Le président français Emmanuel Macron a foulé le sol béninois hier soir. Il va discuter avec son homologue Patrice Talon de plusieurs sujets. Cette visite est diversement appréciée par les Béninois. Voici ici quelques propos recueillis par votre journal.
Kmal Radji: « Pas de bases militaires au Bénin »
La visite de Macron entre sans doute dans le cadre de plusieurs aspects. Nous pensons que s’il vient pour voir les œuvres restituées au Bénin, c’est pour voir dans quelles conditions elles ont été placées ici chez elles, après qu’elles aient été pendant longtemps détenues en France. Nous lui souhaitons la bienvenue pour ne serait-ce que venir voir la volonté d’un pays d’Afrique qui a décidé de s’ancrer dans son histoire pour pouvoir grandir et se développer la tête haute. Sa visite ne change rien à nos vies. Il ne vient pas au Benin, ce pour nos beaux yeux. Aucun dirigeant français ne vient en Afrique pour ne pas donner des leçons aux Africains. Mais au 21ème siècle, nous savons penser par nous-mêmes. Nous n’avons pas besoin de leurs leçons. Nous souhaitons que cette visite ne serait pas pour signer des accords qui constitueraient des pièges.
Quel est votre regard par rapport aux relations entre la France et le Bénin ?
La France a toujours milité pour ses intérêts en Afrique. Aujourd’hui plus que jamais, la puissance coloniale n’a jamais été autant en doute par rapport à elle-même. La jeunesse béninoise a une grande conscience des coups de la France. Le scénario libyen reste toujours une grande plaie ouverte. Nous ne voulons plus rester dans ce schéma-là. Nous voulons tourner la page. Aujourd’hui, notre objectif est de pouvoir être capables de voir ceux qui sont dans les intérêts africains ou ceux qui sont prêts à travailler avec l’Afrique dans un partenariat gagnant-gagnant. La France a construit son propre tombeau en Afrique. Elle fait partie des dernières puissances auxquelles nous pensons aujourd’hui lorsque nous voulons trouver des partenaires dignes pour l’évolution de notre pays. Les diplomates africains essaient tant bien que mal de travailler avec elle.
Aujourd’hui, la France a l’obligation de trouver de nouveaux partenaires dynamiques. Elle a l’obligation de s’entendre avec des pays comme le Bénin pour montrer à ses concurrents qu’elle fait toujours le poids en Afrique. Nous souhaitons que la France n’ait pas l’occasion d’installer des bases militaires chez nous pour conserver ses intérêts. Les bases militaires en Côte d’Ivoire, au Niger au Tchad et un peu partout dans le sahel, cela n’a pas favorisé la stabilité de ces pays. Cela n’a pas permis de sécuriser ces pays. Nous voulons continuer à mener notre démarche de paix au Bénin.
Colince Yann, Web activiste et rédacteur en chef de l’hebdomadaire Le Déchaîné Du Jeudi
‘’Avant de répondre à ces questions, je me permets des propos luminaires que voici : Je suis Français ! Ou, plutôt, je me sens Français. Le français n’est pas seulement la langue dans laquelle je m’exprime ; c’est aussi ma langue de travail et en général, mon travail consiste à manier voire manipuler le français pour gagner ma vie. Plus qu’un francophone, plus qu’un francophile, je me sens Français. Et donc, quand je porte un regard critique sur la France, ce n’est point pour engraisser les débats sur la FrançAfrique, encore moins pour alimenter les discours sur le sentiment anti-français en Afrique ou autres effets de mode de ce genre…’’
Le président français Macron visite le Bénin ce jour. Quelles est votre réaction?
Je n’ai pas de réaction particulière. Tout le monde connaît l’actualité : la lutte contre le terrorisme, la guerre en Ukraine, etc. Le président Français fait ce qu’il pense devoir faire pour les intérêts de la France. À nos présidents, ailleurs et au Bénin, de faire ce qu’ils doivent faire pour que cette visite serve au mieux les intérêts de leurs populations respectives.
Selon vous cette visite est-elle opportune ?
Cette visite au Bénin, est opportune à mon avis. Car elle permettra au président français, entre autres, de voir ce que le Bénin fait des objets royaux récemment rétrocédés par la France, allusion ici faite à Expo Art du Bénin… Cette visite peut donc permettre de relancer le débat sur le retour des autres œuvres d’art du Bénin encore détenues par la France.
Quel regard portez-vous sur les relations entre le Bénin et la France?
Je porte un regard très intéressé sur la manière dont peuvent évoluer ces relations dans un contexte marqué par cette guerre en Ukraine qui donne l’impression de pouvoir redéfinir la carte géopolitique mondiale. Sans cynisme, je souhaite que l’intérêt réel ou supposé que la Russie (et autres) porte sur le continent puisse agir comme une « contrainte » sur la qualité des rapports gagnant-gagnant entre la France et le Bénin.
« Un moment de renouer le lien entre la France et le Bénin » : Igor Rodolphe Tossou, président de la Fédération nationale des étudiants du Bénin (Fneb)
Malgré notre indépendance qu’on le veuille ou pas, nous dépendons d’une manière ou d’une autre de la France et notre niveau de développement ne nous permet pas encore de nous détacher complètement de la France encore que jusqu’à l’instant nous continuons d’utiliser le franc CFA. Pour moi, cette visite du président Macron au niveau des pays ciblés en l’occurrence le Bénin, c’est suite donc à des remarques ou à des choses qu’il a identifiés dans le pays. S’il vient au Bénin, pour nous, c’est un moment de renouer le lien entre la France et le Bénin, de signer de nouveaux accords de partenariat et de réfléchir avec notre président de la République sur des possibilités de mise en œuvre des politiques de développement socio-économiques de notre pays ou de pouvoir attirer l’attention de notre président sur des aspects donnés, compte tenu du fait qu’il est dans l’élan ou la dynamique de révéler réellement le Bénin au monde entier. Le souhait des étudiants est qu’à travers cette visite, le président Macron puisse au moins toucher l’aspect de l’éducation surtout au niveau du supérieur, les réformes engagées par le gouvernement actuel et qu’il fasse des propositions pour améliorer l’éducation, la qualité de l’enseignement et que réellement des conditions pour les principes du système LMD soient véritablement respectés afin que les étudiants puissent avoir les conditions souhaitées pour pouvoir mieux étudier et donner le meilleur d’eux-mêmes.
Iréné Agossa: « Nous sommes désormais des partenaires »
La visite du président français s’inscrit dans les rapports historiques que le Bénin a toujours eus avec la France. Mais il faut encore aller un peu plus loin pour savoir que le président français n’est pas ici simplement parce qu’il a envie de nous rendre visite. C’est parce que le Bénin est d’une utilité pour la France en cette période. L’État français n’a pas des amis l’État français n’a que des intérêts. Il revient à nous les Béninois de savoir comment gérer nos intérêts par rapport à l’utilité que nous présentons pour la France. Aujourd’hui, le domaine dans lequel nous devons faire en sorte que nos intérêts soient préservés, est la sécurité où nous devons faire face aux différentes agressions que nous connaissons dans le septentrion c’est-à-dire dans la zone du nord du Bénin. Ce qui importe pour nous, c’est la question relative au développement de nos activités économiques. Nous devons parler bien sûr de la question du franc CFA parce que nous sommes dans une période de crise où la valeur de l’euro a baissé et donc les produits importés coûtent suffisamment chers. Nous sommes dans une crise et il faut discuter du CFA parce que le CFA est géré depuis Paris. Donc, il va falloir discuter de ça pour que nous puissions retrouver un élan normal en ce qui concerne les crises économiques que nous avons connu et qui sont liés d’abord au Covid 19 et ensuite, aujourd’hui à la crise relative à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Nous sommes un pays qui condamne l’agression de la Russie donc nous allons en discuter et voir au-delà des problèmes économiques la position de la France en ce qui concerne la nouvelle carte géopolitique qui se dessine dans le monde. La position de la France et celle qui sera la nôtre dans l’espace francophone. L’ONU a perdu la main en ce qui concerne la garantie qu’elle constituait pour la paix. Donc nous devons revoir cette position avec un pays comme la France.
Dernière chose, je pense que le président béninois a toujours été offensif dans ce domaine. Nous devons continuer avec nos rapports sur le plan culturel. Nous avons eu les objets culturels historiques qui sont revenus au Bénin et nous pensons que la coopération dans ce sens doit être accentuée de manière à ce que les autres objets qui sont encore là-bas reviennent et que nous puissions continuer dans ce que nous appelons l’authenticité des valeurs culturelles de chez nous. Un peuple sans culture n’est rien. Nous pensons que notre président doit pouvoir continuer dans ce sens et montrer au président Macron que nous ne sommes plus une colonie. Nous sommes désormais des partenaires et le développement de notre pays est important pour le développement de l’espace francophone et que le développement de la France doit tenir compte du développement d’un pays comme le nôtre surtout dans le cadre du règlement des problèmes des émigrés qui sont en France et qui crée des problèmes aux citoyens français.
« Où est notre intérêt dans la visite de Macron » :Julien Affovo, président de l’Union nationale des scolaires et étudiants du Bénin/Uac
Emmanuel Macron au Bénin, est-ce que c’est une visite ? Emmanuel Macron est en tourné dans notre cher continent Afrique. C’est bon car on ne va pas lui refuser quand même de visiter l’Afrique. Donc, il peut le faire mais, la seule question que je me pose est de savoir si nous les Béninois on a besoin de ça. Où est notre intérêt dans la visite de Macron dans notre cher pays ? c’est de la comédie parce que je ne vois pas ce que le Béninois va gagner dans tout cela. Si le gouvernement accepte Macron qu’est-ce qui en découlerait ? On ne le sait pas pour l’instant. Il est venu faire quoi ? On ne nous a jamais expliqué. Je ne suis pas politicien mais, c’est de la haute politique ce que le président Macron vient faire chez nous. Pour l’instant, je ne peux rien vous dire parce que je ne suis pas le visiteur mais la seule chose que je puisse oser dire c’est que si Macron devait venir au Bénin où est le profit du Béninois lambda ? Si c’est pour signer des clauses avec le président Macron durant son séjour et que ça arrange le Bénin tout entier, on en tiendra compte. Ce qui est sûr, on ne peut pas refuser que Macron vienne au Bénin, un pays où tout le monde selon le droit peut venir visiter. Macron est la bienvenue dans notre pays mais qu’est-ce qui ressortira de cette visite ? C’est ce qu’on doit pouvoir nous expliquer.
« ça pourrait permettre aux deux chefs d’Etat de revoir leurs relations » Ariax Mickael Dakpogan, directeur de l’Ensemble artistique et culturel des étudiants (Eace)
Je vois la visite du président français Emmanuel Macron sous plusieurs facettes. D’abord, c’est une bonne chose pour notre pays car ça pourrait permettre aux deux chef d’Etat de revoir les relations pour que vraiment le Bénin puisse davantage être ce pays qui a toujours bien collaboré avec la France et dans le même temps pour que ça puisse profiter le peuple béninois. Ensuite, il y a la question de la diplomatie internationale notamment sur les rapports entre la France et l’Afrique en général. Vous n’êtes pas sans savoir que depuis un moment, certains pays africains, de gré ou de force, arrivent à montrer avec force leur position ou leur mécontentement vis-à-vis de la relation France-Afrique. Donc cette visite va permettre à Macron et son hôte de rassoir d’autres idées pour que véritablement nos deux pays en tirent des bénéfices. A ces aspects il faut ajouter la question du franc CFA qui est d’actualité notamment au sujet de la monnaie Eco que les pays de la sous-région veulent mettre en place. Je crois que ça va être aussi l’opportunité pour les deux présidents d’échanger. Rappelons qu’il y a un moment, nous avons ramené de la France, nos œuvres d’art royaux. Forcément ça va être pour voir l’état de ces œuvres et décider du reste à venir. Cela va du développement de notre culture. Enfin, ils pourront discuter sur la sécurité et la menace djihadiste au Bénin. Avant au Bénin on ne parlait pas d’attentats terroriste mais, aujourd’hui c’est l’actualité. Donc, il faut que les deux présidents réfléchissent à comment contrer cette menace qui plane sur notre pays, le Bénin.
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