Afrique du Nord: le plus grand importateur de blé au monde lance une méga-commande

Photo Unsplash

En Afrique du Nord, le blé est bien plus qu’une simple céréale : c’est le socle de l’alimentation quotidienne et un pilier culturel. Du pain croustillant des boulangeries marocaines aux pâtes généreuses des tables tunisiennes, en passant par les galettes dorées des foyers algériens, le blé rythme la vie et les repas de millions de personnes. Cette région, berceau de civilisations millénaires, consomme en moyenne 216 kg de blé par habitant et par an, soit près du double de la moyenne mondiale.

L’Égypte, géant démographique de la zone, se distingue particulièrement avec une consommation annuelle de 180 kg par personne, faisant du pays le plus grand importateur mondial de blé. Cette dépendance aux importations, fruit d’une démographie galopante et d’une production locale insuffisante, place l’Afrique du Nord dans une position délicate face aux fluctuations du marché mondial.

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Chaque variation de prix, chaque tension géopolitique affectant le commerce du blé, se répercute directement sur l’assiette et le portefeuille des consommateurs nord-africains, faisant de l’approvisionnement en blé un enjeu non seulement économique, mais aussi social et politique de première importance.

Le pain quotidien de millions d’Égyptiens pourrait bientôt coûter moins cher. Dans un geste audacieux qui ébranle les marchés céréaliers mondiaux, l’Égypte vient de passer une commande colossale de blé, profitant d’une accalmie des prix après des mois de turbulences. Cette décision stratégique marque un tournant dans le paysage agricole international, encore hanté par les séquelles du conflit ukrainien.

La guerre en Ukraine a semé le chaos sur le marché mondial du blé. Ce grenier de l’Europe, avec la Russie, fournissait près d’un tiers des exportations mondiales avant que les canons ne tonnent. Le blocus des ports de la mer Noire a provoqué une flambée des prix, mettant en péril la sécurité alimentaire de nombreux pays, particulièrement en Afrique et au Moyen-Orient. Les nations importatrices se sont retrouvées prises au piège d’une inflation galopante, contraintes de payer au prix fort cette denrée vitale.

Aujourd’hui, le vent tourne. Telle une pharaonne moderne veillant sur ses greniers, l’Égypte saisit l’opportunité d’une baisse des cours pour renflouer ses stocks. Le 15 juillet, le pays a conclu l’achat de 770 000 tonnes de blé, soit l’équivalent du poids de 77 Tour Eiffel. Cette méga-commande, la plus importante depuis 2022, témoigne d’un changement de dynamique sur le marché céréalier.

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La Russie, grand vainqueur de cette transaction, fournira 93% de la commande, tandis que la Bulgarie complètera le reste. Ce choix souligne la complexité géopolitique du commerce du blé, où les alliances fluctuent au gré des prix et des disponibilités. L’Égypte, jonglant entre ses besoins alimentaires et ses relations diplomatiques, trace une voie pragmatique dans ce labyrinthe commercial.

Cette décision intervient dans un contexte de chute vertigineuse des prix. En à peine deux mois, le cours de la tonne de blé s’est effondré de 22%, passant de 700$ fin mai à 542,8$ mi-juillet. Cette dégringolade, comparable à une pyramide qui s’écroulerait grain par grain, s’explique par des prévisions optimistes pour la récolte mondiale.

Les États-Unis, en particulier, s’attendent à une moisson exceptionnelle, la plus abondante depuis huit ans. Cette perspective d’une offre pléthorique agit comme un baume sur les marchés, apaisant les craintes de pénurie qui ont longtemps hanté les esprits.

L’Égypte n’est pas seule à profiter de cette aubaine. Sa voisine, l’Algérie, a également passé commande de 600 000 tonnes de blé le 17 juillet. Ces achats massifs pourraient déclencher un effet domino sur le continent africain, deuxième importateur mondial de blé après l’Asie. La FAO prévoit d’ailleurs une hausse de 2,2% des importations africaines pour la saison 2024/2025, atteignant 55,6 millions de tonnes.

Cette frénésie d’achats soulève des questions cruciales pour l’avenir. Comment les pays africains peuvent-ils réduire leur dépendance aux importations de blé ? Quelles alternatives locales pourraient être développées pour assurer une plus grande souveraineté alimentaire ? La baisse actuelle des prix ne devrait pas occulter la nécessité de repenser les systèmes alimentaires à long terme.

La méga-commande égyptienne de blé illustre la nature cyclique et interconnectée du marché céréalier mondial. Si elle apporte un soulagement immédiat aux consommateurs égyptiens, elle met aussi en lumière la vulnérabilité persistante des pays importateurs face aux fluctuations du marché. Alors que le Nil continue de couler, l’Égypte et ses voisins devront naviguer habilement entre opportunités à court terme et stratégies de résilience à long terme pour assurer leur sécurité alimentaire.

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