C’est l’affaire qui a choqué tout le monde ces derniers jours : l’arrestation du cyberactiviste béninois exilé au Togo, Steve Amoussou, plus connu sous le sobriquet de Frère Hounvi, selon les premières déclarations de plusieurs opposants. Kidnapping ou interpellation dans les règles de l’art ? Bien malin qui pourra le certifier. Pour l’instant, aucune réaction du côté de Lomé ni de Cotonou. Et ce long silence laisse libre cours à toutes sortes d’interprétations et de conjectures.
«La révolution n’est pas un dîner de gala », disait le dirigeant chinois Mao Zedong. La politique non plus. Elle est un combat où tous les coups sont permis. Mais c’est aussi parfois le terrain de compromis entre deux titans aux désaccords profonds, pour atteindre un objectif commun. C’est peut-être ce scénario-là qui se joue depuis quelques jours sous nos yeux. Il s’agit de l’affaire de l’arrestation, ou de l’enlèvement selon les avis, du cyberactiviste béninois Steve Amoussou, interpellé nuitamment le lundi 12 août dernier dans une banlieue de Lomé, la capitale togolaise, et conduit manu militari à Cotonou. Présenté au procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), il est poursuivi pour « provocation directe à la rébellion, initiation et publication de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux, et harcèlement par voie électronique ». Il a été incarcéré à la prison de Missérété, et son procès s’ouvrira le 7 octobre prochain.
Cette compromission politique, l’acteur de la société civile togolaise et militant des droits humains, Atcholi Kao, y croit fermement. Celui qui est le président de l’Association des victimes de torture au Togo (Assvito) a déclaré dans l’émission « Enjeux d’Afrique » sur une radio togolaise que le chef d’État togolais, Faure Gnassingbé, et son homologue béninois, Patrice Talon, auraient pactisé dans l’arrestation du cyberactiviste Steve Amoussou, survenue à Lomé dans la nuit du lundi 12 août dernier. « Les services de renseignements ou les autorités béninoises connaissent très bien les conventions internationales et ne peuvent pas se permettre une incursion en terre togolaise pour arrêter une personne, fut-elle béninoise. Ce n’est pas du tout possible. Tout porte à croire que les autorités togolaises étaient bien informées de cette arrestation, sinon on devrait observer, au lendemain, des réactions prouvant le contraire », a-t-il indiqué. Pour appuyer son discours, il a donné l’exemple de l’assassinat de Ben Laden au Pakistan où, après cet événement, « on a vu des réactions et des têtes tomber ». Pour M. Kao, « c’est clair pour le cas de cet activiste qui serait d’ailleurs en exil au Togo. Cela signifie qu’il y a quelque chose de caché derrière cette arrestation, et moi, personnellement, je soupçonne un deal politique qui ne dit pas son nom. Faire croire que les autorités togolaises n’étaient pas au courant, je crois qu’on ne peut le dire que devant des naïfs. Mais pour des personnes avisées, elles doivent comprendre que ça ne peut pas être possible. S’il s’était avéré que les autorités togolaises n’étaient pas au courant, au lendemain de cette arrestation, des têtes auraient dû tomber. Le directeur et les chefs des services de renseignements, ainsi que le ministère chargé de la sécurité publique, auraient dû réagir rapidement. C’est très simple. On ne peut pas dire aujourd’hui que le président burkinabé Ibrahim Traoré vienne au Togo arrêter Damiba sans que les autorités togolaises ne soient informées. Moi, je crois que ce n’est pas du tout possible. Pour moi, cet activiste a été l’objet d’un marchandage politique. Il n’y a rien à faire », a ajouté M. Atcholi Kao.
Urgence de faire toute la lumière sur cette affaire
Cependant, le président de l’Association des victimes de torture au Togo, Atcholi Kao, ne précise pas de quel « deal politique » il s’agit. Il laisse l’opinion publique dans l’incertitude quant à la vérité derrière l’arrestation de Steve Amoussou. Ce pseudo « deal politique » consisterait-il à échanger M. Steve Amoussou contre d’autres personnes ? Qui sont-elles ? Sont-elles informées ? Ont-elles donné leur consentement ? M. Kao n’apporte aucune réponse à ces questions, laissant tout le monde dans l’expectative et les conjectures. En fait, sous d’autres cieux, la réaction des autorités du Bénin et du Togo concernées par l’arrestation de M. Steve Amoussou aurait pu être plus prompte, comme on pourrait s’y attendre. Mais le silence assourdissant de part et d’autre laisse libre cours à de nombreuses interprétations et analyses par de nombreux observateurs. Il est urgent que les autorités concernées se prononcent pour expliquer ce qui s’est réellement passé cette fameuse nuit où M. Steve Amoussou a été remis au Bénin alors qu’il était sorti de sa résidence pour effectuer un achat, selon son avocat. Peut-être que dans les prochains jours, les dirigeants togolais et béninois prendront la parole pour faire la lumière sur ce dossier dit « Steve Amoussou« . Qui sait ? En attendant, Steve Amoussou, qui aurait nié désormais être le « Frère Hounvi », a été placé sous mandat de dépôt avant son procès prévu pour le mois d’octobre prochain.
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