Après les « daagbovi », il faut désormais ajouter les « azaëliens » dans le registre des communautés sectaires au Bénin. Ces mouvements religieux et le mysticisme qui les entourent, font craindre des dérives fâcheuses dans un pays où les pouvoirs publics affichent leur indifférence et parfois, leur complicité. Les Béninois se remettent tout doucement de leurs émotions suite aux événements survenus il y a deux semaines à Monkpa dans la commune de Savalou.
Ce samedi 29 janvier 2022 en effet, la cohésion sociale qui régnait dans cette paisible localité a subitement pris la forme d’un conflit ouvert entre les adeptes de la secte Azaël Awignan et les populations. Motif : la destruction des cultures et des récoltes des agriculteurs ordonnée par leur gourou Mesmin Kpodekon sous le fallacieux prétexte de l’imminence de la fin du monde. Le bilan des affrontements est très lourd : neuf morts dont deux policiers et plusieurs blessés. Personne ne sait presque rien sur l’existence de cette secte ni de son créateur avant le drame de ce samedi 29 janvier. La police a tenu un point de presse mais elle n’a pu fournir aucune information crédible. Tout ce que l’on sait, c’est que la secte existe depuis quelques années et que les adeptes sont interdits de se couper et de se peigner les cheveux. Rien sur l’identité réelle de son gourou. Comment et pourquoi elle s’est installée à Monkpa ?
Personne n’est capable d’y répondre. Pour la police, les azaéliens sont coutumiers de « coups et blessures, menaces de mort, vol de récoltes et destruction de biens appartenant à autrui ». Coïncidence pour coïncidence, le drame de Monkpa survient cinq ans jour pour jour après un autre événement provoqué par celle qui se fait appelée Daagbo, « dieu, esprit saint », Parfaite de son vrai prénom. La créatrice de l’église catholique universelle nouvelle et originelle du Bénin communément appelée l’église de Banamé du nom du village de son implantation, avait fixée comme date de la fin du monde le 29 janvier 2017. Pour avoir un accès direct au paradis lorsque cet événement surviendrait, les adeptes étaient appelés à se consacrer aux prières. Cinq personnes membres de cette communauté religieuse s’étaient enfermées dans une chambre pour prier mais elles trouveront la mort, asphyxiées .
Un an plus tard la même scène a failli se répéter quand neuf autres personnes se sont confinées pendant plus de 24 heures. Elles n’ont eu le salut que grâce à un proche parent qui leur avaient inopinément rendu visite. Mais, si M. Mesmin Kpodekon et plusieurs de ses adeptes sont aujourd’hui arrêtés, Parfaite quant à elle continue d’officier tranquillement dans son église à Banamé, malgré les nombreuses plaintes de violences, de disparitions mystérieuses et d’extorsion de fonds qui planent sur sa tête. Certaines personnes la soupçonnent d’ailleurs d’avoir des accointances avec le pouvoir en place. Aucun démenti n’est venu infirmer ces rumeurs. Mais cette politique de deux poids deux mesures ne s’explique pas si l’on prend au mot les déclarations des dirigeants de notre pays qui prônent depuis leur arrivée au pouvoir en 2016, zéro impunité. Combien sont elles encore tapies dans l’ombre dans nos villes et campagnes, ces sectes et leurs gourous, prêts à déverser leur colère et leur violences sur les populations ? Personne ne le sait. Mais le drame de Monkpa nous rappelle les risques de massacres à grande échelle ou de suicides collectifs qui guettent les populations.
Inaction et complicité
On a pas besoin d’être professeur de sociologie pour savoir que le drame de Monkpa est le résultat de l’incapacité des pouvoirs publics à encadrer le secteur des mouvements religieux. Au Bénin, bien que la loi l’exige, des églises et autres institutions religieuses s’installent tous les jours sans aucune autorisation. De sorte que plusieurs rues de Cotonou et des grandes rues sont prises d’assaut par des églises évangéliques ou autres avec des prêches controversées et de pollutions sonore et atmosphérique. Au Bénin, il suffit d’être quelque peu inspiré, avoir une bible, un petit local pour installer une église et se déclarer pasteur ou prophète. Dans l’indifférence totale des élus locaux et de la police. Mais parfois avec leur complicité car, souvent des agents indélicats profitent de cette illégalité pour extorquer de l’argent à ces promoteurs d’églises. Les autorités politiques ferment également les yeux sur l’installation illégale de ces églises de peur de ne pas capter les voix de leurs fidèles lors des élections. Alors que de discrètes surveillances policières pouvaient permettre de savoir ce qui se passait réellement dans ces églises et les fermer au besoin. Ce faisant, on aurait pu empêcher les affrontements de Monkpa et éviter la tuerie qui s’en est suivie. En réalité, L’installation illégale des églises ne date pas d’aujourd’hui. l’avènement du régime de la Rupture avait donné beaucoup d’espoir à ceux qui pensaient qu’il faut mettre de l’ordre dans ce secteur. Force est de constater que rien n’est fait à ce jour. Tant que la situation ne change pas, le drame de Monkpa risque de se reproduire.
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