L’ancien premier ministre béninois Lionel Zinsou s’est prononcé sur le retrait des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) à savoir le Mali, le Burkina-Faso et le Niger de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Reçu sur Rfi, le co-président de la Banque d’investissement panafricaine Southbridge a laissé entendre que cette décision, qui est la conséquence d’une vraie crise avec la Cédéao, était prévisible.
Il n’a pas manqué de revisiter les implications socio-économiques de cette décision de ces pays du Sahel. A la question de savoir si la Cédéao est allée trop loin dans ses sanctions, Lionel Zinsou a répondu que la suspension de ces pays est dans la logique des institutions. « Chacun est dans sa propre légitimité : la Cédéao veut faire respecter ses principes de droit, et les pays du Sahel tentent d’échapper à des sanctions qui ont des conséquences économiques et sociales importantes », a-t-il déclaré.
Selon l’ancien premier ministre béninois, ce départ de la Cédéao a bien des conséquences non seulement sur les pays concernés mais aussi sur les opérateurs économiques. « Quand le Mali, le Burkina Faso et le Niger auront quitté la Cédéao, des droits de douanes vont s’appliquer pour faire entrer leurs marchandises dans les pays membres de communauté économique. Cela risque donc d’être un petit peu plus difficile pour les entreprises de ces pays qui travaillent déjà dans toute la région, mais aussi pour attirer de nouveaux investisseurs », pense-t-il.
Pour le banquier d’affaires, la situation économique de ces pays sahéliens sera compliquée d’autant plus qu’ils sont des fournisseurs importants des pays côtiers, notamment en denrées animales. « Les choses vont être aussi plus compliquées pour les services de transports et les ports, puisque les pays de l’Alliance des États du Sahel (formée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger en septembre 2023) sont enclavés », confie Lionel Zinsou à RFI. Il va faire observer que ces pays ne peuvent pas évacuer leurs productions vers le Nord en traversant le désert de l’Algérie. « En outre, il est impossible que ces pays s’isolent, car d’un bout à l’autre de la Cedeao, les échanges de population sont trop importants », estime le co-fondateur de la société de conseil Southbridge.
Selon lui, on ne peut pas couper les pays les uns des autres, car ils sont beaucoup plus intégrés qu’on ne le croit. Lionel Zinsou a expliqué que les statistiques douanières ne prennent pas en compte le commerce informel, qui est très important. « Il faudra bien évacuer l’uranium et le pétrole du Niger par le Bénin, ou encore envoyer de l’électricité de la Côte d’Ivoire jusqu’au Mali. Même d’un simple point de vue culturel et humain, les pays sont trop liés pour qu’ils s’isolent. Il faudra traduire ça institutionnellement : soit par des accords bilatéraux, soit par un compromis avec la Cédéao, soit par un régime particulier », a-t-il illustré. Après la Cédéao, les pays membres de l’AES seraient en train d’envisager sans doute leur retrait de l’Uémoa et créer leur monnaie commune.
Mais pour le banquier d’affaire, cela n’est pas gagné d’avance. « C’est en tout cas beaucoup plus compliqué que de sortir d’un marché commun », souligne-t-il. « L’Uemoa permet d’échanger avec le reste du monde en utilisant les ressources de devises de tous les pays membres. Elle permet aussi de financer les déficits budgétaires de ses membres », explique Lionel Zinsou qui pense que cela n’est pas évident dans le cas des pays de l’Alliance des États du Sahel, qui ont deux déficits importants et une situation sécuritaire difficile. « Quant à la création d’une monnaie commune, c’est un processus très complexe. En Afrique de l’Est, la communauté d’Afrique de l’Est (EAC) travaille depuis des années à créer une monnaie commune entre le shilling kenyan, tanzanien, ougandais et le franc burundais et rwandais… Ce sont des démarches très difficiles », conclut-il.
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