Le Sahara occidental, vaste territoire désertique bordant l’Atlantique, demeure l’un des derniers vestiges du colonialisme en Afrique. Depuis le départ des Espagnols en 1975, cette région est l’objet d’un conflit opposant le Maroc, qui la revendique comme partie intégrante de son territoire, et le Front Polisario, mouvement indépendantiste soutenu par l’Algérie. Malgré un cessez-le-feu en 1991 et de multiples tentatives de médiation par l’ONU, la situation reste dans l’impasse. Le Maroc contrôle environ 80% du territoire, tandis que le Polisario administre une bande à l’est, séparée par un mur de sable fortifié. Cette question épineuse empoisonne depuis des décennies les relations entre le Maroc et l’Algérie, pivots géopolitiques du Maghreb.
La France prend parti, au risque d’une crise diplomatique
Dans ce jeu d’échecs diplomatique, la France vient de faire un mouvement audacieux en apportant son soutien au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. Cette décision, longtemps pressentie mais désormais officielle, marque un tournant dans la position française, jusqu’alors caractérisée par une certaine neutralité. Paris emboîte ainsi le pas à Madrid, qui avait déjà franchi ce Rubicon en 2022 en qualifiant le plan marocain de « base la plus sérieuse, réaliste et crédible » pour résoudre ce différend territorial.
L’annonce de ce changement de cap, faite discrètement par voie diplomatique, a provoqué l’ire d’Alger. Le ministère algérien des Affaires étrangères n’a pas mâché ses mots, qualifiant la décision française d’ »inattendue, inopportune et contre-productive ». Ce courroux algérien n’est guère surprenant, tant le soutien à la cause sahraouie est ancré dans la politique étrangère du pays. La réaction d’Alger laisse présager une détérioration des relations franco-algériennes, déjà marquées par des tensions récurrentes liées au passé colonial.
La décision française intervient dans un contexte géopolitique complexe, où les enjeux énergétiques et sécuritaires au Sahel redessinent les alliances régionales. En soutenant le plan d’autonomie marocain, Paris cherche à renforcer son partenariat stratégique avec Rabat, un allié clé dans la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux migratoires. Ce choix reflète également une volonté de l’Hexagone de diversifier ses partenariats au Maghreb, dans un contexte où l’influence de puissances comme la Chine et la Russie ne cesse de croître dans la région. Toutefois, cette manÅ“uvre diplomatique s’avère délicate, car elle risque de fragiliser les relations avec l’Algérie, un partenaire incontournable pour la stabilité régionale et l’approvisionnement énergétique de l’Europe.
Un pari risqué pour l’Élysée
Ce revirement français en faveur de Rabat est le fruit d’un long processus de rapprochement. Depuis le début de l’année, une valse de ministres français s’est rendue au Maroc, cherchant à réchauffer des relations refroidies par l’affaire Pegasus. Ces visites, ponctuées de déclarations de soutien à peine voilées au plan d’autonomie marocain, ont préparé le terrain à l’annonce officielle.
Cependant, ce choix n’est pas sans risque pour Paris. En s’alignant ouvertement sur les positions marocaines, la France s’expose à une possible crise diplomatique avec l’Algérie. La visite d’État du président Abdelmadjid Tebboune, prévue pour septembre, pourrait être remise en question. Les conséquences pourraient aller au-delà du domaine diplomatique, affectant potentiellement les relations économiques et sécuritaires entre les deux pays.
La décision française place le pays dans une position délicate, coincé entre ses intérêts au Maroc et ses liens historiques avec l’Algérie. Elle soulève des questions sur la capacité de Paris à maintenir un équilibre dans ses relations avec les deux poids lourds du Maghreb. L’Élysée semble parier sur les bénéfices à long terme d’un rapprochement avec Rabat, au risque de froisser Alger.
La recomposition géopolitique au Maghreb s’accélère. Les États-Unis ont reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en échange d’une normalisation des relations entre le Maroc et Israël. La France cherche à ne pas être en reste. Cette décision pourrait avoir des répercussions bien au-delà du triangle Paris-Rabat-Alger, affectant l’équilibre régional et la stabilité du Maghreb dans son ensemble.
Alors que le roi Mohammed VI s’apprête à annoncer officiellement le soutien français lors de la fête du Trône, l’avenir des relations franco-maghrébines reste incertain. La France devra faire preuve d’une grande habileté diplomatique pour naviguer entre ses intérêts divergents dans la région, tout en préservant son influence et sa crédibilité. Le pari est risqué, mais il pourrait redéfinir les alliances et les dynamiques de pouvoir dans cette région stratégique aux portes de l’Europe.
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