La question taraude les esprits depuis le 15 juillet dernier, jour où Le juge de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a renvoyé le délibéré de l’affaire Joël Aïvo au 5 août 2021. Le candidat recalé à la présidentielle d’avril 2021, et opposant déclaré au régime de Patrice Talon est poursuivi, avec ses co-accusés, pour des faits de blanchiment de capitaux, et de complot contre l’Autorité de l’Etat. Demain jeudi, tous les regards seront tournés vers la CRIET pour connaître le verdict de cette Cour d’exception.
Arrêté sans convocation et sans mandat d’arrêt le 15 avril 2021 à hauteur du pont de Djonou, dans des conditions somme toutes rocambolesques, alors qu’il revenait des cours à l’Université d’Abomey-Calavi et incarcéré dès le lendemain à la prison civile de Cotonou, le professeur Joël Aïvo va être fixé sur son sort demain jeudi 5 août 2021. Ainsi en a décidé le juge lors de l’audience du 15 juillet dernier. Pour rappel, ce jour-là, le procureur spécial, Mario Métonou a soulevé l’incompétence de la Cour. Il a demandé au juge de se déclarer incompétent et de renvoyer l’affaire devant la commission d’instruction afin de permettre au Parquet de mieux se pourvoir. Il justifie sa demande par la nature criminelle d’une des infractions, et par le fait que deux des mis en cause seraient encore recherchés. Tollé général dans les rangs des avocats du célèbre professeur ! Ces derniers vont tour à tour souligner l’incongruité de la requête du tout puissant procureur de la CRIET.
Détournement de procédure
Le premier à dégainer, pour ainsi dire, fut Me Achille Dideh qui a parlé sans ambages de détournement de procédure. De sa voix calme et sans passion, il a déclaré que c’est le procureur Mètonou lui-même qui avait retenu la qualification des infractions, en invoquant le flagrant délit. Il a aussi décidé de saisir le juge correctionnel et a fixé la date de comparution de Joël Aïvo et ses co-accusés en faisant l’option du fragrant délit. Dans sa logique, selon le code pénal, il devrait présenter le professeur et les personnes détenues dans cette affaire devant le juge au plus tard soixante-douze (72) heures après leur arrestation. Ce qu’il n’a pas fait. Il les a maintenus en détention pendant trois mois avant de les faire comparaitre. Pendant tout ce temps, Mario Métonou ne s’est pas rendu compte qu’il ne s’agissait pas d’un flagrant délit et c’est à l’audience du 15 juillet dernier qu’il s’est ravisé. «C’est bien curieux pour un magistrat de son rang» a affirmé un des avocats de Joël Aïvo.
A cette étape de la procédure, argue un autre avocat, il aurait été plus simple de retirer le passeport du professeur et de ses co-accusés, le temps de terminer les enquêtes puisqu’il n’y avait rien qui pressait. Me Achille demandera à l’appui de ses arguments que le juge autorise l’ouverture des débats pour faire le départ entre les faits dont on accuse ses clients, le professeur et son comptable et la qualification retenue par le Procureur. A sa suite Me Robert Dossou enfoncera le clou et demandera la relaxe pure et simple de l’accusé pour délit non constitué. Me Aboubacar Ba Parapé constitué pour la défense des deux prévenus militaires balaiera d’un revers de la main l’argument de l’absence du principal cerveau du dossier , l’homme d’affaire Arnaud Houédanou invoqué par le procureur. Et , de rappeler le procès de la royauté de Pèrèrè qui s’était poursuivi à l’époque malgré la fuite au Nigeria d’un des protagonistes du dossier .
Dossier vide ?
Pour certains, le faible nombre de prévenus à la barre renforce l’idée d’un dossier vide. Il n’y avait en effet, en tout et pour tout que quatre prévenus : d’un côté, le professeur Frédéric Joél Aïvo et son comptable et de l’autre, deux militaires dont un démobilisé qui avaient déclaré lors des interrogatoires préliminaires qu’ils ne connaissaient ni n’avaient jamais vu le professeur. Pour un dossier dit de déstabilisation du régime et de blanchiment de capitaux, la moisson paraît bien maigre selon les avocats. En tout état de cause, deux options se présentent au juge : soit il se déclare compétent et ouvre les débats sur les faits reprochés au constitutionaliste pour faire le constat de la vacuité des accusations du procureur et de ses erreurs de procédure, soit il donne raison à ce dernier en renvoyant le dossier à la commission d’instruction, ce qui prolongerait la détention pour une durée indéterminée du professeur et de ses co-accusés .Dans les deux cas, c’est l’honneur des juges et la crédibilité de la justice de notre pays qui sont en jeu.
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