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Gestion de l’échec scolaire d’un enfant : interview avec une psychopédagogue béninoise

Des écoliers (photo d'illustration : PR Bénin)

Au Bénin, la réussite d’un enfant est félicitée et célébrée en famille. Cependant, en cas d’échec, seul l’enfant se retrouve face à une année perdue, aux critiques de la société et aux injures des parents. Dans certaines familles, des punitions telles que la privation de nourriture ou d’argent de poche, l’interdiction de sortie et de distraction, le refus du payement des fournitures scolaires et des frais de scolarité de l’année suivante sont infligées à l’enfant qui n’a pas réussi à son examen. Ce qui augmente sa peine et pourrait le mettre dans un état de dépression. Déjà qu’au Bénin, la santé mentale n’est généralement pas prise au sérieux, cette dépression peut entrainer la baisse de la confiance en soi et le suicide chez l’apprenant qui a connu un échec. Interview avec Valérie D. Mitokpè Agonglo, psychopédagogue
diplômée en promotion de la famille
sur la gestion de l’échec scolaire.

Lorsqu’un enfant échoue à son examen en fin d’année scolaire, à qui la faute?
Valérie Mitokpè Agonglo
: L’échec scolaire est un résultat scolaire qui s’oppose à la réussite scolaire tant souhaitée. on est tenté d’abord d’attribuer les causes de l’échec à l’enfant. Puisqu’il est le seul à avoir composé ce jour. Pourtant les facteurs explicatifs de l’échec scolaire en général et de l’échec à un examen en particulier sont nombreux et de plusieurs ordres. Ces facteurs concernent tout le micro et le macro environnement de l’enfant. C’est tout le système éducatif qui doit être interrogé pour connaitre les finalités socioéducatives et leurs politiques. Je vais certes loin, mais les idéologies sociopolitiques et éducationnelles ne sont pas à négliger dans les résultats scolaires que nous obtenons dans nos classes.
Pour recentrer la problématique, il faut noter que les facteurs socioéconomiques, affectifs, relationnels, pédagogiques, didactiques et surtout psychologiques constituent des facteurs explicatifs de l’échec ou de la réussite scolaire. Pour qu’un enfant produise de bons résultats, il lui faut certaines conditions dont la première se retrouve dans l’environnement direct suffisamment bon de l’enfant. En effet, l’ambiance familiale est très déterminante dans la réussite ou l’échec scolaire. A la suite de la maisonnée, on va explorer directement le contexte scolaire, où on évoquera l’ethnographie de la classe, le triangle pédagogique que constituent l’enseignant, l’élève et l’objet d’étude.
Pendant longtemps, l’implication de l’enseignant dans les résultats scolaires de l’élève a été éprouvée. Aujourd’hui, on est tenté de reconnaître que le véritable auteur de la réussite ou de l’échec d’un enfant est d’abord l’enfant lui-même, ensuite ses parents et enfin l’enseignant. Pour la simple raison que dans une même classe, certains élèves réussissent et d’autres échouent avec le même enseignant ; autant dans une même maisonnée, des enfants s’en sortent et d’autres pas, avec les mêmes parents. Ce qui revient à se focaliser plus sur chaque enfant. Mais, comme il s’agit d’enfant, c’est-à-dire un être humain en formation sans grande maturité, on ne peut s’adresser qu’à ceux qui sont ses responsables, ses parents d’un côté et l’enseignant de l’autre.
Cependant, le but n’est pas d’attribuer la faute à un acteur mais plutôt d’attirer l’attention des uns et des autres pour prendre plus à cœur leurs responsabilités. Sans toutefois ignorer la responsabilité personnelle de l’enfant même, les parents ou tuteurs demeurent les premiers acteurs de son éducation.

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Est-ce une bonne chose de punir l’enfant qui a échoué à l’examen ?
Valérie Mitokpè Agonglo : Pourquoi ajouter de la peine à celui qui souffre déjà ? Lorsqu’un enfant connait un échec, il est le plus marqué négativement. Il peut vouloir enfouir son ressenti dans un casier et faire semblant de tenir le coup, mais il reçoit un coup. Un terrible coup si et surtout il n’a jamais connu d’échec durant son parcours scolaire ou académique. La société ne tolère pas l’insuccès. Nous sommes dans une société qui semble négliger la dimension émotive de la personne humaine et surtout des enfants. Seuls les succès sont célébrés. Seuls les meilleurs sont acclamés. Sans faire l’apologie de l’échec, il faut reconnaître qu’il existe et qu’il n’est pas l’apanage des autres. Gaston Bachelard a affirmé que « se tromper est nécessaire pour réussir ». C’est dire que l’erreur est plus qu’humaine, elle est nécessaire et permet de progresser. Se tromper, mal faire, commettre une erreur, échouer et chuter sont autant possibles dans la vie que remonter une pente, réussir, etc. Il suffit de considérer l’échec comme une dimension supérieure de l’erreur et de l’accepter.
Et donc, infliger une sanction punitive à un enfant qui subit déjà le sort d’un mauvais résultat scolaire c’est le clouer à la croix. C’est remuer le couteau dans la plaie. C’est refuser de lui panser ses plaies intérieures qui saignent. Toute remontrance faite à un enfant qui souffre lui fera baisser son estime de soi et perdre confiance en lui. Cela peut le décourager et lui faire abandonner les classes. La honte causée par ces sanctions supplémentaires lui fera vivre et revivre l’épisode de l’échec sans fin. Il risque même de devenir son propre prisonnier dans un ancrage infernal.

Quel est le meilleur comportement que devraient adopter les parents face à l’échec de leur enfant? Valérie Mitokpè Agonglo : Le rôle des parents est d’abord de consoler et de réconforter leur enfant. Il passe par une épreuve difficile et le support des parents est indispensable dans cette traversée. S’il y a des reproches à faire, les parents doivent se les faire à eux-mêmes d’abord et trouver leur faille. Tout en rassurant l’enfant de ce que l’échec fait aussi partie intégrante de la vie, ils doivent l’amener à accepter cet échec et à l’assumer sans en avoir honte. Quand on tombe, on se relève et on continue sa route, ainsi va la vie.
Donner à l’enfant des exemples précis et vrais des échecs qu’eux-mêmes ont connus et qu’ils ont pu surmonter. Eviter à l’enfant l’isolement. Lui faire découvrir de nouvelles activités. L’accompagner à pouvoir accepter la réussite des autres et à s’en réjouir. C’est après tout ceci et quand les parents sont sûrs que l’enfant à bien digéré son échec qu’ils peuvent s’asseoir enfin et décortiquer ce qui a mal tourné afin d’aider l’enfant à ne plus commettre les mêmes erreurs. L’échec est formateur. Cependant, il ne sera utile que dans la mesure où on s’en sert pour se remettre en cause afin de bondir de son mieux.

Quel accompagnement faut-il à la reprise des classes pour un meilleur résultat ? Valérie Mitokpè Agonglo : Il faut surtout que l’enfant évite d’avoir l’impression du déjà vu dans la classe. Les parents doivent tout autant éviter de lui rappeler qu’il a déjà fait la classe. Ils doivent par contre se montrer rigoureux et le surveiller de près. S’impliquer mieux que jamais dans la vie de celui-ci pour continuer de déceler ses difficultés scolaires. Même si l’échec est humain, il n’est pas forcément un souhait. Et donc il faut travailler à l’éviter.

Qu’avez-vous à dire pour conclure?
Valérie Mitokpè Agonglo : Chers parents, l’échec d’un enfant n’est pas facile à accepter ni pour lui ni pour vous. Mais il faut pourtant l’assumer et bien encadrer votre enfant pour qu’il ne perde pas sa motivation à la rentrée suivante. Ce faisant, pour éviter les situations d’échec, il faut à l’avenir déployer des méthodes et outils adéquats. Par exemple, offrir une écoute bienveillante et active à l’enfant ; lui offrir un cadre d’études personnel ; tenter d’établir une relation harmonieuse avec l’école de l’enfant. Être parent, c’est être pleinement présent dans la vie de son enfant.

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