A Logozohè dans la commune de Savalou, il se joue un grave péril écologique. L’usine de fabrication d’alcool à base du manioc a, au fil de quelques années d’activités, pollué tout le milieu ambiant. La rivière Klou et toutes les terres cultivables aux alentours de l’usine sont pollués. En dehors de quelques protestations éparses des populations riveraines, ce drame écologique est presque passé sous silence.
Il est presque impossible de traverser Logozohè sans être envahi par l’odeur nauséabonde qui provient des déchets de l’usine chinoise qui fabrique de l’alcool à partir des dérivés du manioc. « A partir de 2 heures du matin, c’est la désolation », nous fait savoir Emile, vendeur d’essence frelatée à 200 mètres de l’usine chinoise. « Vivre ici devient de plus en plus compliqué », précise-t-il, désemparé. A Logozohè, les déchets ont pris la place du fleuve Klou et ont détruit les herbes qui ceinturent l’affluent.
Installée en 2003 grâce à la contribution du gouvernement d’alors, la société chinoise avait suscité à l’époque, l’espoir de toute la population de Logozohè. La superficie de 10 hectares cédée sous conditions aux responsables chinois en 2013 est aujourd’hui contestée par les descendants de la collectivité Vinakpon du village d’Abamè. Le géant projet avait attiré la convoitise de plusieurs autres arrondissements qui voulaient l’érection de l’usine sur leurs territoires. La qualité du projet ainsi que les avantages dont pouvaient bénéficier la population ont fait objet d’exposé aux autorités locales et aux collectivités donatrices du lieu d’installation de l’usine.
Absence de normes et violation du cahier de charges de l’usine…
Selon le contenu du contrat établi, la société Yueken International productrice d’alcool alimentaire s’engage à recruter les jeunes du village pour résorber les problèmes liés au vol et à la délinquance juvénile. La partie chinoise devrait respecter les normes environnementales et sanitaires mais aussi et surtout en donnant priorité aux mesures d’hygiène et d’assainissement. Mais une fois installée, l’usine chinoise de fabrication d’alcool alimentaire a tout au long de son installation enfreint aux règles environnementales pourtant clairement connues des responsables de la société.
Des eaux usées faites de résidus des produits chimiques sont déversées dans le lit du fleuve entraînant la destruction des cultures. Rien ne reste dans le fleuve klou si ce ne sont que des eaux usées noirâtres surchargées de déchets. L’environnement au complet à savoir l’air, les eaux et la terre de Logozohè sont infectées par ces déchets toxiques produits par l’usine de fabrication d’alcool alimentaire. La pollution de la rivière Klou dans l’arrondissement de Logozohè dans la commune de Savalou n’est pas sans conséquences sur la santé des populations locales. « Tout le monde souffre d’allergie, de toux et de rhume au quotidien », raconte Claude Tchokponhoué, maitre menuisier. Il sera appuyé par Alexandre qui avec un ton colérique déclare que « plus personne ne peut bien respirer. L’odeur est suffocante et piquante.Nous n’avons même plus d’eau à boire. Les cours d’eau sont tous contaminés par les déchets chimiques », s’est-t-il plaint.
Les dispositifs d’évacuation des déchets installés…
Les responsables chinois de l’usine de fabrication d’alcool ont érigé à l’intérieur des basins pour conserver les déchets toxiques notamment les eaux souillées avant de les évacuer dans le fleuve. Cette installation fait suite à leurs interpellations par les autorités communales. De ce fait, un système de filtration desdits déchets a été retenu et mis en place dans l’usine. Selon les explications d’un des agents permanents de la société Yueken International et de nos constats, les déchets extraits de la production de l’alcool sont déversés dans deux grands bassins de plusieurs mètres de profondeur. Une fois la tuyauterie ouverte, les déchets traversent une importante quantité de sable qui tamise la toxine. Ensuite, le reste est filtré par du gravillon qui draine les déchets dans du sable à laver pour les éconduire dans un bassin rempli de charbons avant d’être tamisés dans des plantes aquatiques pour générer d’eaux usées.
A cette étape du système de filtration, le gouvernement à travers le Ministère du Cadre de Vie n’a pas encore donné l’autorisation pour ouvrir le dernier bassin contenant les plantes aquatiques, ultime canalisation avant l’évacuation des eaux usées, fait-on savoir à la direction départementale Collines du cadre de vie.
L’usine fermée…
Dans des correspondances adressées au Chef d’arrondissement de Logozohè le 26 janvier 2021, au directeur départemental de la direction du travail du Zou et au chef de l’agence Cnss d’Abomey le 18 janvier 2021 et que nous avons eues et consultées, le gestionnaire par intérim de la société Yueken International Bénin Sarl informe les différents responsables de la mise en chômage technique du personnel à compter du 1er février 2021. En effet, cette fermeture est due au manque de matière première pour faire tourner l’usine. Il s’agit en l’occurrence des cossettes de manioc devenues rares sur le terrain, précise la correspondance signée du gestionnaire délégué, He Yutan.
Face à la crise actuelle que traversent l’entreprise, et le cri de détresse des populations, les responsables de la société ont engagé plusieurs démarches vis-à-vis des autorités communales de Savalou. Des séances d’écoute et de médiation ont eu lieu sous la conduite du Maire de la commune. Les responsables du Ministère du Cadre de Vie à travers la direction départementale ont aussi fait la visite d’inspection et de constat formulée par la société en vue de l’autorisation à ouvrir certaines canalisations. La conséquence directe de la cessation d’activités de l’usine est le chômage. Les dizaines de jeunes de la localité embauchés sont à la maison et ne cessent de réfléchir à comment survivre et nourrir leurs petites familles. « Je suis désespéré. J’ai été embauché comme agent en 2016. A l’annonce de la fermeture, j’ai coulé des larmes. Nos responsables ont clairement dit qu’ils ne pourront plus nous payer la totalité de nos salaires. Je suis à 25000 francs le mois. J’attends février pour voir comment ça va se passer car depuis la prise de la décision nous n’avons plus rien fait », raconte Luc Fabola, natif de la localité. A en croire le chef de l’arrondissement de Logozohè, Sylvain Damassoh les vols ont repris, les plaintes sont quotidiennes et les animaux domestiques disparaissent de façon inquiétante.
Que fait la mairie ?
La commune de Savalou à la suite des plaintes enregistrées a pris le taureau par les cornes. Les responsables de l’usine ont été fréquemment convoqués pour cesser l’émission des déchets toxiques dans le fleuve. Par la même occasion pour compenser les dommages occasionnés par l’usine, le conseil communal a exigé des responsables chinois, le paiement d’une taxe compensatoire. Ainsi, de sources bien informées, la mairie de Savalou à travers la recette perception locale a encaissé la bagatelle de 4 millions de francs Cfa au titre de l’année 2020.
En vue de solutionner les difficultés liées à la fermeture de l’usine, des propositions ont été faites au gestionnaire de l’usine pour la relance des activités. Entre autres propositions faites par le conseil communal par le biais du chef d’arrondissement de Logozohè, on retient : la revue du prix d’achat par kilo de cossette, la signature de contrat de vente et d’achat avec les groupements, les individus et les associations de production de manioc dans les communes.
(Jacob ANANI, Partenariat OSIWA-LNT)
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