La crise du Coronavirus vient de plonger l’économie mondiale dans le coma, un coma profond annonçant ainsi la fin de la globalisation fondée essentiellement sur l’économie libérale. En effet, et à y regarder de près ,on constate que le Corona-coma sera plus dévastateur que la Grande dépression des années 1930 et que les instruments de politique économique essentiellement keynésiens ne pourront plus aider à juguler les crises post-coronavirus qui sont des chocs exogènes globaux en ce sens qu’elles touchent un pays (indépendamment de sa rigueur macroéconomique ) et sans que les autres régions du monde ne soient â l’abri : l’intégration des économies nationales a transformé le monde entier en un village planétaire.
Avec ses avantages mais surtout beaucoup d’inconvénients pour les petites économies ouvertes (PEO) comme l’économie du Bénin très peu diversifiée et trop exposée aux chocs (endogènes et exogènes) à cause du ratio trop élevé de biens non échangeables/ biens échangeables.Nous sommes désormais et inéluctablement en route vers un futur très incertain pour l’économie mondiale et nos économies nationales respectives. Cette nouvelle situation nous force à nous préparer, plus qu’auparavant, à l’intégration régionale économique, monétaire et politique pour mieux absorber les futurs chocs exogènes qui seront la particularité de toutes les crises post-coronavirus avec des virus émergents.
Il faut changer notre façon de vivre, en nous lavant plus souvent les mains, mais aussi notre façon de réformer nos économies nationales. Les politiques de stabilisation macroéconomique et les politiques structurelles nationales ne pourront pas nous aider à sortir du Corona-coma. Et on peut le voir depuis quelques semaines, la floraison de programmes de relance, que ce soit aux États-Unis (2200 milliards de dollars ) ou dans plusieurs autres pays au monde à coups de dizaines de milliards d’euros n’arrivent pas à juguler un tant soit peu la crise économique sous jacente au Coronavirus. Ces programmes de relance sont en train de produire plutôt des effets boomerang avec plus de chômage, plus de misère et plus de désolation humaine.
En effet, la globalisation fondée sur le libéralisme économique ne sied pas aux crises de type Corona-coma. Le libéralisme est défendu et défendable parce qu’il garantit la démocratie et la liberté d’expression. Par ailleurs, le libéralisme est le pire des systèmes économiques, à l’exclusion de tous les autres. La globalisation basée sur le libéralisme économique n’est pas défendable, hélas! Et la présente crise du Coronavirus le démontre amplement et avec force détails. Cette crise de Coronavirus a le mérite de montrer que l’hubris du capital conduit à la catastrophe et elle a dessillé les yeux de beaucoup. La crise du Coronavirus sonne le glas d’un libéralisme économique qui se voulait global, occidental et impérial. Nous assistons désormais à la fin de la globalisation telle que pensée en ses débuts. La globalisation a reçu à Huan un coup mortel et fatal. Huan a donné le coup de grâce et sonné l’hallali de la globalisation !
Mais moraliser le capitalisme moteur de la globalisation telle que conçue au départ est un non-sens compulsif. Le capitalisme est amoral par nature. Il ne se soucie pas d’éthique ni de solidarité, mais de compétitivité, d’efficience et de profits, et ce faisant, il est parfaitement et pleinement dans son rôle. On ne peut pas changer la logique interne du capitalisme. Mais on ne peut pas davantage éluder sa présence. Il faut se rendre à l’évidence et avoir la lucidité de reconnaître que nous sommes dans une société capitaliste et que le marché est une composante essentielle de la modernité. La principale leçon à tirer de la présente crise est de vivre avec le marché sans être dévoré par le marché ! Il faut le domestiquer comme le fait avec brio la Chine.
Le capitalisme global vient de révéler à la face du monde toute sa nocivité à l’occasion de la présente crise sanitaire. Des familles entières jetées dans les rues sans protection, des zones urbaines et rurales entières mises en confinement total et en quarantaine sans nourriture, sans un minimum de soins sanitaires et sans revenus. On découvre sur les télévisions du monde entier des scènes prégnantes et hallucinantes d’une fin du monde annoncée. C’est certainement la fin du capitalisme sauvage déshumanisant. Ainsi, on découvre avec étonnement et tristesse un nouveau précariat qui prend place dans nos sociétés des hommes, il rassemble tous ceux, et ils sont de plus en plus nombreux, qui occupent en permanence les activités intermittentes, à temps partiel, bien en deçà de l’emploi classique, et qui sont incapables d’assurer par eux-mêmes un minimum d’indépendance économique et sociale. En même temps, l’insécurité sociale est grandissante avec les licenciements massifs et la délocalisation des grands groupes industriels. L’écrasante majorité des travailleurs à travers le monde sont obligés de vivre au jour le jour et de « vivre au jour la journée » et à la petite semaine.
Pour eux, un confinement de trois semaines, pour prendre le cas de l’Inde, un pays d’un milliard trois cent millions d’habitants, est une invite à la mort programmée. Nous sommes bien entendu en guerre, une drôle de guerre contre un ennemi commun mais invisible. Comme dans toutes les guerres, les populations civiles sont enfermées dans leurs maisons, loin des théâtres des opérations, les rues sont désertes, les aéroports sont fermés, les avions sont cloués au sol, les transports publics sont bloqués, les hôpitaux reçoivent à longueur de journée et toutes les nuits des malades graves, les cadavres s’entassent et les cimetières ne désemplissent pas. Drôle de guerre, les villes mortes et fantômes, les écoles, les centres commerciaux, les centres de divertissements sont fermés, nous sommes en guerre. Mais une guerre sans affrontements physiques. Nous avons fui l’ennemi qui a pris d’assaut toutes les localités et nous a mis en déroute. Il est dans les rues, il est dans les bois, il est dans nos forêts, il est dans nos ruisseaux, il est partout…Il est dans les rues avec nos animaux domestiques, et nous sommes en cage, devant nos postes téléviseurs et suivre, impuissants, à la radio ses exploits guerriers: telle ville est tombée dans les mains de l’ennemi, tel pays vient d’enterrer tel nombre de morts…telle contrée vient d’être évacuée de tous ses habitants….
Les guerres donnaient l’occasion de reconstruction et de réarmement ; ce qui permet de relancer l’économie. Mais nos stocks d’armes de destruction massive, nucléaire, biologique et classique, nos porte-avions, nos chars, nos missiles balistiques et autres, nos hélicoptères sont intacts. Alors comment se fera l’économique de l’après-Coronavirus? Il va falloir inventer une nouvelle vraie guerre ou alors le capitalisme avec son complexe militaro-industriel sera enterré ! Et le génie humain va créer un système économique qui mettra l’homme au centre comme l’alpha et l’oméga de tout développement. Washington, DC, le 4 avril 2020
Par: Dr Yacouba Fassassi
Économiste principal du Fonds monétaire international à la retraite.
Ancien Conseiller spécial et Chef de la Cellule macroéconomique de la Présidence de la République du Bénin.
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