Le Bénin Marina hôtel, anciennement appelé Hôtel Sheraton n’existe plus. L’immense bâtisse en forme de « S », complexe hôtelier de cinq étoiles à sa mise en service, a été déclassée à pour devenir quatre étoiles vers les années 2000. Construite au début des années 80 sur une superficie de plusieurs hectares, sa superficie sera réduite par une cession convenue entre le nouveau repreneur et le groupe LAICO. La partie objet de ladite cession abrite aujourd’hui les villas de la CENSAD.
Vestige des années du pouvoir révolutionnaire du Général Kérékou dont il était l’un des principaux joyaux, la majestueuse bâtisse a été démolie, il y a quelques semaines dans l’ignorance et l’indifférence générale de la plupart des Cotonois qui y affluaient les weekends pour des séances photos. Plus grave encore est l’indifférence des happy few qui en étaient largement informés, mais obligés de la ‘’boucler’’, de peur d’être taxés d’opposants.
En lieu et place, depuis quelques jours, la même palissade de tôle blanc et gris-sale rébarbative pour cacher de la vue des curieux, des tas de gravats de blocs de briques et de carreaux dans une poussière que les démolisseurs vont dégager au milieu des bruits assourdissants des bulldozers pour des destinations inconnues. Dans le même catégorie que la bâtisse en cause, s’il y avait en avait une à démolir dans Cotonou, après le 6 avril 2016 , ce pourrait être le Plm Alédjo dont l’état de décrépitude avancée ne laisse aucun Béninois sérieux indifférent. Et même en pareille hypothèse, elle devra vite être reconstruite à l’identique pour l’histoire ! Le Bénin Marina Hôtel ne mérite certainement pas ce sort! Cet édifice en béton armé qui surplombait majestueusement la ville de Cotonou était solide et pourrait’’ au dire d’ un expert, rester en l’état pendant encore cent ans ».
Qu’il vous souvienne ! Courant 2017 l’établissement, propriété depuis plusieurs années de l’homme d’affaires Martin Rodriguez, après une cession intervenue entre l’Etat béninois et son groupe, a été prétendument retourné dans le patrimoine de l’Etat au pied levé et au pas de charge. Un tel « rapt » a été effectué, malgré la médiation du président Alassane Ouattara à la demande des parties, qui a dépêché à Cotonou son ancien ministre des Affaires étrangères, aujourd’hui président du Sénat.
Dans la foulée, un fonctionnaire, administrateur provisoire y a été nommé et les représentants de l’ancien propriétaire chassés comme des malpropres. Du jour au lendemain ! Notre propos ici, n’est pas de revenir sur cet épisode malheureux de la vie politique de ces trois dernières années, encore moins, de remuer le couteau dans la plaie en cherchant à savoir qui est le véritable propriétaire de ce complexe hôtelier. Néanmoins, le devoir citoyen nous impose d’adopter deux postures, celle ou nous nous indignons du silence des sachants, et celle ou nous adressons une série de questions simples à l’endroit de nos dirigeants bien intentionnés, bâtisseurs auto-proclamés. C’est donc légitimement que nous nous attendons à des réponses de leur part :
Qui a décidé de la démolition de cet immeuble dont la construction date de moins de 50 ans ? Le commanditaire de cette décision arbitraire et étrange l’a-t-il fait par vengeance à l’égard du propriétaire, dans le but d’annihiler toute velléité d’assignation en justice et d’effacer les traces d’une administration provisoire qui a pris fin sans audit de gestion ? En posant ces questions naïves dont la réponse est bien connue, nous voulons savoir à quelle expertise on a recouru pour arrêter la décision de la démolition ? N’était-il pas possible de procéder à une rénovation en profondeur pour le rendre plus moderne plus conforme aux normes de construction de notre temps, dans un gouvernement où figure un ministère du cadre de vie dont le titulaire est architecte de formation venu tout droit de la Bad?
Comme ce fut le cas du palais des gouverneurs français devenu siège de notre parlement tout comme l’ancien palais de la Marina, vieux de près de 60 ans construit par le même architecte que celui qui a supervisé les travaux de la construction de l’ambassade de France et du palais de justice toujours debout. Le donneur d’ordre ignore t-il que l’ équivalent du Bénin Marina Hôtel en Côte d’Ivoire, le bien connu Hôtel Ivoire dont l’érection remonte aux premières années de l’indépendance de ce pays, n’a jamais été démoli mais rénové plusieurs fois, tout comme l’hôtel Sarakawa de Lomé récemment rénové ? Sait-il aussi que Notre-Dame de Paris dont le toit est parti en fumée dans un mémorable incendie qui a secoué le monde entier en 2019 est vieille de plus de quatre cents ans ? Pourquoi un pays sous développé comme le nôtre ne pourrait-il pas éviter de construire des immeubles tous les 40 ou 50 ans au profit de ceux qui peuvent résister aux intempéries du rude climat tropical ?
La résidence des filaos vient aussi de passer sous les fourches caudines rageuses des bulldozers aveugles, quelques jours après le tollé qu’a suscité le déménagement humiliant par huissier de justice des effets personnels du général. On peut aujourd’hui se reposer les mêmes questions que ci-haut.
Pourquoi est-il si urgent de démolir la résidence où Mathieu Kérékou, mort il y a seulement six ans, a vécu avec une partie de sa progéniture pendant plus de cinquante ans? Pourquoi cette polémique inutile sur la paternité de la résidence pour quelques arpents de terre autour d’un homme certes controversé, mais qui a dirigé le pays plus de vingt ans durant ? Pourquoi cette résidence plutôt modeste pour un président (signe de grande humilité), ne pourrait-elle pas être maintenue en l’état, dans son architecture coloniale à côté des jardins dits de Mathieu, dont la construction est seulement envisagée, pour la transformer en musée pour les futures générations même avec la mention « ici a vécu un dictateur reconverti en démocrate bon teint », pour faire plaisir à nos amis communistes ? Après tout, le palais des tsars de toutes les Russies et autres immeubles aux toits en forme de dôme trône toujours sur la Place rouge du Kremlin ? On pourrait en dire autant du Château de Versailles à Paris, oeuvre du Roi Louis XIV, le bien nommé Roi soleil. Ce château au lustre désuet aujourd’hui continue d’abriter, les visites de chefs d’Etat étrangers, galas de la jet set et autres séances solennelles de l’Assemblée nationale et du Sénat réunis en congrès. ‘’Versailles c’est le symbole du génie de la France » vient de dire sentencieusement Carlos Ghosn.
Le Bénin Marina Hôtel était de ce point de vue le symbole de la volonté de modernisation d’un régime révolutionnaire qui avait décidé de doter notre pays d’un hôtel de classe internationale, au moment où le Togo voisin en disposait de plusieurs à Lomé et à Kara. Pendant que la résidence des filaos était l’exemple vivant de la vie quasi spartiate menée par un président d’origine paysanne, notoirement modeste. Rien que pour cela, ces deux édifices méritaient d‘être conservés, restaurés au besoin, mais pas d’être démolis.
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