Vincent Bolloré, figure emblématique du capitalisme français, a bâti un empire tentaculaire en Afrique depuis les années 1980. Parti d’une modeste entreprise familiale de papeterie, le milliardaire breton a transformé le groupe Bolloré en un géant de la logistique et des médias. Sa stratégie d’expansion agressive sur le continent africain, notamment dans le secteur portuaire, lui a permis de multiplier sa fortune par cent en trois décennies. Cependant, cette success story à la française pourrait bientôt se heurter aux murs d’un tribunal.
Le Parquet national financier (PNF) vient de requérir un procès pour corruption contre Vincent Bolloré, mettant en lumière les zones d’ombre de son ascension fulgurante. L’homme d’affaires est soupçonné d’avoir utilisé les services de conseil politique de sa filiale Euro RSCG (devenue Havas) pour s’assurer le contrôle des ports stratégiques de Lomé au Togo et de Conakry en Guinée. Cette manœuvre aurait permis à Bolloré Africa Logistics, véritable joyau de la couronne du groupe, de consolider son emprise sur le transport maritime africain.
La chute d’un empire aux pieds d’argile
L’empire africain de Bolloré, longtemps considéré comme inébranlable, commence à montrer des signes de fragilité. Bolloré Africa Logistics, qui employait 24 000 personnes et gérait 17 ports sur le continent, générait un chiffre d’affaires annuel de 2 milliards d’euros. Pourtant, en 2022, Vincent Bolloré a pris la décision surprenante de céder cette pépite à l’armateur italo-suisse MSC pour la somme colossale de 5,7 milliards d’euros.
Ce désengagement soudain pourrait être interprété comme une tentative de se mettre à l’abri des turbulences judiciaires. En 2018, alors que l’étau se resserrait déjà autour de ses activités africaines, Bolloré avait publiquement évoqué l’idée d’abandonner le continent dans une tribune du JDD. Cette cession massive pourrait donc être vue comme l’aboutissement d’une stratégie de repli, motivée autant par les pressions judiciaires que par la montée en puissance de la concurrence asiatique sur le continent.
Un bras de fer judiciaire qui s’éternise
La requête du PNF marque un nouveau rebondissement dans une saga judiciaire qui dure depuis plusieurs années. En 2021, Vincent Bolloré avait tenté de court-circuiter la procédure en proposant une reconnaissance préalable de culpabilité, une manœuvre rarissime pour un homme de son envergure. Cependant, la justice a refusé ce compromis, préférant poursuivre l’instruction jusqu’à son terme.
Cette obstination du système judiciaire français à vouloir faire toute la lumière sur les pratiques du groupe Bolloré en Afrique pourrait marquer un tournant dans la manière dont les grandes entreprises françaises conduisent leurs affaires à l’étranger. Elle soulève également des questions sur l’héritage que Vincent Bolloré laissera à ses enfants, lui qui souhaitait recentrer les activités du groupe sur la logistique et les médias.
Alors que l’homme d’affaires pensait peut-être avoir tourné la page de ses aventures africaines, c’est paradoxalement ce continent qui pourrait définir son legs final. Le procès à venir, s’il se confirme, promet d’être non seulement un examen minutieux des pratiques commerciales de Bolloré, mais aussi une réflexion plus large sur l’éthique des affaires dans les relations économiques franco-africaines.
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