Le prétendu dialogue (talonlogue) organisé par le gouvernement les 10,11 et 12 octobre 2019 a accouché d’une souris. Marqué pied à pied par l’opposition qui a organisé les mêmes jours une rencontre parrallèle, la rencontre gouvernementale n’a pas eu le succès médiatique escompté. Le directeur général de l’ORTB a du perdre son poste confirmant l’adage « le dictateur n’a pas d’ami. ».
On le combat jusqu’à sa chute. Mais le chef de l’Etat a réussi à garder la main. Le format du dialogue en dit long. Il a exclu les partis de l’opposition et les organisations de la société civile dont la présence pouvait faire changer le plan gouvernemental comme ce fût le cas en 1990 à la conférence nationale avec kérékou. De même le timing était bien choisi.
Le dialogue est annoncé dès l’attribution du récépissé de déclaration à l’aile compatible des forces cauris pour un bénin émergent. Mais, le président Talon organisait le dialogue pour le président Talon. Ayant réussi son coup politique au parlement à travers l’organisation d’élections non inclusives par l’intermédiaire de réformes rigoristes et la complicité des institutions de la république, il restait un obstacle fondamental pour la révision de la constitution. Il s’agit du principe à valeur constitutionnelle du consensus national.
Tout a été mis en oeuvre pour obtenir la participation d’une aile de l’opposition radicale. Préparé avec minutie par la mouvance présidentielle, un mot de passe est donné au parti du renouveau démocratique qui a été dans tous les coups » organisé des élections générales en 2021″. Ce mot de passe a été naïvement repris par l’opposition compatible qui a raccourci le délai à 2020. La bête a mordu à l’appât. Elle est tombée dans le piège. Au finish, une recommandation non consensuelle en est sortie. Elle est transformée en consensus par le comité d’experts.
Dans la réalité le président Talon ne veut pas affronter les élections avant la fin de son mandat ou de son séjour à la tête du pays. Il n’est pas de nature à accepter la défaite. Il veut gagner tout ce qu’il embrasse.Conscient de son impopularité, il a tout mis en oeuvre pour que ses deux partis politiques en lice n’aient pas de concurrents aux élections législatives. Une assemblée unijambiste en est résultée. La crise politique ouverte a créé une atmosphère délétère qui en a rajouté à son impopularité. Mais, le temps passe.
2021 est la fin de son mandat. Il lui sera difficile d’invoquer la crise pour ne pas organiser les élections présidentielles. Le conseil des ministres s’approprie le contenu du rapport du simulacre de dialogue et annonce la mise en place d’un comité d’experts dominé par les « talonnistes » pour habiller la procédure.
Commment comprendre qu’un dialogue annnoncé dans son discours du 20 mai pour apaiser la tension aboutiisse au rapport d’un comité d’experts qui ne dit rien des élections contestées?
Au fait deux recommandations ont poussé au dépôt d’une proposition de loi de révision constitutionnelle. L’organisation d’élections générales et la représentativité politique des femmes. Dans le rapport, le comité a émis des hypothèses pour la première. L’une des prochaines élections présidentielles est prise. Le comité conclut à la possibilité d’opérationnaliser celle de 2026. La question: à quoi servirait une modification de la constitution en 2019 pour être opérationnalisée en 2026?
Le principe c’est de faire d’économie à l’Etat et aux candidats. Fait-on dans ce cas d’économie s’il doit avoir d’élections en 2020, 2021 et 2023 avec une transition de trois ans entre 2023-2026? La réponse est non. Ce qu’il faut savoir, c’est que l’esprit d’élections générales conduit le chef de l’Etat au pouvoir sans remettre en jeu son mandat jusqu’en 2026. La Cour constitutionnelle est mise à contribution pour une telle interprétation au moment venu. Nous allons en souffrir mais nous ne pourrons rien. Le mandat des conseillers municipaux, communaux et locaux n’est pas constitutionnel. Une loi le prorogera jusqu’en 2026.
Celui des députés actuels pourra durer quatre ans et proroger de trois ans avec une nouvelle révision jusqu’en 2026. Quant au poste de vice- président, il n’est opérationnel que dans le cas d’élections générales. S’il doit avoir d’élections en 2021, le président Talon livrera une nouvelle bataille aux anciens présidents et à l’opposition qui n’accepteraient pas une nouvelle exclusion. Il la perdrait si elle est ouverte et concurrentielle. Le chef de l’Etat en est conscient et la communauté internationale lui mettra la pression. Par conséquent, une révision de la constitution sous la forme actuelle le soustrait de toute compétition électorale jusqu’en 2026. Soyons-en convaincus.
Kitti H. Nathaniel, juriste-politiste, enseignant-chercheur, fadesp, uac, béni
Laisser un commentaire