La question du parrainage continue d’être au centre des débats au fur et à mesure que les élections présidentielles de 2021 approchent. Elle a été d’ailleurs au cœur d’une intervention du juriste et consultant Nourou-Dine Saka Saley sur Africa 24 ce samedi 12 septembre 2020. Selon lui, d’une manière brutale et brute, «la possibilité pour les candidats n’étant pas du camp du pouvoir est de zéro ». Dans son explication, il trouve qu’il y a un délit d’initié au niveau législatif «parce que les élections législatives de 2019 avec le taux de participation largement en deçà des 30 %, ont abouti en fait à ce qu’une seule frange de la politique béninoise soit présente à l’Assemblée nationale ».
Autrement dit, le parti du chef de l’Etat divisé en deux branches s’est arrogé à lui tout seul 83 (désormais ramenés à 82 députés) députés de l’Assemblée nationale. «Ce qui, pour Saka Saley, pose un problème de délit d’initié parce que la situation exceptionnelle de l’Assemblée nationale actuelle, fait que toute disposition liée à un parrainage qui devrait inclure les députés ne devrait pas être applicable à toute élection présidentielle qui interviendrait pendant le mandat de cette législature ou tout autre formation politique hors de celle du chef de l’Etat n’est pas présente à l’Assemblée nationale ».
Il rappelle que la deuxième possibilité pour le parrainage vient des maires. Mais «nous avons également à ce niveau un délit d’initié parce qu’une loi en cours d’installation des conseils communaux et municipaux a rendu maintenant obligatoire la désignation et non plus l’élection des maires ». Ce qui pose un problème de légitimité dans le sens où le maire élu n’est pas l’équivalent du maire désigné. «Si la désignation liée au parrainage devrait être dans le sens d’une amélioration du système électoral, les députés conscients qu’ils sont dans une situation exceptionnelle, auraient pu prévoir une disposition transitoire qui ne les met pas en position exclusive de pouvoir désigner un candidat », soutient-il. Ce qui fait qu’aujourd’hui, les autres partis de la classe politique béninoise sont d’office exclus du parrainage lié aux députés.
Comment lever l’obstacle ?
Nourou-Dine Saka Saley informe qu’il y a plusieurs thèses qui ont cours actuellement au Bénin par rapport à la question du parrainage. Il y a la première thèse qui veut que le parrainage soit respectueux de l’éthique politique «c’est-à-dire les députés de l’opposition ou de la mouvance, en l’occurrence, nous n’avons pas de député de l’opposition, les députés de la mouvance ne doivent parrainer que les candidats de la mouvance pour des questions de respect de l’éthique politique ». Il y a une autre frange, «que j’appellerais beaucoup plus compromissoire qui voudrait que les députés de la mouvance puissent parrainer un candidat de l’opposition ». Selon cette thèse, «il faudrait que tout candidat de l’opposition ou tout candidat hors de la mouvance présidentielle se porte vers ses adversaires politiques avec son projet de société décliné et que ce soit ses adversaires politiques qui décident si et dans quelle condition il pourrait être candidat contre eux ».
Une nouvelle forme de République
L’ex-conseiller technique au secteur privé du ministre d’Etat au plan et au développement du Bénin relève que le 6 avril 2016, le président de la République a prêté serment pour un mandat de cinq années. La révision de la Constitution qui est intervenue a rajouté 45 jours au mandat du président en cours. Il précise que cinq ans et cinq ans 45 jours, ce n’est pas la même chose. Ensuite, il met en exergue les modifications qui sont intervenues dans le fonctionnement de plusieurs institutions. Pour lui, «quand on compare aujourd’hui les modifications et le traitement qui en est fait dans les constitutions dans les pays voisins comme la Guinée et la Côte d’Ivoire, où ils revendiquent une nouvelle République, nous pouvons sans trop nous tromper et sans trop prendre de risque parler tout au moins de nouvelle forme de de République à défaut de parler de nouvelle République ».
Les conséquences d’une élection dans ces conditions
A en croire le juriste, la question du parrainage aussi doit-être vue sous un angle différent. Parce qu’au Bénin, la constitution parle d’un ticket, un duo (président et vice-président). «Est-ce qu’il faut comprend le parrainage comme le parrainage du seul candidat à la présidence de la République ou alors du duo présidentiel. Est-ce qu’un candidat parrainé a le choix de sortir de son chapeau un vice-président qui ne sera peut-être pas le choix de ceux qui l’ont parrainé ou alors il faut penser à un parrainage du duo ? », s’interroge le consultant. Plus encore, il estime que «la question de la transparence et de l’indépendance des diverses institutions impliquées dans le processus électoral mérité également d’être posée ». Il prévient que «si nous nous retrouvons par miracle à échapper à une crise pré-électorale et que nous avons uniquement des candidats issus du pouvoir nous risquons de ne pas pouvoir avoir une élection au sens organique et au sens démocratique du terme ». «Nous risquons de ne, malheureusement pas avoir la possibilité d’avoir une alternance », conclut Nourou-Dine Saka Saley.
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