La fermeture des frontières nigérianes est un sujet omniprésent dans les médias depuis le 20 août dernier. La raison qui sous-tend une telle mesure selon Abuja, c’est la lutte contre la contrebande d’essence et de riz. Il faut dire que le président nigérian Muhammadu Buhari avait déjà interdit l’importation de riz dans le pays en 2015 avant de faire machine arrière quelques mois plus tard.
On se demande donc pourquoi il est déterminé cette fois-ci. Pour l’universitaire béninois John Igué, l’eau a coulé sous les ponts depuis 2015. Aujourd’hui, le Nigéria a mis en place un vaste programme de développement de sa production de riz géré notamment par le milliardaire Aliko Dangote. Or, le riz importé du Bénin qui l’importe lui-même d’Asie est moins cher et fait baisser le prix à la consommation. Le président Buhari subit donc la pression des hommes d’affaires de son pays, explique M Igué dans les colonnes d’un média français.
« Aujourd’hui de plus en plus de commerçants béninois font passer leurs marchandises par la mer »
L’autre raison qui justifie cette mesure prise par Abuja, c’est la qualité même du riz en provenance du Bénin. Il est souvent nutritionnellement pauvre. Ce que les nigérians affectionnent de moins en moins, souligne le professeur d’université. Le président du laboratoire d’analyse régionale et d’expertise sociale rappelle à toutes fins utiles que le Nigéria a toujours eu une politique économique plus ou moins protectionniste mais la production locale de riz ne suffit toujours pas à nourrir ce pays qui est le plus peuplé du continent avec 200 millions d’habitants.
Le géant voisin de l’Est est le deuxième importateur de riz au monde derrière la Chine. Donc en verrouillant les frontières de son pays le locataire d’Aso Rock (palais présidentiel nigérian) a « renforcé le phénomène de la contrebande » estime John Igué. « Aujourd’hui de plus en plus de commerçants béninois font passer leurs marchandises par la mer » ajoute l’ancien ministre béninois qui fait remarquer qu’il y a seulement une dizaine de points de passage officiels fermés.
La fermeture des frontières contredit la Zlec
La frontière longue de 800 mètres est poreuse et compliquée à surveiller. « Il y a encore beaucoup de possibilités de contourner cette fermeture » assure-t-il. L’homme a par ailleurs indiqué qu’il craignait pour la zone de libre-échange continentale avec cette mesure des autorités nigérianes. « La fermeture des frontières contredit évidemment le principe de libre-circulation des personnes et des biens que le Nigéria a d’abord signé avec la Cédéao, puis avec la Zlec » a-t-il déclaré.
Le béninois invite les deux pays à s’entendre parce qu’ils n’ont pas « d’autres choix ». Le président nigérian doit savoir que les relations commerciales entre le Bénin et le Nigéria sont séculaires et qu’il y a les mêmes ethnies des deux côtés de la frontière qui travaillent en bonne intelligence. « Cette survivance des activités traditionnelles ne devrait pas être associée à la contrebande »estime M Igué.
Les députés béninois interrogent le ministre Agbénonci sur la fermeture des frontières nigérianes
Selon ses explications, les études ont prouvé que ce que nous appelons « contrebande » est le résultat des stratégies individuelles pour pallier des systèmes économiques défaillants. « Ces échanges dits « informels » entre les deux pays sont indispensables pour satisfaire les besoins des populations en denrées de première nécessité comme le carburant ou le riz » fait savoir l’universitaire béninois.
Répondre à Soyinka Annuler la réponse