Alors que l’information relative à l’autorisation de l’utilisation du glyphosate pour dix ans au sein de l’UE défraie la chronique, votre quotidien d’informations a pris les impressions d’un acteur de ce secteur. Il s’agit de Patrice Sagbo, membre fondateur du réseau national pour une gestion durable des ressources génétiques béninoises (Jinuku). Cet acteur de la Société civile a été formel sur le recours à ce produit dans l’agriculture béninoise.
Que pensez-vous de la décision de la Commission de l’Union européenne relative à l’autorisation pour 10 ans du glyphosate ?
Si aujourd’hui l’Union européenne reconduit l’utilisation du glyphosate pour 10 ans, c’est stupide. En 2015, il avait été dit que quelques années seraient données pour mettre fin à l’utilisation de ce produit. Le président Macron a notamment promis lors de la campagne présidentielle qu’il retirerait le glyphosate de son pays. Mais, la France a fait l’option de l’abstention lors du vote. C’est juste de l’hypocrisie. La Belgique qui abrite le siège de l’Union européenne a pris une loi pour interdire l’exportation du glyphosate. Nous avions acclamé en son temps cette mesure. Mais où en sommes-nous aujourd’hui ? C’est juste un complot contre les droits humains. Ceux qui donnent des leçons pour le respect des Droits de l’Homme sont à l’origine de ce complot contre l’humanité.
Selon vous cette décision controversée est liée à quoi quand on se rappelle de tout ce qui avait été fait pour bannir ce produit ?
A chacun de tirer ses conclusions. Ce sont les lobbys économiques qui poussent les grandes puissances à prendre ce genre de décision. On justifie l’utilisation du glyphosate par le manque de mains d’œuvres. Peut-on croire qu’en Afrique, la main d’œuvres est si absente quand au Bénin, tous les jeunes s’adonnent à la conduite de « taxi moto » ? Ces produits représentent un mal universel et mondial que les gens ont laissé perdurer sur plusieurs années. Ils portent atteinte à la biodiversité, à l’environnement à la santé et même à nos économies. Le glyphosate ne profite à personne qu’à ceux qui les fabriquent et à ceux qui les vendent. Lorsque vous l’utilisez, vous ne maîtrisez plus sa portée. Ses effets s’étendent dans les plans d’eaux, les lacs, toutes les ressources qui sont dans l’eau. Il pollue l’eau qui est bu. Les bouteilles de glyphosate sont par la suite utilisées par la population. Mais personne n’évalue ces effets sur la santé. Malgré la qualification de l’Oms disant qu’il s’agit d’un produit cancérogène, les gens ont fermé les yeux. Ceux qui en fabriquent sont ceux qui les vendent et veulent avoir beaucoup d’argent. Les véritables bénéficiaires ne sont pas les producteurs mais les commerçants du glyphosate.
Au Bénin, quelles actions menez-vous à l’endroit des décideurs pour lutter contre ce produit ?
Aujourd’hui, grâce à nous, l’agroécologie a été introduite dans la politique agricole du Bénin. Il s’agit d’une agriculture qui respecte l’environnement, la santé et les droits humains. Il y a désormais des consommateurs qui exigent bio. Tout n’est donc pas resté comme avant. Nous avons par exemple combattu une attitude qu’adoptait le ministre béninois de l’agriculture. Il s’agit de la médiatisation à outrance de l’achat des pesticides. Nous leur avons dit que ce n’est pas juste que des produits qui peuvent tuer soient présentés à la télévision nationale. Depuis ce temps, nous n’avons plus jamais assisté à cela même si nous ne maîtrisons plus réellement ce qui se fait.
Existe-t-il des études au Bénin qui renseignent sur les dégâts causés par ce produit ?
Il y a plusieurs études aujourd’hui qui montrent les dégâts des pesticides chimiques dans l’agriculture, dans nos écosystèmes, à la biodiversité. Des travaux de thèse ont même porté sur ce sujet dans nos universités. Ces documents existent et montrent l’impact négatif de ces produits. Les décideurs ne méconnaissent donc pas ces réalités. La pression des lobbys les obligent à se comporter ainsi.
Quels conseils donnez-vous au gouvernement dans ce sens ?
L’article 27 de notre Constitution a mis l’accent sur la protection de notre Environnement. L’État béninois a le devoir d’accompagner tous les acteurs qui travaillent dans le cadre de la protection de l’Environnement. Il y a la Charte pour la protection de l’Environnement. Nous avons également la Loi Cadre sur l’Environnement qui avait dit beaucoup de choses. Même si elle n’est plus très actuelle, elle est restée tout de même en face des problèmes que nous vivons. Chaque Béninois doit s’arranger pour que son environnement immédiat se porte bien. Le gouvernement a l’obligation de l’accompagner dans ce sens. Dieu sait que depuis sept ans que le gouvernement de Talon est là, nous sommes toujours de la dynamique et notre discours n’a pas changé. Nous sommes habitués à faire des sorties médiatiques pour rappeler à chaque fois au gouvernement ses obligations. Il faut reconnaître qu’ils font beaucoup d’efforts et qu’ils n’ont jamais rejeté nos conseils. Mais, ne pas savoir jusqu’où arrêter l’utilisation des pesticides chimiques de synthèse, revient à dire que rien n’est fait. Le glyphosate est mortel. Ceux qui continuent la production du glyphosate sont des criminels. Tous ceux qui s’engagent à produire, à vendre, à distribuer ce produit sont des criminels pour l’humanité. Nous devons les combattre. Chaque citoyen du monde doit combattre ses individus. Nous devons nous battre pour que nos droits ne soient pas violés. Il faudra éduquer nos populations afin qu’elles fassent des choix responsables.
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