La ville de Parakou, comme beaucoup d’autres du Bénin, regorge des maisons closes qui abritent des prostituées. Face à l’avènement des réseaux sociaux, elles ont changé de stratégie. Le portable a remplacé le trottoir. Une nouvelle forme de prostitution naît avec de nouveaux marchés, de nouveaux réseaux et une rentabilité à nulle autre pareille.
Il existe plus d’une demi-douzaine de maisons closes ouvertes dans plusieurs quartiers de la ville de Parakou. Ce sont de hauts lieux où, l’on s’adonne allègrement et sans modération au commerce du sexe. La prostitution est un acte par lequel, une personne consent habituellement à avoir des rapports sexuels avec un nombre indéterminé d’hommes, moyennant rémunération. Elles sont très nombreuses et de différentes nationalités, ces jeunes filles ou jeunes dames qui officient dans les maisons closes de Parakou, pour gagner leur vie. Si les raisons de leur présence dans ce « monde » varient d’une fille à une autre, c’est bien leur nouvelle trouvaille qui mérite une attention particulière.
En effet, les réseaux sociaux sont pris d’assaut par de nombreuses filles et femmes qui se livrent à la prostitution dans la ville, loin des regards dont sont objet celles qui font le trottoir ou sont assises sur des tabourets devant les maisons closes, à la tombée de la nuit, à la recherche de potentiels clients. WhatsApp, Viber, Facebook, Messenger, les sites de rencontres et de Chat etc… sont mis à contribution pour trouver des clients, renseigne Julien B., gérant d’un cyber centre au quartier Tranza. « Je ne fais que recevoir des clients filles qui ne s’adonnent qu’à cela à longueur de journée », confie-t-il.
Les causes
Pour Dr Sotima Saï Tchantipo, sociologue à l’Université de Parakou, la prostitution que l’on désigne encore par sexualité transactionnelle, est le fait de percevoir de l’argent contre des faveurs sexuelles. Les causes sont, selon lui, diverses et variées. Il évoque la recherche du gain facile, l’incontinence sexuelle ou la nymphomanie, la paresse, la misère et la solitude.
Le sociologue trouve une fonction d’amortisseur social à la prostitution. « Plus vieux métier du monde, la prostitution joue une fonction sociale, celle de permettre aux hommes timides, aux migrants saisonniers et autres de canaliser et de vider leur libido », indique-t-il. « Sans la prostitution, les cas de viols augmenteraient au sein de la société », a-t-il justifié. Pendant ce temps, les prostituées elles-mêmes évoquent des raisons de survie, pour justifier leur statut. Cela, même si certaines avouent avoir fait du suivisme pour se retrouver dans la prostitution.
Le mode opératoire
Depuis leur domicile ou leur chambre d’hôtel, leurs clients les contactent via Facebook, WhatsApp ou Viber. Sur ces différents canaux, en effet, il y a des filles ou femmes moins pudiques qui laissent directement leurs contacts sur leurs comptes, pages ou murs avec la mention « envie de plaisir sexuel, contactez-moi ». Soit, c’est un forum whatsApp ou Messenger de sexe où l’inscription des hommes est subordonnée au paiement des frais d’adhésion qui donnent droit à une séance gratuite de jambes en l’air. Une fois intégré, l’homme a la latitude de négocier avec n’importe quelle fille du groupe. L’autre méthode utilisée par certaines, ce sont les statuts Messenger sur lesquels, elles mettent des photos sexy et vidéos montrant leurs parties les plus intimes, pour attirer les hommes. Elles y laissent leurs contacts téléphoniques.
Les services proposés vont de la pipe à l’acte sexuel, en passant par la sodomie et autres formes de pratique sexuelle. Dans cette nouvelle forme de prostitution, on enregistre les proxénètes qui recrutent des filles via les mêmes canaux afin de les mettre à la disposition des hommes ou ce sont des rencontres qui sont organisées pour faciliter les contacts et les négociations, a confié Jean-Christophe D., un citoyen qui dit avoir eu, une fois recours aux services de ces dernières.
Les tarifs…
Si pour les prostituées qui font le trottoir, le tarif varie entre 2 000 et 5 000 F CFA, la passe chez les filles des maisons closes est à 15 000 voire 20 000 F CFA, quand ces dernières doivent se déplacer vers leurs clients dans les hôtels ou autre endroit, a soufflé Sika, une prostituée installée dans une maison close au quartier Gah, l’un des plus vieux de Parakou connu pour être le poumon de cette pratique. Tandis que le prix est un peu élevé chez celles qui sont dans la nouvelle forme de ce métier. « Je réclame entre 25 000 et 35 000 F CFA, pour une séance, lorsqu’on me contacte par WhatsApp ou Messenger et que je dois me déplacer », relate H. A., une étudiante dans une université privée de Parakou qui est dans la prostitution. Elle a déclaré n’avoir d’autre recours que la prostitution pour supporter sa scolarité et faire face à ses besoins.
La rentabilité de la prostitution
Les témoignages recueillis sur le terrain font état de ce que la prostitution, contrairement à ce que l’on pourrait penser, est rentable pour celles qui la pratiquent à Parakou. Et pour cause, celles qui sont sur les trottoirs et les maisons closes s’en sortent bien. Il en est de même pour celles qui sont sur les réseaux sociaux.
Mimi, une jeune femme togolaise qui est dans la prostitution depuis six mois seulement par un concours de circonstance, trouve l’activité bien rentable. « Mon premier jour de travail, j’ai enfilé une mini-robe sexy qui laissait voir ma belle silhouette et les rondeurs. Je me suis positionnée à l’entrée de la maison dans laquelle j’ai été installée, 4 jours auparavant par ma sœur aînée qui m’a montré ce qui devrait être désormais mon quartier ». « Ce jour-là, j’ai fait une recette d’environ 15 mille F CFA entre 19 h et 4h du matin. Ce qui m’a permis de payer mon loyer journalier qui s’élève à 5000 F CFA », se réjouit-elle. Toutefois, elle avouera avoir ressenti une gêne en s’offrant à plusieurs hommes, cette nuit-là.
D’autres filles racontent qu’elles arrivent, grâce à la prostitution, à subvenir à leurs besoins vitaux et à économiser pour financer des projets. « Avec ce que je gagne ici tous les jours, j’ai ouvert une boutique de vente de divers à mon petit ami avec qui j’ai eu un enfant », a confié Rachida, une prostituée de nationalité béninoise. « Comme ça, il garde l’enfant la nuit, pour me permettre de venir chercher de l’argent ici tous les soirs », a-t-elle poursuivi.
Pendant ce temps, c’est Aïcha qui relate qu’elle arrive à payer la scolarité de sa fille qui est restée auprès de sa maman à Sakki au Nigéria. « Les déplacements pour aller servir les clients dans les hôtels et autres résidences, sont plus rentables qu’au niveau des maisons closes », fait observer Mimi. Elle précise qu’elle gagne en moyenne entre 25 000 et 30 000 par déplacement.
La part du lion aux propriétaires des maisons closes
Si la prostitution nourrit celles qui l’exercent, ce sont surtout les propriétaires des maisons closes qui se taillent la part du lion. Pour un local entrée-coucher qui vaut entre 8 000 et 10 000 F CFA le mois dans les habitations ordinaires, il est concédé à 5 000 F CFA par jour dans les maisons closes aux prostituées. Ce qui revient à 150 000 F CFA le mois par prostituée multiplié par le nombre de pièces dans la maison. Pour les propriétaires, il s’agit d’une bonne recette.
« Je dispose chez moi de 8 pièces qui sont toutes occupées, ce qui fait environ 1 200 000 F CFA le mois », a indiqué J. Z., propriétaire d’une maison close au quartier Kpébié, dans le premier arrondissement de Parakou. « Les charges d’entretien, d’électricité et d’eau sont à ma charge et ce n’est pas négligeable », a-t-il nuancé. Comme J. Z., d’autres propriétaires de maisons closes de la ville s’en sortent bien avec cette activité.
Les conséquences
Les recherches montrent que le fait d’avoir des rapports sexuels impersonnels et répétés, dénués de sentiments, même en l’absence de violences physiques, entraîne chez les prostitués une insensibilisation par rapport à leur corps et à leurs émotions. C’est un phénomène qui favorise la dépression.
Tandis que sur le plan sanitaire, Dr Raoul Atadé, gynécologue obstétricien au centre hospitalier universitaire départemental du Borgou (CHUD-B) estiment que les conséquences sont nombreuses. « De par leur activité, les personnes prostituées sont plus exposées à tous types d’infections sexuellement transmissibles (IST) banales ou sévères qui peuvent déboucher sur la stérilité en l’absence ou mauvais traitement des IST », a indiqué Dr Raoul S. Atadé. « Elles sont également exposées au cancer du col de l’utérus à cause de la multiplicité des partenaires sexuels », a-t-il poursuivi. Plus loin, le gynécologue évoque certaines conséquences psychologiques qui se résument entre autres, à la perte de l’estime de soi, aux réactions post traumatiques et à la vulnérabilité.
Max CODJO, Partenariat OSIWA-LNT
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