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(ENQUETE) Visite Technique des véhicules au Bénin : un laisser aller préjudiciable à la sécurité routière

Etoile rouge

Conformément à la loi, les véhicules en circulation ont l’obligation de subir la visite technique dont l’objectif est de vérifier leur état. Selon plusieurs sources, cette visite ne prend que la forme d’une formalité. L’inconscience de certains agents et le système de concussion qui y règne, laissent passer les véhicules les plus défectueux, responsables d’accidents fréquents sur nos voies.

Bisso est propriétaire d’un bus de transport Cotonou-Bohicon. «  Pour faire la visite technique de mon véhicule, je paie les frais y afférant et je suis satisfait. Il arrive des moments où il suffit d’envoyer les pièces du véhicule à un contrôleur pour le Ok de la visite technique…. », a-t-il déclaré  dans un débat à bâtons rompus à quelques pas de l’annexe du Centre de contrôle technique sis à Tangbo Djèvié dans la commune de Zè. Il soutient que les conducteurs de taxi ont souvent leurs hommes de main dans le système de contrôle. Pour lui, personne ne peut répondre aux exigences de la visite technique au Bénin.

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« Si nous devons satisfaire à tout ce que l’on demande à la visite technique, seuls les véhicules neufs sortis des maisons de concession pourront rouler au Bénin… », a rigolé Bisso. C’est ainsi que plusieurs véhicules circulent avec la visite technique sans répondre totalement à ses exigences. Parmi eux, il y en a qui l’obtiennent sans la présentation du véhicule. « Il suffit parfois d’envoyer les pièces et l’argent pour avoir la visite technique de son véhicule… », avoue un autre propriétaire de véhicule. En termes clairs, selon plusieurs conducteurs de véhicule, il est obligatoire de faire des combines avec des agents du Cnsr dans le cadre de la visite technique.

Exigences de la visite technique 

Selon un responsable du Cnsr sis Zè, toute visite technique est subordonnée à la présentation du véhicule. « La carte grise où il y a toutes les informations sur le véhicule est nécessaire. Si un organe ne tient pas, on garde le véhicule… », a-t-il souligné avant d’avouer que l’inconscience professionnelle chez certains techniciens indélicats et corrompus laisse des failles dans le système, surtout qu’ils sont les seuls qualifiés pour apprécier l’état du matériel roulant. Pour une bonne visite technique, il y a une fiche de vérification qui contient sept parties. Premièrement,  on fait le contrôle de la carrosserie-cabine. Ici, l’accent est mis sur la tôlerie, le pare-chocs, les portières, le vitrage, le rétroviseur, le capot-batterie, l’essuie-glace, le klaxon, les banquettes, le pare soleil, l’indicateur vitesse, la ceinture de sécurité et la plaque d’immatriculation. Deuxièmement c’est l’éclairage.

Le contrôle est accentué à ce niveau sur le phare-code, le phare-route, les feux de freinage, les feux de position, les feux de direction, les feux de recul, les feux d’identification, les feux de gabarit, l’éclairage intérieur, la plaque et l’alignement des phares. Troisièmement, il y a  le contrôle de gaz lié au gaz d’échappement.  La quatrième étape est le contrôle de la direction-pneus, le jeu de volant, la timonerie de direction, le parallélisme et les amortisseurs. La cinquième étape est relative au contrôle de direction- pneus relatif à la canalisation-freins, l’alimentation carburant, l’échappement, les supports-brides, l’étanchéité de plancher et la suspension. Sixièmement, le freinage relatif à la course de la pédale, aux freins roues, freins roues arrière et freins à main. La derrière étape est liée aux divers (extincteur, pneu secours, triangle, trousse médicale et cric).

Au délà de la visite technique 

Le chef service/visite technique du Cnsr, Franck Doho, a été rencontré dans son bureau, pour comprendre la situation sur le terrain. Tout d’abord,  il a indiqué que le Centre national de sécurité routière a pour mission essentielle de mener toutes les actions devant réduire les accidents de la circulation au Bénin. Selon ses propos, les facteurs qui sont souvent la cause des accidents de circulation sont : le matériel roulant, l’homme (le conducteur) et la route.

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«  Vous comprenez donc que le cnsr a besoin d’agir sur ces trois facteurs pour réussir sa mission. Il doit agir sur l’homme à travers l’éducation, la sensibilisation, agir sur l’état de nos infrastructures routières et également sur l’état de nos véhicules en circulation. C’est donc pour agir sur l’état des véhicules en circulation que nous exigeons qu’avant sa mise en circulation qu’il se soumette au contrôle technique afin d’avoir sa visite technique à jour. Ce qui signifie que les véhicules en circulation ne doivent souffrir d’aucune défectuosité pouvant être source d’un accident de la circulation….. », a déclaré Franck Doho, avant de signaler que ce contrôle se fait pratiquement dans tous les départements où le Cnsr dispose des centres de contrôle technique. « Nous disposons de quelques équipements modernes pour nous aider à le faire. En un mot, le contrôle technique est l’action que nous menons sur le matériel roulant pour nous assurer de ce que le véhicule en circulation ne souffre d’aucune défectuosité pouvant être source d’un accident de la circulation…. », a-t-il souligné. 

Ensuite, Franck Doho a donné des explications sur des véhicules défectueux en circulation, bien qu’ils disposent de la visite technique. « Tous les véhicules en circulation ne disposent pas de leur visite technique. Il y en a qui ne viennent pas satisfaire à cette obligation. Il y a une grande différence entre les véhicules en circulation et les véhicules à jour par rapport à la visite technique. Je ne peux pas affirmer que les véhicules que nous voyons en circulation mais en mauvais état disposent de leur visite technique automobile…. », a-t-il précisé. Selon ses propos, il faut noter qu’il y a une périodicité de validité pour le certificat de la visite technique que le centre délivre. C’est-à-dire qu’il y a un temps pour que le véhicule inspecté aujourd’hui revienne pour se soumettre au contrôle.

« Pendant cette période, il revient au propriétaire de s’occuper de l’entretien périodique du véhicule pour le maintenir en bon état ; ce qui ne relève pas de la mission du Cnsr. Ce qui se passe souvent, Quand le moment d’aller soumettre son véhicule au contrôle technique automobile arrive, les propriétaires font l’effort de corriger les défectuosités pouvant faire l’objet de rejet à la visite technique et mettent le véhicule à jour. Une fois la visite technique obtenue, il en a qui ne s’occupent plus de l’entretien périodique et néglige l’état de leur matériel roulant puisqu’il dispose désormais d’un temps pour retourner se faire contrôler. Ce délai de validité varie pour chaque type de véhicule en fonction de l’utilisation qui est faite du matériel roulant. Un véhicule à usage personnel qui n’est pas dans le commerce a une validité de 12 mois, les véhicules taxi, 3 mois et les poids lourds 6 mois. Je prends l’exemple d’un véhicule dont la validité du certificat est de 12 mois. Il dispose d’une année pour revenir faire la visite technique automobile. Pendant cette période, si le propriétaire ne  s’occupe pas de l’entretien de son véhicule, vous comprenez avec moi que le véhicule peut connaitre des défectuosités pouvant même être la cause d’un accident de circulation. La responsabilité du certificat délivré ne saurait être indexée en ce moment là puisque le véhicule a été certifié sur l’état lors de sa présentation. Ce qui fait qu’à travers un autre service du cnsr, nous sensibilisons les propriétaires en ce qui concerne leur devoir d’assurer l’entretien quotidien de leur véhicule, même s’ils disposent du certificat de la visite technique….. », a déclaré le chef service/visite technique du Cnsr.

Sanctions et complicité des techniciens

Enfin, Franck Doho a rappelé que le défaut de visite technique volontaire, dû à un simple oubli, passé un délai de 14 jours, fait payer aux conducteurs une pénalité de 5000 francs cfa en plus des frais de la visite technique s’ils se présentent de leur propre gré pour se conformer. « Si c’est au cours d’un contrôle que l’infraction est constatée, vous payez une pénalité de 20. 000 F cfa en plus des frais de la visite technique. En cas d’accident, vous êtes poursuivi par le procureur et ça peut donner lieu à une peine privative de liberté…. », à l’en croire. Dans son explication, Franck Doho a reconnu qu’il y a effectivement certains agents indélicats du Cnsr qui se font corrompre par des conducteurs de véhicules qui ne veulent pas se soumettre aux exigences de la visite technique, malgré les moyens modernes dont ils disposent pour bien faire leur travail.

« C’est délicat. Les gens sont tentés lorsqu’ils sont directement en contact avec les usagers. C’est pour cela que la direction a pris des dispositions (notes de service) pour mettre en garde les agents indélicats qui se livreraient à ces genres de pratiques. La direction n’hésite pas à sanctionner quand il s’agit des cas avérés. Nous faisons des descentes inopinées sur le terrain pour décourager ces pratiques. Il faut aussi rappeler aux propriétaires des véhicules qu’on paie pour une prestation. Il faut revendiquer pour que la prestation soit bien fournie. Il ne faut pas chercher à être complice d’une pratique qui ne les avantage pas mais qui par contre les expose aux accidents de la circulation. Quand vous venez pour le contrôle technique, il faut exiger un certain nombre de choses parce que vous payez pour une prestation… », a-t-il conseillé.

«  Nous avons assez communiqué sur les tarifs à payer pour avoir son certificat de la visite technique. Je ne sais pas pourquoi il faut payer plus, si ce n’est pas une complicité avec le propriétaire du véhicule. Il se fait que malheureusement c’est eux qui encouragent nos agents à se comporter de la sorte. Vous ne verrez aucun agent obliger un propriétaire à payer au-delà de ce qui est affiché. Souvent, quand certains propriétaires sont conscients d’une certaine défectuosité au niveau de leurs véhicules, ils cherchent à corrompre le technicien voilà que vous ne pouvez pas être derrière tous les techniciens pour jouer le rôle de gendarme. De votre bureau, vous ne pouvez pas savoir ce qui se passe. Donc, il est loisible à un technicien de céder à des pratiques malsaines. Ce qui n’est pas bien parce que vous venez pour bénéficier des conseils du technicien qui est là et doit vous amener à corriger les défectuosités constatées sur le véhicule. Vous n’avez pas à lui donner de l’argent. Nous demandons aux propriétaires de véhicules de nous aider à régler ce problème qui malheureusement n’avantage personne…. », a conseillé le chef service/visite technique du Cnsr.

Selon ses mots, la sécurité routière ne saurait être l’affaire exclusive du Cnsr et de la police républicaine. «  Nous devons nous aider à assurer la sécurité routière. Ça n’arrive pas qu’aux autres, ça peut aussi vous arriver soit à un ami ou à un parent. Nous devons prendre conscience et adopter des comportements responsables pour faire reculer les accidents de la circulation dans notre pays. Je voudrais nous inviter à avoir des comportements responsables pour nous épargner des tragédies d’accidents auxquelles nous assistons. Ne pas reconnaître que certains de nos parents en ont pris conscience ne serait pas juste, parce que nous voyons les statistiques puisqu’il faut les interpeller par moments pour pouvoir réajuster nos actions. On constate qu’il y a une nette amélioration des comportements de nos usagers. Je voudrais vraiment qu’on continue dans ce sens. Pourquoi pas ne pas avoir un taux zéro d’accidents. Nous pouvons y arriver. Nous pouvons faire un effort pour qu’à travers nos comportements, nous puissions tendre vers le taux zéro d’accidents… », a-t-il souhaité.

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