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Femmes en situation d’handicap : Quelles réponses pour les oubliées de la Santé et Droits Sexuels au Bénin ?

Nafissath est âgée de 18ans et réside à Porto Novo. Elle est mère d’un garçon de 02ans, fruit d’un viol alors qu’elle était apprenante tisserande, le visage illuminé de rêves. Mariée de force à son bourreau par des parents très à cheval sur les traditions, elle fut malheureusement abandonnée par ce dernier avec une nouvelle grossesse en cours. Cette jeune fille sourde et muette de naissance est aujourd’hui seule face à sa situation de mère célibataire sans res-sources qu’elle aurait pu influencer autrement si elle avait eu accès en temps opportun aux informations et services de planification familiale.

Son histoire n’est guère isolée. Combien sont-elles dans notre pays, ces femmes et jeunes filles porteuses d’un handicap, exclues, humiliées et très souvent sexuellement agressées et ceci parfois au sein d’espaces où elles sont censées trouver assistance et protection. Selon le rapport soumis par le Bénin aux Nations-Unies en 2018, l’on estime que 92 495 personnes sont porteuses d’handicap dans le pays dont près de 40% sont des femmes et filles âgées de 15 à 49 ans. Ces dernières voient leurs droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) quotidiennement ignorés et bafoués malgré leurs multiples besoins. Certains pensent que cette situation est due aux obstacles physiques qui leur empêchent l’accès aux services, au manque de services et d’informations adaptés, ou encore à la discrimination. Pour ma part, les causes profondes sont plutot liées aux politiques sanitaires nationales.

Premièrement, les spécificités des personnes handicapés vis-à-vis des DSSR ne sont pas pris en compte en termes de « dispositions adaptées » dans les politiques sanitaires. L’examen des documents que sont la loi n° 2003-04 du 03 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction et la stratégie nationale multisectorielle de santé sexuelle et de la reproduction des adolescents et jeunes au Bénin 2010-2020 corrobore bien ce constat. Nulle part il n’est fait mention de comment les personnes handicapées jouiront des services de santé sexuelle et reproductive. Face à ce « vide politique », l’on est bien en droit de se demander comment l’Etat peut-il « garantir aux personnes handicapées l’égalité d’accès aux soins de santé » (Loi N° 2017-06 du 29 Septembre 2017 sur les droits des personnes handicapées au Bénin). Il en résulte que la probabilité d’être mal soigné ou mal informé dans un centre de santé est quatre fois plus grande pour une personne handicapée en comparaison à une personne sans déficience (Rapport mondial sur le handicap, OMS 2012).

Deuxièmement, qu’elles soient portées par des ONG internationales ou locales, les différents projets mis en oeuvre dans le pays dans le domaine des DSSR ne disposent d’aucune forme d’intervention « spécifique » adaptée aux personnes handicapées. Ceci n’est guère étonnant car ces interventions ne sont rien d’autre que l’opérationnalisation des stratégies définies dans les documents de politiques. Ces différentes ONG pour la plupart, très sensibles aux questions d’équité et d’inclusion sociale définissent bien dans leur logique d’intervention la prise en compte des handicapés comme composante transversale. Mais ceci n’est malheureusement pas soutenu à la mise en œuvre par des actions concrètes en termes d’adaptabilité des offres de services (ciblage actif, messages au format adapté…).
Les quelques interventions « spécifiques » que nous avons pu enregistrer, sont mises en œuvre à petite échelle dans les centres d’accueil spécialisés qui n’abritent malheureusement qu’une infirme partie de la population vivant avec un handicap.

En conclusion : s’il ne fait plus de doute que la pleine réalisation des DSSR permet de répondre de façon cohérente à des enjeux aussi divers que les grossesses non désirées, les mariages précoces, les mutilations génitales féminines, ou la mortalité maternelle et infantile, il est amer de constater que des femmes et filles porteuses d’handicap n’y auront jamais accès par faute de politiques « non-handicap sensibles ». Il est temps que ceci change. Tous ensemble, nous devons travailler pour que les politiques et interventions de DSSR s’adaptent aux handicapés et non l’inverse » Pour y arriver je m’en vais proposer trois pistes de solutions à savoir :

  • Réactualiser les politiques de santé en matière de DSSR en y intégrant les spécificités liées au handicap
  • Œuvrer suivant une approche multisectorielle en intégrant systématiquement les enjeux de DSSR à toute intervention ciblant les personnes handicapées (éducation, culture, emploi…).
  • Concevoir et mettre en œuvre des projets « HandiDSSR » ciblant exclusivement les personnes handicapées.
    Au-delà de tout ceci mon rêve le plus cher est la création de l’Institut National des Personnes Handicapées à l’instar de l’Institut National de la Femme. Un tel institut pourrait contribuer significativement à la prise en compte au plus haut niveau décisionnel, du handicap comme diversité humaine.
    Je reste convaincu en ma qualité de Médecin spécialiste en santé publique et gestion des projets de santé que l’accès équitable par tous aux DSSR, sans distinction physique est une condition essentielle de l’autonomisation des femmes et filles et du développement durable.

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