Le nouveau code électoral a donc été promulgué. Vive le nouveau code ! Le vin est tiré. Il ne reste qu’à le boire. Jusqu’à la lire. A quoi s’attendre maintenant ? Il faut questionner l’histoire des lois votées au Bénin depuis l’avènement du régime de la Rupture pour le savoir. Des lois peuvent-être bien pensées mais, qui malheureusement pêchent dans leur mise en application.
On aura tout vu sous le régime de la Rupture. Ou presque ! Peut-être, le plus gros choc reste à venir. On savait déjà que le concept de « la ruse et de la rage » est sa marque de fabrique ; déposée pour la postérité. Du moins jusqu’en 2026. C’est sous ce régime que notre pays a connu depuis le renouveau démocratique intervenu en 1990, son premier Parlement monocolore. En huit ans de gouvernance, le président Patrice Talon a montré un autre visage du Bénin. Pas celui qu’on lui connaissait, lui qui avait juré d’être « porté en triomphe » a l’issue de son premier et unique mandat présidentiel. Depuis, il a tourné casaque, certainement après avoir « avisé ». Aujourd’hui, certains analystes estiment qu’il est à mille lieues de celui qui lors de la campagne présidentielle de 2016 avait affirmé vouloir inscrire son pays dans le concert des nations démocratiques. Plusieurs lois qui sont votées sont dénoncées par la Société civile et l’opposition qui les qualifient de « crisogènes et liberticides », par une assemblée nationale acquise à sa cause. Les décisions de juridictions internationales en défaveur du Bénin, n’y ont rien changé.
Le pouvoir en place reste toujours sourd aux appels. Récemment, lors de l’examen d’une dizaine de requêtes formulées contre le nouveau code électoral, les avocats du parti de l’opposition Les Démocrates ont fait observer que le texte comporte « de graves disparités avec la loi adoptée en plénière par l’Assemblée nationale ». Ils ont constaté la disparition des articles 37 et 42 de la loi transmise aux sept sages. Ils ont proposé à la cour de demander à l’Assemblée nationale de produire la transcription des débats pour savoir les amendements apportés à cette nouvelle loi. Devant les membres de la cour, les représentants de l’Assemblée nationale et du président de la République affirment avoir transmis le texte authentique et récusent toute manipulation ou tripatouillage de ce texte. Vrai ou Faux ? On ne saura jamais la vérité dans cet imbroglio. Mais la suspicion restera à jamais gravée dans la mémoire des Béninois par ce qu’on appellera désormais le « code électoral gate ». C’est dans ce contexte que cette loi a été déclarée conforme à la constitution puis promulguée par le chef de l’Etat Patrice Talon et la nouvelle loi a été publiée sur votre site La Nouvelle Tribune.
L’enfer est pavé de bonnes intentions
Certes, la nouvelle loi électorale apporte des avancées et renforce le système partisan béninois. Elle permet notamment de mettre fin à la transhumance politique d’antan, où des élus changent de parti politique en cours de mandat pour des raisons opportunistes. En initiant un tel code électoral, le camp présidentiel veut montrer à d’éventuels contestataires qui ne manqueront pas de surgir en cette fin de règne où le régime sera en rupture de ban, qu’aucune divergence à l’interne ne serait tolérée. Avis à ceux ou celles qui s’aviseraient de remettre en cause les directives de leur parti. Elle encourage également les partis politiques à renforcer leur présence à travers tout le pays et à étendre leur influence. Ainsi, chaque formation politique qu’elle soit du camp présidentiel ou de l’opposition, doit se battre sur le terrain comme le diable dans le bénitier. De plus, on sait désormais que ce sont les députés et les maires actuels qui pourront parrainer les candidats de l’élection présidentielle de 2026.
Il s’agit de ceux qui sont en place dont les mandats courent jusqu’en 2026, le dépôt de candidatures des différents prétendants à ce scrutin étant prévu en octobre 2025. Or, les deux partis de la majorité présidentielle que sont l’Union progressiste le Renouveau (Upr) et le Bloc républicain (Br) disposent largement de députés et maires pour parrainer plusieurs candidats. Quant au seul parti de l’opposition Les Démocrates, il dispose de 28 députés tout juste pour remplir le seuil des 15% nécessaires pour parrainer un seul candidat. Il n’y a donc pas de problème majeur de ce côté-là, sauf par un coup d’enchantement. Après la validation de la cour constitutionnelle, certains analystes ont également exprimé des craintes que cette nouvelle loi électorale comporte de graves lacunes qui pourraient créer un cafouillage en 2026.
Beaucoup de Béninois craignaient en effet que cette loi ne comporte des dispositions qui ne leurs ont pas été expliquées comme ce fut le cas lors de la révision de la constitution du pays où le poste de vice-président de la République est subitement apparu dans la nouvelle loi sans qu’il n’en a jamais été proposée par la commission du Professeur Victor Tokpanou. En outre, le nouveau code électoral fait aujourd’hui des formations politiques, des partis-Etat où les membres du bureau exécutif sont hyper puissants au détriment des autres membres et des militants. Plus grave, le nouveau code électoral, pour ce qu’on en sait, est resté totalement muet sur les dispositions à prendre en cas de blocage dans le processus de partage des sièges. Au cas où aucune formation politique n’obtient ni les 20% dans les 3/5 des circonscriptions électorales, malgré l’existence d’un accord de gouvernance législative requis par le nouveau code électoral, que va-t-il se passer ?
A cette interrogation le député de l’Union progressiste le Renouveau et président de la commission des lois Orden Alladatin retourne la balle dans le camp de la cour constitutionnelle et la Céna qui « aviseront » selon lui. Le risque de dérapage et de cafouillage est donc palpable. Et le pays risque de tomber dans les travers enregistrés lors des dernières élections municipales du 17 mai 2020. On se rappelle bien que lors de l’installation des maires et des conseillers communaux issus de ces élections, le processus électoral a été suspendu. Pour trouver une issue favorable, les députés ont été appelés manu militari pour voter une loi interprétative et complétive pour corriger le tir. Aujourd’hui, les maires béninois sont élus sur la base de deux lois différentes dans un même processus électoral. C’est une première dans l’histoire du pays et de la sous-région. Ironie du sort, c’est cette même loi interprétative et complétive qui a amené la cour constitutionnelle à demander aux députés de la neuvième législature de revoir leur copie. Pourvu que les mêmes erreurs ne produisent pas les mêmes effets.
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