La révision de la constitution béninoise continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Depuis le 1er Novembre 2019, plusieurs personnalités se sont invitées dans le débat et ont donné leur lecture des derniers événements. Après plusieurs députés de la 8è législature et certains acteurs de l’opposition béninoise, c’est autour de Daniel Edah de réagir. A travers une lettre ouverte, Daniel EDAH interpelle le chef de l’Etat, Patrice Talon et fait trois propositions pour une révision démocratique et consensuelle. Lire ci-dessous le contenu de la lettre de Daniel Edah.
LETTRE OUVERTE DE MONSIEUR DANIEL EDAH AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU BÉNIN AU SUJET DE LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION DU 11 DÉCEMBRE 1990
Monsieur le Président de la République,
À propos de la révision constitutionnelle engagée, j’ai choisi de vous adresser la présente lettre ouverte après celle du 24 octobre adressée aux Députés.
Le 25 octobre 2019, vous avez affirmé que vous ne promulguerez pas un texte à polémique. Vous avez ainsi donné votre parole présidentielle. Une parole sacrée.
Monsieur le Président de la République, prenant acte de votre parole, en citoyen attaché à l’éthique et la décence dans la gouvernance de notre pays, je viens vous demander de prouver au peuple béninois que vous êtes vraiment un homme d’honneur.
Monsieur le Président de la République, en dehors de Dieu à qui personne ni aucune force ne peut résister, aucune force humaine ne vous fera plier. Beaucoup le savent et vous craignent pour cela. Vous-même le savez très bien.
Loin de toute confrontation donc, j’en appelle plutôt au cœur de l’homme d’honneur qui n’est plus demandeur de révision de la constitution, qui a promis rejeter toute révision à polémique.
Monsieur le Président de la République, je vous invite à ne point compter sur la force publique, sur l’arsenal juridique et constitutionnel favorable à votre service pour accepter une révision à polémique synonyme d’exercice aveugle de la force ou de la puissance contre le peuple.
Monsieur le Président de la République, après certainement la réussite du lobbying des députés que vous a publiquement demandé le président de l’assemblée nationale pour la révision rapide de la constitution dont le projet a été soigneusement caché au peuple par les 83 compatriotes sensés être ses représentants, le texte en circulation et supposé être la constitution révisée est à polémique, à grande polémique même.
Avant de soulever quelques points à polémique, je voudrais saluer le génie d’insertion de quelques minces appâts comme la limitation du nombre de mandat des députés, la reconnaissance de la chefferie traditionnelle ou encore la discrimination positive en faveur des femmes pour forcer l’adhésion des catégories cibles.
Monsieur le Président de la République, au-delà de la question de parrainage qui, dans le contexte actuel, semble une trouvaille de plus pour limiter la compétition, une nouvelle tentative d’exclusion à un moment où le rassemblement et l’inclusion sont ce qu’attend notre peuple, la révision unilatérale de la constitution en convoquant en plus des sujets jamais débattus dans le dialogue selon les propos mêmes de participants à ce dialogue est à polémique. Vous devez rejeter cette révision par respect de votre parole donnée.
Monsieur le Président de la République, puisque la discrimination positive en faveur des femmes est l’une des justifications de la révision, qu’il me soit permis de relever qu’en nommant neuf experts sans y mettre une seule femme alors qu’il y a des femmes capables dans votre entourage, vous vous êtes contredit en jetant un sérieux doute sur votre foi en l’expertise et la capacité des Femmes Béninoises dont je salue au passage la compétence et l’esprit de sacrifice.
Monsieur le Président de la République, en ce qui concerne la question de vice président qui n’aurait jamais été discutée lors du dialogue, si vous promulguez ce texte, vous auriez démontré que c’est vous-même qui avez rédigé cette mouture de la constitution révisée bien avant le dialogue.
La question de vous laisser engager seul tout le pays dans des prêts que vous voulez et en informer sous 90 jours l’assemblée nationale par la suite ne faisait pas partie des points du dialogue et rien ne justifie une telle modification dans un contexte où la transparence est de plus en plus requise en amont et en aval dans la gouvernance du pays.
Monsieur le Président de la République, il me plaît de vous rappeler que vous êtes l’employé numéro du Bénin et que votre employeur est le peuple que le parlement doit représenter.
Je suis persuadé qu’avec vos grandes qualités de grand homme d’affaires, donc chef d’entreprise, vous comprenez qu’il serait absurde voire stupide de laisser le CEO de votre groupe ou de l’une de vos filiales d’abord engager financièrement votre groupe et ensuite en informer le Conseil d’administration ou son Chairman que vous étiez.
Sinon, que resterait-il donc comme pouvoir à un parlement qui ne peut freiner les ardeurs d’un président qui endetterait son pays dans la mauvaise direction ou pour des raisons mauvaises ou inopportunes?
Monsieur le Président de la République, les dettes contractées aujourd’hui engageant les générations à venir, cette disposition qui vous donne le champ libre pour nous endetter à souhait est une innovation apatride car il est incompréhensible que des représentants du peuple aient ainsi accepté que le peuple qu’ils représentent soit dépouillé de sa prérogative de décider combien et quand le gouvernement peut emprunter de l’argent en son nom.
Monsieur le Président de la République, si vous n’êtes ni demandeur ni instigateur de ce texte de constitution révisée qui rabaisse les députés et réduit le parlement en une chambre d’enregistrement des actes financiers pris au nom du peuple de façon solitaire ou clandestine, je vous propose de ne pas promulguer ce texte.
Monsieur le Président de la République, le Bureau Politique du parti FCBE utilisé pour justifier la participation d’une opposition au dialogue dans la quête d’une légitimité à votre démarche de révision de la constitution a déclaré le 31 octobre 2019 ne pas se retrouver dans la révision de la constitution que vous avez entreprise.
Monsieur le Président de la République, si ce texte de constitution révisée et les idées à polémique qu’il contient ne sont pas votre propre proposition que vous faites porter par vos députés pour simuler les formalités d’une révision constitutionnelle par l’assemblée nationale, ne promulguez donc pas ce texte.
Monsieur le Président de la République, je vous lance cet ultime appel à abandonner la révision de notre constitution dans la configuration actuelle du parlement.
Cependant, parce que je sais que vous en faisiez un défi presque personnel, si vous prenez à nouveau la responsabilité du projet de révision de la constitution auquel je ne fais guère une opposition aveugle comme vous pouvez le constater, au lieu de vous laisser vaincre sans péril pour triompher sans gloire en validant ce qui vient d’être fait à l’unanimité par le parlement, je vous propose de choisir l’une des trois options ci-après pour une révision démocratique et consensuelle:
- demander, par référendum, l’avis du peuple sur le projet de la nouvelle constitution que les 83 députés auraient adopté.
- faire démissionner en bloc les députés et leurs suppléants qui sont tous de vos deux partis politiques afin d’organiser les élections générales en 2020 et ensuite réintroduire la révision ou
- si vous ne pouvez pas consentir le sacrifice d’écourter le mandat de vos 83 députés, attendre que le parlement ait une opposition à l’issue des prochaines élections législatives pour le faire.
Vous avez le pouvoir et la force d’ignorer cet appel. Des serviteurs trop zélés vous inciteront à l’ignorer voire même à vous en prendre à moi comme aux autres compatriotes n’approuvant pas votre gouvernance mais je sais que vous avez un cœur et qu’à défaut de reconsidérer le projet pour vous-même, vous le ferez cette fois-ci pour votre nom, surtout pour votre descendance.
Dieu vous y aide !
Dieu protège le Bénin !
Je vous remercie.
Fait à Pahou, le 3 novembre 2019
Daniel Edah
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