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(ENQUETE) Accouchement à domicile : une pratique aux risques élevés de décès maternels

Photo de freestocks.org - Pexels

L’accouchement à domicile est une pratique qui perdure dans le Borgou et l’Alibori. Quoique clandestin, le phénomène est connu et continue de se perpétuer dans plusieurs communes de ces départements. Malgré les risques auxquels elles s’exposent, de nombreuses femmes préfèrent accoucher dans des conditions précaires à domicile, qu’à l’hôpital ou un centre de santé.

L’accouchement est un acte délicat qui place la femme enceinte entre la vie et la mort. Face à une telle situation, il est conseillé de le faire dans un centre recommandé, notamment un hôpital ou un centre de santé, dans les conditions d’hygiène requises. Malheureusement, force est de constater que dans le Borgou et l’Alibori certaines femmes choisissent délibérément d’accoucher à la maison. « Ces derniers temps, la pratique qui s’observait dans les milieux plus ou moins ruraux, est de plus en plus récurrente même en plein cœur de la ville de Parakou », se plaint Raoul S. Atadé, médecin gynécologue obstétricien, en service au Centre hospitalier universitaire départemental (CHUD) du Borgou, rencontré mardi 12 janvier dernier à Parakou, sur son lieu de travail. Il n’y a pas qu’à Parakou, que l’on enregistre des cas d’accouchements à domicile. Les communes de Bembèrèkè, Gogounou et autres, se retrouvent dans la même situation. 

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Résidant dans un camp peulh de l’arrondissement de Gamia, commune de Bembèrèrè,  Dame I. Aminatou est mère de trois enfants qu’elle a accouchés à la maison. « Mes trois enfants, je les ai accouchés à la maison. Je ne suis pas allée à hôpital ou dans un centre de santé », a-t-elle déclaré, avant de préciser que dans la bourgade, rares sont les femmes qui accouchent à l’hôpital. Mais, ce n’est souvent pas aisé. En témoigne le cas de cette femme admise au CHUD de Parakou, dans la nuit du lundi 11 janvier dernier, des suites de complications résultantes d’un accouchement à domicile, notamment une hémorragie de la délivrance. D’origine peulh, elle a nom Fatima Oumarou. Elle a accouché à la maison, dans un camp peulh, dans la localité de Kpéssou. « J’ai commencé par sentir les contractions pendant que j’étais seule dans le camp peulh avec les enfants. Quelques temps après, le travail a commencé et j’ai accouché », confie-t-elle. « C’est parce que j’ai eu une hémorragie qui ne s’arrêtait pas que, j’ai été conduite au CHUD de Parakou », a-t-elle précisé. Le CHUD, informe Dr Raoul S. Atadé, reçoit très souvent des cas du genre. 

La question des statistiques 

En attendant une étude afin de sortir des statistiques, de façon empirique, on peut estimer à une dizaine de cas d’accouchements à domicile que le CHUD de Parakou reçoit par mois. Dans les autres communes, selon des témoignages, c’est en moyenne trois à cinq cas qui sont enregistrés. Dr Raoul S. Atadé est formel. Les cas d’accouchements à domicile, à l’en croire, ont connu une ascension depuis un moment et il y a lieu de s’inquiéter. « Ce qui est grave, c’est que des cas d’accouchements à domicile sont enregistrés à l’intérieur de Parakou, surtout avec des personnes d’un niveau intellectuel donné », s’inquiète le gynécologue obstétricien. Il envisage alors une étude sur la problématique, pour mieux en cerner les différents contours. 

« La grosse difficulté liée à la disponibilité des statistiques des cas d’accouchements à domicile est due au fait que les conjoints des femmes qui s’adonnent à cette pratique, s’arrangent avec certains centres de santé pour avoir des fiches de naissance. C’est pour se faire établir des déclarations de naissance », a confié une source proche du service état-civil d’une commune. La même source renseigne qu’en l’absence de complications, les cas d’accouchements à domicile se passent incognito, donc non chiffrables. Quelles pourraient être les motivations de ce choix suicidaire par les femmes ?

Les raisons 

Les principales raisons avancées pour justifier ces accouchements à domicile, sont de deux ordres. Certaines sont culturelles, d’autres économiques. « Ce qui fait que, pour accoucher, on ne va pas à l’hôpital dans notre village, c’est le traitement que l’on vous fait subir dès les premiers signes du travail. Qualifiée de paresseuse, tu deviens la risée de ton conjoint et des autres femmes de la cour. On te reproche de n’avoir pas accouché à la maison, pour éviter des dépenses faramineuses de l’hôpital ou du centre de santé à ton conjoint. A cela s’ajoute l’éloignement de l’hôpital», fait observer Dame I. Aminatou de Gamia dans la commune de Bembèrèkè. Et à Boubé A. de renchérir pour indiquer que « ce qui fait que nos femmes ne vont pas à l’hôpital pour accoucher, c’est que l’hôpital est loin et une fois arrivées sur les lieux, leur prise en charge n’est pas conséquente. Car, elles perdent beaucoup de sang après l’accouchement. Ce qui fait beaucoup dépenser leurs parents». 

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Fati Boni Biaou née Boni Gourma, sage-femme responsable du Centre de santé de Gannou dans la commune de Parakou, confirme que les accouchements à domicile continuent d’avoir lieu, même à Parakou. Très souvent, pour les cas dont elle a eu connaissance, les femmes disent avoir été surpris par le travail dans les champs, très loin d’un centre de santé. 

Selon le Dr Raoul S. Atadé, gynécologue obstétricien, les raisons de ces accouchements sont multiples. Il évoque le manque de moyens financiers. C’est en fuyant les coûts d’accouchements, d’hospitalisation et des produits pharmaceutiques, que les femmes ne vont pas dans les centres de santé ou à l’hôpital. « Il y a la fermeture des cabinets de soin qui a réduit le nombre de centres de santé à Parakou comme partout ailleurs dans le département du Borgou. D’autres ne fonctionnent qu’en journée », a-t-il poursuivi. A cela s’ajoute, croit-il savoir, le manque d’éducation des femmes pour connaître et reconnaître les premiers signes de début de travail. 

En effet, beaucoup de femmes ignorent le début de travail. Ces dernières sont dans une certaine résistance, surtout lorsque c’est la nuit que le travail commence. Dans ces conditions, elles sont surprises par l’accouchement. Par contre, « il y a des femmes qui prennent volontairement la décision d’accoucher à domicile », regrette Dr Raoul S. Atadé parce qu’il s’agit d’une option à risques. 

Les conséquences des accouchements à domicile

L’accouchement à domicile est une pratique à haut risque tant pour la femme que pour le bébé qu’elle porte. « La première conséquence et la plus dramatique d’ailleurs, c’est l’hémorragie de la délivrance. Quand on accouche à l’hôpital, il y a des mesures qui sont prises pour empêcher l’hémorragie. Ces mesures sont absentes, lorsque l’accouchement est fait à domicile », a indiqué Dr Raoul S. Atadé. Il précise que c’est, le plus souvent, la première cause des consultations gynécologiques, après un accouchement à domicile. Les complications résultantes d’un accouchement à domicile peuvent-être la rétention du placenta. C’est-à-dire que le bébé sort et le placenta refuse de sortir. Egalement, comme l’accouchement a été réalisé à domicile et dans des conditions septiques, il y a un gros risque d’infection de toutes natures. Le tétanos néo-natal si le cordon ombilical a été sectionné peut-être avec un coup ou une lame rouillée. Les décès maternels ne sont pas à exclure au nombre des conséquences. Ainsi, les accouchements à domicile sont pourvoyeurs de risques de décès maternels. C’est pourquoi, Dr Raoul S. Atadé recommande de se rendre dans un centre de santé ou à l’hôpital pour un accouchement assuré par des professionnels de la santé.

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