Le Bénin semble courber progressivement l’échine devant le combat contre le terrorisme. Depuis décembre 2021, les attaques ont été fréquentes contre les Forces de défense et de sécurité sur plusieurs fronts dans le nord du pays. Environ une vingtaine de morts du côté des éléments de l’armée contre deux seulement du côté des djihadistes. Certes l’armée a annoncé avoir neutralisé d’autres assaillants armés mais dans l’ensemble le Bénin a connu plus de pertes que de victoires.
Et cela ne devrait surprendre personne car aucun pays n’a réussi à dompter véritablement l’hydre. Même les pays disposant des technologies militaires de pointe et affublés de titres pompeux de « puissance militaire » ont été touchés. Des Etats Unis à la France en passant par la Grande Bretagne, tous ont été frappés. En Afrique, les premiers attentats terroristes ont eu lieu en 1995 contre les ambassades des Etats Unis à Nairobi au Kenya et Dar es Salam en Tanzanie. Depuis, l’hydre a poussé assez de têtes et a tendu ses tentacules partout. L’Afrique du nord- avec l’Algérie en tête – a été le premier et vrai champ d’éclosion et d’expérimentation du terrorisme en Afrique. A la suite de l’implosion de la Jamahiriya Arabe libyenne et la liquidation de son guide Mouammar Kadhafi, le péril a infesté tout le sahel avec la migration de plusieurs barrons du terrorisme doublée du transfert d’une bonne partie de l’arsenal militaire du guide libyen. L’étendue de cette zone du Sahel aggravée par son aridité, son relief accidenté rend les frontières des Etats intangibles et ouvrent à la voie aux trafics de tous genres : armes, drogue et carburant. Toutes les conditions sont donc remplies pour une bonne et longue saison de terrorisme. Après quelques années, ce n’est plus qu’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) seul qui a le monopole de la situation mais une multitude de micro organisations nées des différents désaccords entre ses barrons. Ces dernières ont commencé à explorer de nouveaux horizons et chercher d’autres zones d’influence. C’est ainsi que certaines parmi elles ont commencé à s’intéresser aux pays côtiers comme le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire.
Et depuis, nous y sommes sans trop de solutions. Mais en vérité, il n’y a pas une guerre à faire contre le terrorisme. Comment peut-on faire une guerre lorsque l’ennemi est invisible, volatile, mutant ? Le front de guerre ne se trouve nulle part que dans la tête de ceux qui conçoivent leur projet malsain de terroristes. Il peut être une église, une frontière, une réserve animalière, un marché, une plage… Pour les raisons de cette guerre, elles ne sont nullement connues. Hier, le père fondateur du néo-terrorisme international disait sans cesse : « Nous sommes en guerre contre les juifs et les mécréants ». Et aujourd’hui ? Les revendications varient selon chaque leader djihadiste et fluctuent au gré du temps. Il est donc très malaisé de mener une telle guerre où le front n’existe presque pas et où l’ennemi si loin et si proche de nous est invisible, volatile, mutant… La guerre contre le terrorisme n’est pas que asymétrique, elle n’existe pas.
A-t-on réussi déjà à identifier l’ennemi ? Est-ce le lecteur assidu du coran qui vit à côté de ma maison ou le trafiquant touareg qui bivouaque dans les parages des Adras des Ifhoras ? Est-ce le prédicateur qui enflamme nos mosquées par leur maîtrise du coran ou le philanthrope enturbanné qui construit mosquée, adductions d’eau villageoise, écoles et hôpitaux sous la bannière d’ONGs venues des pays du golfe ? Est-ce le Peulh transhumant armé qui sillonne nos contrées à moto ? Il y a tellement de profils suspects et assimilables au terroriste qu’on se demande qui est-il réellement.
Face à ce faisceau d’incertitudes, il est important de repenser la lutte. Il n’y aura jamais assez de vigilances sécuritaires, de militaires bien équipés et bien formés, de renseignements fiables pour empêcher des attentats, des guet-apens, des attentats suicides. C’est pourquoi, la vraie guerre contre le terrorisme est pour moi celle qui se passe loin du champ militaire. C’est la guerre contre les frustrations, les injustices. C’est la guerre contre le désespoir et la peur du lendemain. Lorsqu’il y aura peu de frustrés, de gens brimés, il y aura moins de candidats à l’endoctrinement religieux et à l’extrémisme. Menons donc une vraie guerre pour faire reculer l’incertitude, la frustration et les injustices et nous aurons réussi à lutter presque totalement contre le terrorisme.
Le deuxième chantier est la lutte contre la prolifération des armes. Lorsqu’un frustré n’a pas la possibilité d’avoir une arme, il cherchera d’autres moyens pour manifester son état. Que faisons- nous pour que les armes ne tombent pas dans les mains des méchants ? A ce niveau, tournons nos regards vers ceux qui en fabriquent et en vendent. Il est temps d’y mettre un peu d’ordre et de pointer d’un doigt accusateur ceux qui, hypocritement disent lutter contre le terrorisme mais fabriquent et vendent ces armes. Enfin, il faut que les pays qui sont victimes unissent leurs efforts en matière de renseignement. Il faut une mutualisation des renseignements afin de contrer les attaques dans une zone aussi vaste que le Sahel. Le renseignement apparaît plus efficace que l’achat d’armes lorsqu’il est bien pensé, organisé et équipé. Il C’est grâce aux renseignements qu’on peut en amont empêcher les attaques et sauver les vies de nos soldats. Si nous voulons gagner ce combat contre le terrorisme, gagnons le combat contre l’incertitude du lendemain et la frustration.
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