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(ENQUETE) Bopa : L’école au creux de la vague

Au Bénin, les gouvernements qui se sont succédés ont fait de la scolarisation des enfants au primaire une priorité. Mais entre la volonté d’envoyer tous les enfants à l’école et la capacité de leur offrir un enseignement de qualité, il y a un fossé. La commune de Bopa en donne l’exemple. Le niveau des apprenants qui est en baisse de façon drastique. Il s’agit d’un problème éducatif sérieux qui nécessite des solutions urgentes. 

L’un des problèmes majeurs de la commune de Bopa est l’éducation. L’ancien deuxième adjoint au maire (DAM)Jeannot Agbotin Dhossou estime que «l’éducation ici c’est à terre ». «Actuellement, le niveau des enfants est très bas. Les enfants que nous gardons n’ont plus le niveau requis », confie un directeur X. B. rencontré dans une école de l’un des arrondissements de la commune et qui a requis l’anonymat. Mais, Dieudonné Gbénoukossi, directeur à l’Ecole primaire publique de Ouassa groupe A à Possotomè n’a pas la même appréciation. Pour lui, «le niveau des apprenants est un niveau acceptable ». Le responsable de l’Unité pédagogique (RUP) de Ouassa explique que les nouveaux programmes en vigueur mesurent les performances des enfants sur plusieurs critères. Et «si nous prenons ces critères, nous pouvons dire haut et fort, que le niveau est acceptable ». Par rapport à ces critères, l’enfant peut déjà avoir ou s’approcher de la moyenne sans même trouver la bonne réponse.

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Si par exemple, «il veut mesurer quelque chose et sait qu’il y a des mesures usuelles et des mesures conventionnelles qui peuvent lui permettre de mesurer la chose, il a déjà un niveau acceptable ». Un enseignant en poste dans une école de cette commune fait remarquer que les critères d’évaluation des performances cachent le plus souvent le niveau réel des apprenants. Par exemple, pour une évaluation, le fait même que l’élève commence par écrire quelque chose en guise de réponse, il est demandé à l’enseignant de lui accorder de point avant même de voir s’ il a répondu totalement à la question et si la réponse est vraie. De sorte que dans la pratique quotidienne, on remarque que beaucoup d’élèves ont un niveau bas mais lors des évaluations ils ont des performances acceptables. Et c’est bien le cas dans la commune de Bopa. Et donc, la majorité des acteurs rencontrés dont beaucoup ont parlé en off, s’accordent à reconnaître que dans cette commune l’éducation a un problème et que les élèves n’ont plus un niveau acceptable. Plusieurs raisons sont avancées pour justifier ce mal être de l’éducation. 

La situation géographique de Bopa indexée

Le premier élément évoqué pour justifier la situation de l’éducation dans la commune est la situation géographique. La constitution physique, géographique fait que Bopa est à 70 % sur terre noire (terre argileuse). Et la terre noire est difficilement accessible. Ce qui fait que selon l’ancien DAM Jeannot Agbotin Dhossou, «la frontière des enseignants est Lobogo (un des arrondissements de Bopa) ».  A l’en croire, «à certains endroits, même en temps de sècheresse, vous déposez votre moto et  vous vous y rendez à la marche, pas parce qu’il y a de la boue mais, parce qu’il n’a pas de voie pour aller dans l’école ». De sorte que quand il pleut, «tout le monde est à la maison ». Un enseignant raconte que quand ils sont en classe et que les nuages commencent à s’amonceler dans le ciel, ils préfèrent arrêter les cours et rentrer puisqu’après la pluie, il est impossible pour eux de repartir à la maison. Même à la marche, la voie n’est pas praticable. Maximilien Atingnon, Conseiller pédagogique (CP) Zone 2 (zone dite terre noire) de Bopa informe qu’en temps de sècheresse comme en temps de pluie, il y a des enseignants qui dorment parfois dans des salles de classe ne serait-ce que pour vite commencer le travail le lendemain.

Cette salle de classe de l’EPP Hombètè continue d’être utilisée malgré son état délabré datant de plusieurs années

Une démission des parents

A Bopa, il y a une démission des parents en ce qui concerne leur rôle dans l’éducation de leurs enfants. Pour X.B., «les parents ont leur part de responsabilité ». Le directeur d’école explique que lorsque l’enseignant travaille à l’école jusqu’au soir, l’enfant rentre à la maison et l’enseignant n’est plus là. Les parents doivent faire un travail qu’ils ne font plus. Il estime que certains parents disent qu’entre-temps c’étaient les programmes intermédiaires et qu’ils maîtrisaient les choses mais qu’aujourd’hui ils ne maîtrisent plus. Mais, pour lui, les contenus sont les mêmes. Ce qui a changé c’est la manière de dérouler. Le parent peut se rapprocher de l’enseignant pour savoir comment orienter l’enfant. Il informe qu’à Possotomè, une ONG avait pris en charge les obligations des parents. Ce qui fait que les parents ont complètement ignoré leur rôle après.

«Aujourd’hui, beaucoup de parents se retrouvent au Nigéria. Papa est au Nigéria, maman est au Nigéria. C’est seulement la vieille ou le vieux qui est au village. Et c’est auprès de celui-là ou de celle-là qu’on a placé le petit garçon ou la petite fille », argumente-t-il. Pour lui, les grands parents se réveillent tardivement. Ce qui ne permet pas à l’enfant d’être à l’école à l’heure. Le CP zone 2 renchérie «c’est à 9 heures (heure locale) que les enfants s’amènent ». Car, les écoles ne sont pas toujours proches et il faut se lever tôt afin de parcourir quelques kilomètres avant d’y arriver.Il estime qu’il manque l’accompagnement des parents. «Les enfants viennent sans fournitures, même pas avec un cahier de 100 pages », précise-t-il. 

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Des enseignants à la traîne

Les enseignants ont aussi leur part de responsabilité dans la déconfiture dans laquelle se trouve l’éducation dans la commune de Bopa. X.B. indique qu’au niveau de l’enseignant, «beaucoup ne jouent plus leur rôle ». Pour lui, l’adage populaire «nul n’est prophète chez soi » est bien vérifié. «Moi que vous voyez ici, je ne suis pas de la zone et je ne souhaite pas rester dans ma zone pour enseigner », fait-il savoir. Il continue «quand l’enseignant est dans son milieu, tous les soirs, il collabore avec ceux qui sont dans le milieu. Le matin, les problèmes l’entourent et il doit aller au secours de tel ou tel ». Il reconnaît que quelques-uns font bien le travail mais généralement «on constate que lorsqu’on est dans son milieu, on ne s’occupe pas des enfants ». Il souligne qu’il est vrai que certains sont venus d’ailleurs et sont médiocres.

Il précise aussi qu’il y a des enseignants qui ont le niveau et qui ne veulent pas travailler. Dans le même temps, il y a des enseignants qui ont été recrutés et qui n’ont pas le niveau. Selon lui, il y a des enseignants qui ne peuvent pas avoir le CAP s’il faut faire dans le sérieux et la rigueur. Il trouve que l’Etat, quelque part, avait raison de vouloir faire une évaluation pour voir clair dans cette situation. Mais, c’est la manière de le faire qui n’est pas bonne. Le Conseiller pédagogique de la zone 2 de Bopa indique que dans «la vie l’homme ne doit jamais cesser de se cultiver ». A l’en croire, «il y en a qui ne se cultive pas mais il y en a qui le font ». Et donc, il faut sensibiliser tout le monde. Parce que «avec leur niveau, ce n’est plus une formation qui leur manque mais ils doivent continuer de se cultiver pour être à la hauteur de la tâche ». Mais, ce n’est pas tout.

Défaillance de suivi 

Le suivi de l’enseignant se pose. Au niveau des écoles éloignés et inaccessibles, les Conseillers pédagogiques n’arrivent pas à maintenir le contrôle continu des enseignants. Donc, ces enseignants sont libres de faire ce qu’ils veulent. L’ancien DAM confie qu’il y a une école à Hounguémey où un enseignant a été affecté. «Il a manqué l’école pendant trois mois. Quand nous on était allé là-bas, la porte était fermée. Et quand on a regardé sur le tableau, on a remarqué que la date qu’il y a écrite était celle d’il y a trois mois. Ça veut dire qu’il y a trois mois, il n’a pas ouvert la salle ou qu’il a ouvert mais n’a pas fait cours. Or là, ce n’est pas la terre noire. Seulement c’est très loin. Il faut passer par Madjrè dans  la commune de Dogbo (département du Couffo) pour y aller. On peut y aller à tout moment. Cependant, l’enseignant a manqué pendant trois mois », raconte-t-il. Il informe que beaucoup de parents ont déplacé leurs enfants pour d’autres écoles.

Comme Hounguémey, pour aller à Sinkpégbolossouhoué par exemple, il faut passer par Lalo (une commune du Couffo). Le directeur d’une école de ce village ne peut pas aller, en cas d’urgent, à la Circonscription scolaire. Mieux, s’il doit débourser près de 10. 000 FCFA pour l’aller-retour, il est bien évident qu’il ne pourra le faire tous les mois. De la même manière, il ne subirait pas de contrôle continu des Conseillers pédagogiques comme cela se doit. Concernant le suivi des enseignants des écoles éloignées ou d’accès difficiles, Maximilien Atingnon avoue que «pendant la saison des pluies c’est difficile mais nous faisons l’effort ». «Ces écoles-là, nous les visitons plus pendant la saison sèche », fait remarquer le CP. 

De la responsabilité du gouvernement

Depuis le début de la rentrée scolaire, certaines classes sont toujours sans enseignants. Au niveau des deux groupes A et B de l’EPP Ouassa à Possotomè, des classes sont sans enseignants. C’est ainsi dans beaucoup d’autres écoles dans la commune de Bopa. «Depuis octobre jusqu’à décembre 2020, nous sommes quatre enseignants sur six. Il y a manque d’enseignant. Or chaque année, l’enfant a un certain nombre de notions à acquérir. Dans ces conditions comment l’enfant peut être bien formé à la fin du cycle ? On est obligé de jumeler les classes si c’est dans un complexe. Mais, lorsque l’effectif est déjà élevé, le jumelage est impossible. Il y a des écoles où on demande aux enfants de rester à la maison », explique le directeur X.B. Or, le gouvernement a décidé de compresser les écoles pour pourvoir doter toutes les classes d’enseignants. Le complexe scolaire de Ouassa à Possotomè est passé de cinq groupes à deux. Pourtant, au niveau de ces deux groupes, des classes sont en enseignants. Il en est de même pour les manuels scolaires. Certaines écoles n’en disposent pas. Elles sont obligées de se rabattre sur les écoles compressées.

A défaut, certains enseignants font des photocopies de ces manuels ou carrément, ils recopient au tableau les textes à étudier.Le manque de motivation déteint aussi sur le rendement des enseignants. Depuis cinq ans, il n’y a plus eu d’avancement. Et les enseignants ne sont pas payés à leur grade. «Nous demandons, donc aux autorités de revoir les conditions de travail et de vie des enseignants pour que, tout au moins, l’enseignant soit payé à son grade », a lancé Dieudonné Gbénoukossi. Il confie être dans sa 16è année de carrière mais l’Etat ne lui paie pas encore 4 000 FCFA par jour. L’Etat doit aussi continuer à renforcer les écoles en infrastructures. Le CP Zone 2, Maximilien Atingnon pense même qu’il faut construire des logements dans les zones reculés afin de permettre aux enseignants d’habiter dans le milieu. Parce qu’il y a des endroits où les enseignants ne trouvent même pas de chambres à louer. Ils sont obligés de rentrer chaque jour. Ce qui engendre des dépenses. C’est dire que l’ensemble des acteurs doivent jouer chacun sa partition pour permettre de relever la pente dans la commune de Bopa. 

Prince Amassiko – Partenarait LNT / OSIWA

3 réponses

  1. Avatar de Joeleplombier
    Joeleplombier

    Pourquoi on s’intéresse si tant à Bopa ????
    Bopa est le seul village dans ce pays ???
    Le problème de l’école est récurrent dans tous les pays au monde même dans les pays riches
    Notre pays n’est donc pas une exception.
    Quittez dans ça .
    Je passais
    Le Plombier universitaire

    1. Avatar de Otis p
      Otis p

      Tu raconte quoi comme ça ,on parle d’education et toi tu es là a parlé de politique ,on sais que talon feras 2èm mandat mais on veut le développement du pays

      je passais

      1. Avatar de Romuald C HOUNKPE. roadjissi@gmail.com
        Romuald C HOUNKPE. roadjissi@gmail.com

        Cette information selon laquelle l’EPP HOUNGUEME est sur la terre rouge et accessible en plein temps révèle purement d’une insuffisance d’enquête. L’enquête a été simplement barclée.
        Deux grandes pluies suffisent pour retenir votre voiture d’enquête pendant trois jours. En saison de pluie, les enseignants y vont à pieds. Ils laissent leurs motos à environ un kilomètre de l’école.
        Moi je suis animateur des cantines scolaires ayant cette école à charge et je suis tenu de la visiter au moins une fois par semaine. En temps de pluie, j’y vais difficilement parce que de BOPA à cette école, la voie d’accès est presqu’impratiquable sur plusieurs kilomètres.
        Prenez le temps de visiter l’EPP HOUNGUEME en une vraie saison de pluie et vous comprendrez aisément le contraire de ce que vous faites connaître au monde

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