Depuis l’apparition du premier cas de Coronavirus au Bénin, beaucoup d’entreprises se sont succédées au Ministère de la santé pour des opérations de dons divers (matériels, numéraires…) afin de consolider le dispositif de lutte contre la pandémie. Démarche citoyenne, communicationnelle ou promotion de la marque Employeur ? Ces gestes des entreprises peuvent être rangés dans la catégorie des actions RSE. Mais une RSE mieux structurée est possible. Revue d’une liste de 10 initiatives RSE proposées par deux Experts.
1- Organiser la rotation des employés
Même si l’interdiction de regroupement de personnes ne s’est pas étendue aux entreprises, elles sont néanmoins concernées car étant des lieux à risques. Dans la droite ligne de préserver la santé du personnel et d’ériger une barrière contre la propagation, il serait intéressant pour les entreprises d’organiser le personnel en petits groupes qui peuvent se relayer. Cette initiative permettra d’une part de réduire le nombre de personnes en cohabitation dans les espaces de travail et d’autre part d’accorder plus de temps aux parents qui doivent déployer une attention particulière aux enfants dont les congés viennent d’être prolongés.
Le gouvernement béninois, à travers le Ministère du Travail et de la Fonction publique, a mis un guide à la disposition des employeurs et des travailleurs du secteur privé, dans ce contexte de crise sanitaire. En plus des mesures générales de prévention, ce guide propose des modalités d’organisation du travail. Une initiative qui constitue une orientation pour le secteur privé.
2- Le télétravail
Loin d’être une mode ou un simple fantasme des gens qui adorent leur couette, le télétravail s’avère une nécessité absolue dans le contexte béninois actuel. En effet, en plus de réduire les dépenses de déplacement pour permettre aux employés de faire face aux nouveaux types de dépenses, il permet de limiter l’empreinte carbone des entreprises. Cette nécessité se justifie également par la réduction de l’approvisionnement des stations-services hors du cordon sanitaire et la nécessité de réserves pour les agents de santé et de police dont les déplacements sont prioritaires.
3- Dédier les budgets communication à la sensibilisation
Il est certain que l’heure n’est pas aux grandes approches marketing mais plutôt à la solidarité et à la riposte. Pour ce faire, les entreprises tous secteurs confondus, gagneraient énormément à dédier leurs budgets de communication à la sensibilisation contre la pandémie du coronavirus. Elles gagneraient à ce que le virus ne prospère pas dans une population représentant aussi leur clientèle. Même si la communication est déjà très active, il est connu que la répétition est pédagogique.
4- Les entreprises de téléphonie mobile
Maintenant plus que jamais la majorité des béninois, surtout ceux qui se retrouvent dans le cordon sanitaire avec des parents en dehors, sont réduits à n’avoir des nouvelles de leurs proches que grâce aux appels. Certains par contre doivent faire leurs premiers pas dans le télétravail. Toute chose qui accroît le budget appels et internet des foyers au grand bonheur des chiffres d’affaires de la téléphonie mobile. A l’image de certaines chaînes de télévision qui diffusent leur programme en clair, les réseaux de téléphonie apporteraient un soulagement significatif aux populations en révisant temporairement les coûts de communication à la baisse ; ce qui sera perdu sur un abonné sera gagné sur le nombre d’abonnés actifs. Cela contribuera à soulager les populations qui doivent faire face à de nouveaux types de dépenses (gants, gels, masques etc) alors que les revenus n’augmentent pas. Cette démarche tout aussi rentable pour les entreprises du secteur qui voient leur courbe de revenus monter, évitera aux consommateurs de s’endetter et de ne pas pouvoir continuer à utiliser leurs services une fois que la nécessité absolue aura disparu.
5- Les médias et surtout la presse
La mission sociale des médias dans cette période de crise sanitaire prend tout son sens. Au Bénin, bien qu’ayant des moyens limités, de nombreux médias audiovisuels et écrits diffusent régulièrement des messages de sensibilisation de prévention anti-COVID19. En plus, ils relaient abondamment les décisions des pouvoirs publics qui visent à réduire les effets de la crise. Malheureusement, ces médias ne donnent pas suffisamment écho aux préoccupations des populations notamment le manque de masques (dont le port est pourtant imposé par l’Etat depuis le 8 avril 2020), la non-réactivité du centre d’appel, etc. Le dynamisme des réseaux sociaux (Facebook notamment) a permis de remonter en surface toutes ces préoccupations. Dans ce cas, il faut clairement souligner que les médias traditionnels ne sont pas allés au bout de leur mission sociale…
Plusieurs structures sont abonnées aux quotidiens béninois, lesquels doivent continuer d’honorer ces contrats qui ne sont probablement pas suspendus. Mais est-ce prudent de continuer à livrer des journaux qui sont passés dans plusieurs mains ? Les médecins répondront certainement non.
C’est absolument le moment pour les journaux de basculer en mode virtuel et de faire des investissements majeurs dans le développement numérique. L’objectif sera de permettre à leurs abonnés de continuer à recevoir des nouvelles de qualité sans risquer d’être contaminés par le virus, avec la version papier. La mise en place de code d’accès premium est un bon moyen de continuer à garantir le fonctionnement de ces services. Il s’agit là d’une initiative qui assure non seulement la sécurité du personnel mais protège également l’environnement par une réduction de la consommation de papier et par ricochet la demande de papier dont la satisfaction remonte à l’abattage des arbres. En clair, la presse doit se réinventer et adopter une transformation digitale qui répond aux enjeux informationnels du présent et du futur. Cette initiative, loin d’être occasionnelle, doit être pensée et intégrée à une économie des médias qui peine à se structurer en Afrique et plus particulièrement au Bénin.
6- Les sociétés industrielles
Pour la plupart localisées dans le cordon sanitaire, les entreprises industrielles sont au ralenti ou à l’arrêt car ne pouvant exporter leur production hors du cordon. Cela n’est pas sans conséquences sur les prévisions annuelles. Cependant l’avenir de ces entreprises est désormais lié à celui de la société tout entière : plus vite on connaîtra une régression de la pandémie plus tôt elles pourront reprendre leurs activités. En outre, il est connu de tous qu’elles ont l’obligation de disposer de masques pour prémunir leurs employés contre les rejets selon les exigences que doivent satisfaire les services Hygiènes Sécurité Environnement (HSE). Pourquoi ne pas libérer une partie de ce stock de masques pour les défenseurs en première ligne que sont les agents du corps médical cruellement en manque de ce matériel de travail ? Ce serait une démarche tout à fait socialement responsable.
En outre, cette crise sanitaire marquera tournant dans la vie des entreprises industrielles. Les leçons de la crise serviront à produire autrement et durablement avec le souci de créer des conditions de travail plus décentes aux employés.
7- Le Secteur Bancaire
Alors que les autres domaines d’activités sont au ralenti ou à l’arrêt, les banques continuent de tourner presque à plein régime. Pendant cette période de crise, c’est le moment non seulement pour elles de respecter les mesures de sécurité prescrites, mais d’aller plus loin en rapprochant les services bancaires des usagers à travers par exemple la monnaie mobile, pour limiter les déplacements et les regroupements dans les agences. Si les montants disponibles dans les distributeurs peuvent être augmentés, il faudrait aller plus loin en assurant un nettoyage fréquent des cabines et un dispositif de lavage ou de désinfection à l’entrée. C’est également le moment de faciliter la monnaie mobile et de faire diligence dans les agences pour les personnes du troisième âge particulièrement vulnérables au virus qui doivent parfois se déplacer pour toucher leur pension de retraite. Envisager une suspension dans le remboursement des crédits soulagerait également les emprunteurs mis en difficultés par les conséquences de la pandémie.
8- Le secteur agroalimentaire
L’agroalimentaire est l’un des secteurs essentiels pendant la crise, même en cas de confinement il reste nécessaire pour assurer le besoin primaire humain de se nourrir. Mais si cette nécessité est avérée, ce n’est pas non plus le moment pour les entreprises du secteur de vouloir faire du chiffre en provoquant une hausse des prix. Il apparaît par contre incontournable de mettre en place les mesures d’hygiène et de sécurité prescrites et de les diffuser dans toute la chaîne d’approvisionnement. En outre, il faudrait mettre en place des services de livraison à moindre coût afin de limiter les déplacements et les regroupements des personnes dans les supermarchés et les points de vente.
9- L’après-COVID 19 dans les entreprises
Les entreprises béninoises (Grandes, PME ou TPE) qui prennent leur part dans cet effort de lutte contre la pandémie le font dans un souci de mécénat. D’autres parleront d’effet marketing ou d’une promotion de marque Employeur dans un environnement commercial de plus en plus concurrentiel. Quelle qu’en soit l’idée de base derrière ces gestes de générosité, il faut reconnaître leur importance dans la solidarité face à la crise. Mais que peuvent en tirer les entreprises de façon stratégique et durable ? La réponse pousse sur le chemin qui mènera à la mise en place d’une stratégie et d’un plan d’actions RSE. Une stratégie et un plan d’actions à la taille de l’entreprise et qui reflète ses objectifs de croissance. En prélude à cette étape, chaque entreprise peut déjà se doter d’un groupe de travail sur le sujet. Un groupe de travail qui respecte la participation des parties prenantes, puisque la RSE est le fruit de l’engagement des employés, des instances dirigeantes, des consommateurs ou clients, etc. La crise est donc une opportunité de penser pour une RSE de l’entreprise. Les enseignements tirés de la gestion de cette crise seront certainement les bases d’une réflexion sur un engagement sociétal structuré de l’entreprise.
10- Les perspectives avec les faîtières sur la RSE
« La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) suscite autant d’intérêt que de controverses. Néanmoins, elle se propage depuis une décennie sur tous les continents et transforme l’entreprise. De plus en plus de sociétés privées prennent en compte les intérêts de leurs parties prenantes, et intègrent des préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance à leurs activités. Le mouvement de la RSE est en marche, et pour l’accompagner, les grandes organisations internationales ont fait émerger des lignes directrices, des normes, des standards qui offrent autant de référentiels sur la RSE pour le secteur privé. » Ce constat de l’Agence Française de Développement (AFD) sur la progression de la RSE en Afrique est un trompe-œil en réalité sur le continent. Si dans les pays comme le Maroc, la Tunisie, le Sénégal ou encore la Côte d’Ivoire, il y a de vrais mouvements structurés sur la RSE, au Bénin par exemple, la Responsabilité Sociétale Environnementale est encore à l’étape embryonnaire.
Dans notre pays, le gouvernement a un dispositif de promotion des Objectifs de Développement Durables (ODD) adoptés en 2015 par l’ONU. Certes les ODD préconisent la production propre et durable mais ne prend pas en compte toutes les composantes de la RSE. Il n’existe aucune politique nationale en matière de RSE.
Depuis quelques mois, le Conseil national du Patronat a lancé une réflexion sur l’élaboration d’une charte et plan d’actions RSE pour les entreprises. Il est souhaitable que le Patronat associe d’autres acteurs (notamment la Chambre de Commerce et d’Industrie du Bénin) à cette réflexion. Il faut noter que pris individuellement, les chefs d’entreprises sont sensibles à la problématique de la RSE au Bénin. Ils l’ont témoigné lors de la première édition des Rencontres de la RSE qui ont eu lieu le 20 septembre 2018. Une initiative du Cabinet MinDo Consultants (www.mindo-consultants.com).
Mauriac AHOUANGANSI (Consultant – Chercheur en Gestion) et Léon Anjorin KOBOUDE, Co-Fondateur de MinDo Consultants
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