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Ibrahima Sory Bangoura : de Dakar à la Bretagne, un étudiant comme un autre

Ibrahima Sory Bangoura est un étudiant étranger en France depuis décembre 2012. Le Sénégalais d’origine, aujourd’hui élève à Sciences Po Rennes, vit comme des centaines d’autres milliers d’africains la vie française. Entre joies et parfois difficultés. 

Tout est allé très vite. Mars 2012, Macky Sall est élu président de la République du Sénégal. Ancien camarade de promotion du président et ingénieur des mines, le père d’Ibrahima se voit proposer un poste au consulat du Sénégal à Nantes. « Mon père a obtenu récompense, il connaissait très bien le ministre des Affaires Étrangères. » Autorisé à partir avec sa famille, il s’installe avec ses enfants et sa femme. 

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Ibrahima Sory Bangoura reçoit à Vertou, petite ville de la banlieue nantaise. Il y vit depuis le départ de ses parents, en 2019, avec Rémi, « une personne de confiance de la famille. Si je ne l’avais pas connu, ça aurait été plus dur » nous confesse-t-il. Après un rapide tour de la maison, nous voilà dans sa chambre, partis pour une heure d’entretien. 

Voilà bientôt maintenant dix ans que cet étudiant sénégalais vit en France. Tout était prévu dès le début pour qu’il aille étudier en France, cela s’est seulement fait plus vite : « C’était écrit que j’aille faire mes études supérieures en France, comme 80% des enfants de cadres qui ont les moyens ». Ibrahima voit d’ailleurs cette arrivée comme une chance : «  Si j’étais à Sciences Po sans le lycée français, j’aurais eu énormément de mal ». Des difficultés, le lycéen à l’époque en a connu. 

Des débuts compliqués

Arrivé en plein milieu de l’année scolaire française, Ibrahima Sory Bangoura est sommé de passer un test de niveau en français et en maths avant de pouvoir intégrer un lycée. « Je les ai passés, je les ai réussis mais il était trop tard pour entrer au lycée cette année-là ». L’élève perd une année de scolarité « à cause du système français. »

En septembre 2013, l’étudiant en herbe peut enfin intégrer un lycée. Ce ne sera pas celui de secteur : «  Il n’avait pas de place, peut être parce que j’étais étranger, je ne connais pas la raison ». Après moultes recherches, il finit par trouver un lycée agricole en internat à Jules Rieffel. Niveau scolaire, Ibrahima s’en sort plutôt bien et ce assez rapidement : « J’avais un bon niveau général, il n’y avait pas trop de décalages, seulement quelques difficultés en français car j’étudiais des auteurs africains ».

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Les difficultés sont plus à trouver au niveau de l’intégration. « Je n’ai pas eu une seconde terrible » nous indique-t-il. Le Dakarois se retrouve dans un établissement scolaire sans aucune mixité : « J’étais le seul black (sic), les liens se faisaient plus facilement entre blancs, sans aucune pensée raciste. » Le lycéen se retrouve quelque peu isolé tout au long de l’année, notamment à cause de la différence d’éducation sur certains points : « Je ne fumais pas, je ne buvais pas et je n’allais jamais aux soirées. »

Une intégration (presque) réussie

Aux difficultés se succèdent les réussites. « Mon background culturel m’a permis finalement de m’intégrer, j’avais les mêmes hobbies et je parlais très bien français ». Peu différent de ses autres camarades, Ibrahima finit par être inclus dans un groupe d’amis. 

Il reconnait qu’il a eu un peu de chance et que cela dépend aussi de chaque personne. L’acclimatation à la France se passe encore mieux quand il arrive dans les études supérieures. « Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir été mis à l’écart, je ne me sentais pas étranger, la plupart me pensait même français » nous dit-il amusé par la situation. 

Sciences Po Rennes, l’étudiant l’a intégré en 2016 après un concours brillamment réussi, même si conscient qu’y entrer n’était pas simple : « Si on me prend moi et un étudiant étranger qui n’a pas fait son lycée en France, il ne pourra pas. » L’écart avec le lycée se fait rapidement sentir, et l’élève rate sa première année, « un mal pour un bien, j’ai gagné en niveau culture. »

La culture et la diversité sont malgré tout ce qui peut s’avérer compliqué au quotidien. La discrimination fait partie de ses journées. Victime de remarques racistes, « de l’ignorance et des préjugés » nous dit-il calmement, ce n’est pas dans son comportement de réagir. L’administration peut aussi se révéler complexe pour un étranger : « Grâce à mes parents j’ai un titre de séjour VPF, c’est hyper compliqué d’avoir les papiers pour un étudiant lambda. » Même après le départ de ses parents, il a pu conservé son titre de séjour car toujours à Sciences Po. « Nous africains, on doit cravacher deux fois plus », nous souffle-t-il.

Quant à la suite ? « Pourquoi pas travailler dans une collectivité territoriale, et demander la nationalité française pour trouver du travail plus facilement ». Presque amer, il insiste sur le fait qu’il ne rentrera pas de suite au Sénégal, où il faut être âgé pour peser : « Mon objectif, changer les choses au pays en m’investissant dans la politique ». Voilà qui est Ibrahima, étudiant étranger certes, mais avant tout simple élève. 

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