Les établissements d’enseignement maternel, primaire et secondaire de Parakou sont confrontés à des effectifs pléthoriques d’apprenants dans les salles de classes. Une descente effectuée, le 19 décembre dernier, a permis de faire l’amer constat. Tel un serpent de mer, le problème se pose sur preque l’ensemble du territoire de la municipalité, comme dans plusieurs autres villes du Bénin. Une situation qui non seulement viole les dispositions de l’arrêté ministériel qui fixe le nombre d’apprenants dans les salles de classes, selon les différents ordres de l’enseignement, n’est pas sans conséquences tant pour les apprenants, que pour les enseignants.
Le manque d’infrastructures pour accueillir les apprenants dans les écoles et collèges publics de la troisième ville à statut particulier se pose avec acuité. Pour une rentrée scolaire qui a démarré depuis le 28 septembre dernier, à la date du 19 décembre, soit environ trois mois après, apprenants et enseignants ne sont pas dans de bonnes conditions de travail. De nombreux établissements scolaires manquent cruellement de salles de classes. La conséquence directe de cette situation est que plusieurs classes se retrouvent avec des effectifs pléthoriques.
A l’Ecole primaire publique (EPP) Bawera située dans le deuxième arrondissement de Parakou, près de 75 écoliers étaient en situation de classe au cours élémentaire deuxième année (CE2) au niveau du groupe pédagogique D. Le constat est le même au Cours préparatoire (CP) du groupe A. Quarante-trois (43) petits enfants dont 15 filles et 28 garçons sont entassés comme des sardines, dans la seule section de la classe de la maternelle de l’EPP Bawera, a confié Pétrolie Loko, enseignante à l’école maternelle Bawera dans la section des grands. L’école Urbaine Centre, la plus vieille école de Parakou, connait également le problème des classes à effectifs pléthoriques. On observe 4 écoliers occupant une table réservée normalement pour deux apprenants. « Dans ma classe, nous sommes serrés sur la table et pour écrire, c’est difficile »,se plaint N’Tcha Elie, un apprenant de l’EPP Albarika.
Les établissements secondaires publics n’échappent pas non plus à cette réalité des salles de classes à effectif pléthorique. Ce constat a été fait dans certaines classes au Collège d’enseignement général (CEG) de Titirou, dans le premier arrondissement, comme aux CEG Hubert Maga, CEG Guéma, Lycée Mathieu Bouké et bien d’autres. Ceci, en violation de l’arrêté ministériel qui fixe la norme en matière d’effectif dans les salles de classes au secondaire.
En effet, cet arrêté indique : « En milieu rural, au niveau du premier cycle, un effectif de 40 à 50 élèves par classe et au second cycle, 30 à 50 élèves par classe. Par contre en milieu urbain, le même texte a exigé 50 à 60 élèves au premier cycle tandis qu’un effectif de 40 à 50 élèves par classe est la norme au second cycle ». Armand Kora, directeur du Collège d’enseignement général de Titirou évoque la situation dans son établissement. « Dans mon collège particulièrement, l’effectif des élèves en situation de cours est compris entre 50 à 65 élèves par classe. Ceci est dû au manque de salles de classes et d’enseignants qualifiés », a-t-il confié, tout en déplorant le non respect de la norme.
Les causes de la pléthore
Le manque de salles de classes et d’enseignants qualifiés sont les causes des effectifs pléthoriques, croit savoir Armand Kora, directeur du CEG Titirou. Même son de cloche du côté de Pétrolie Loko, enseignante à l’école maternelle Bawera. Pour le maire de Parakou Inoussa Zimé Chabi, qui est aussi un enseignant « les effectifs pléthoriques ne datent pas de maintenant. Les causes sont multiples et multiformes », a indiqué la première autorité de Parakou. Elle a évoqué d’abord, le manque de salles de classes, ensuite la scolarisation intense et les redoublements massifs, puis enfin, le désir de nombreux apprenants des villages de fréquenter en ville.
Quant à Bidossessi Auguste Land Gnahoui enseignant-Formateur, spécialiste en sciences de l’éducation et de la Formation, il trouve les causes de ces effectifs pléthoriques sont dans les mesures prises par les nations du monde et les organismes internationaux. Plus précisément, dans leur volonté de rendre obligatoire l’inscription à l’école de tous les enfants en âge scolarisable. Au Bénin, par exemple, la Constitution du 11 décembre 1990 et la loi d’Orientation de l’Education dont le pays s’est doté garantissent à tous le droit à l’éducation.
A cela s’ajoute la gratuité de l’école pour tous, décrété en son temps. La conséquence est le boom observé au niveau des effectifs dans les classes des établissements d’enseignements publics, fait observer Bidossessi Auguste Land Gnahoui. Mais, il regrette que ces mesures salutaires n’aient pas bénéficié de l’accompagnement requis, surtout en matière de construction d’infrastructures scolaires et de recrutement d’enseignants. D’où, selon lui, les revers constatés.
Les conséquences
« Les mesures de fusion qui sont intervenues courant 2018- 2019 viennent davantage compliquer la gestion des effectifs dans les salles. L’effectif dans nos salles de classes vont jusqu’à 80 – 100 élèves », a déclaré le spécialiste en sciences de l’éducation et de la Formation. Pour lui, ces effectifs pléthoriques ont beaucoup de conséquences tant sur les apprenants que les enseignants.
Les élèves étant nombreux (au-delà de 50 dans notre contexte), le suivi individuel pose un véritable problème pour l’enseignant et par ricochet, pour l’apprenant, sans perdre de vue la subjectivité dans la correction des évaluations formatives.
« L’enseignant qui déjà fatigué après le déroulement des séquences difficilement encadrées, doit mettre à jour ces documents pédagogiques et administratifs. Toutes choses qui le contraignent à ne pas respecter l’emploi du temps prescrit. Ainsi l’encadrement pédagogique se révèle insuffisant ou bâclé. Par ailleurs, il est à relever une panoplie d’incidences entre autres l’indiscipline notoire, les bavardages intempestifs, le remplissage peu rigoureux des carnets de correspondances, la diminution du nombre de séquences à dérouler par jour, le problème d’aération de la salle et d’assimilation des notions enseignées, la réduction du nombre d’évaluation écrite indiqué par jour et par semaine, etc. », sont autant de conséquences néfastes sur le système éducatif que relève Bidossessi Auguste Land Gnahoui.
Pendant ce temps, Inoussa Chabi Zimé, maire de la municipalité de Parakou, se désole de ce que : « Les effectifs pléthoriques ne sont pas sans conséquences sur la qualité de la formation et des produits de cette formation ». Pour l’autorité municipale, les conséquences se résument entre autres aux résultats catastrophiques, aux redoublements massifs, à la baisse du niveau des élèves.
Les solutions
« Les effectifs pléthoriques dans les salles de classes constituent une préoccupation majeure pour la municipalité de Parakou. Pour juguler cette situation, la mairie a entrepris depuis un certain moment, la construction des salles de classes, la réfection des anciennes salles et le financement de la formation des enseignants surtout au niveau du secondaire », a confié le maire Inoussa Chabi Zimé. Il a rappelé la remise de site pour la construction de cinq (5) modules de 3 salles de classes plus bureau magasin dans les EPP Titirou, Montagne, Wokodorou, Nikkikperou, Tourou et au CEG Okedama. En clair, des efforts sont consentis afin de permettre aux acteurs de l’éducation d’avoir de meilleures conditions de travail.
Au regard des dégâts occasionnés par ces effectifs pléthoriques dans les salles de classes, Bidossessi Auguste Land Gnahoui propose que l’Etat central et les collectivités locales prennent leurs responsabilités afin de doter les écoles d’infrastructures scolaires et d’enseignants qualifiés. Ce qui permettra de régler ce problème qui sabote les performances de notre système éducatif.
Par Max CODJO Partenariat OSIWA-LNT
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