien chaque fois qu’une constitution est touchée même simplement techniquement pour régler un problème du moment, cette modification est évoquée comme changement de constitution, est présentée comme changement de constitution, l’instauration d’une nouvelle République pour remettre souvent les compteurs à zéro afin que le président en exercice pendant le mandat durant lequel la modification de la constitution est effectuée ou les mandats passés avant cette modification ne soient considérés comme zéro que la limite des deux mandats commence à être décomptée seulement après la modification.
« je suis également conditionné par ce risque »
Et ça, ça conditionne nos concitoyens de sorte que personne ne veut toucher la constitution pour éviter ce risque-là. Même moi-même j’y tiens. Je suis également conditionné par ce risque, par cette interprétation. Je n’ai pas de doute sur mes convictions personnelles éventuelles sur ce que mon esprit est capable de faire ou de devenir. Je n’ai pas de doute là-dessus. Mais nous avons l’obligation de disposer pour aujourd’hui et pour demain.
Nous avons l’obligation de prévenir également toute question qui pourrait venir de quelconque d’entre nous demain peut-être même de personne qui utiliserait, même si elle n’est pas encore connue aujourd’hui, de telle modification à des fins ou d’intérêts personnels. Je n’ai pas tous les contours juridiques de la question. Je l’exprime comme un citoyen ordinaire, comme un profane. Je le suis en la matière.
Ne pas remettre en cause la limitation des mandats du président de la République
Je voudrais donc que les uns et les autres aient cela comme boussole afin que si on doit formuler une quelconque modification pour servir la cause qu’on vient d’évoquer, il faut impérativement trouver une formulation qui rassure tout le monde et qui empêcherait dans tous les cas, en toutes circonstances une quelconque interprétation de ces modifications pour remettre en cause ce pilier fondamental de notre constitution qui est la limitation des mandats de président de la République.
Si on ne parvient pas à le faire, mon lobbying ne servira pas cette cause et je ne promulguerais jamais une modification constitutionnelle qui servirait demain à créer des histoires. C’est vrai, nous voulons progresser».
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