Afrique: ce pays veut dédommager les survivants des dernières guerres

Armée RDC (Crédit: Benoit Almeras, PNUD, Septembre 2013.)

L’Afrique, berceau de l’humanité, a malheureusement été le théâtre de nombreux conflits armés au cours des dernières décennies. Des guerres civiles aux génocides, en passant par les coups d’État et les interventions étrangères, le continent a connu son lot de violence et de souffrance. Ces conflits ont laissé des cicatrices profondes, tant sur le plan humain qu’économique, entravant le développement de nombreux pays africains. Les causes de ces guerres sont multiples et complexes, allant des tensions ethniques aux luttes pour le contrôle des ressources naturelles, en passant par les séquelles du colonialisme et les ingérences de puissances étrangères. Malgré les efforts de paix et de réconciliation, les conséquences de ces conflits continuent de se faire sentir dans de nombreuses régions du continent.

Un fonds national pour panser les plaies du passé

Dans ce contexte, la République démocratique du Congo (RDC) se lance dans une initiative sans précédent. Le pays a créé le Fonds national de réparation des victimes (Fonarev), une structure ambitieuse visant à identifier et dédommager les survivants des atrocités commises sur son territoire depuis 1993. Kevin Ngunga Makiedi, directeur général du Fonarev, estime à environ 10 millions le nombre de Congolais ayant subi des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité au cours des trois dernières décennies.

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Cette démarche, qualifiée de « Genocost » par les autorités congolaises, combine les notions de génocide et de coût économique, soulignant ainsi le double impact des conflits sur la population et les ressources du pays. Le terme évoque une sombre réalité : l’exploitation des richesses naturelles de la RDC a souvent été le moteur de violences extrêmes contre les civils.

Un travail de titan pour rendre justice

Le Fonarev se trouve face à un défi colossal : identifier avec précision les victimes dispersées sur un vaste territoire. M. Makiedi explique que l’organisme s’appuie sur diverses sources, notamment le rapport Mapping de l’ONU qui a documenté 617 incidents entre 1993 et 2003. Depuis, le Fonarev a répertorié 2039 incidents au total, offrant une cartographie plus complète des conflits qui ont secoué le pays.

Ce travail méticuleux ne se limite pas à un simple décompte. Il s’agit de comprendre où, quand et comment les victimes ont vécu ces atrocités, afin de déterminer les préjudices subis. Cette tâche herculéenne, que le Fonarev espère accomplir en trois ans, couvre 99 des 145 territoires de la RDC, montrant l’étendue géographique des violences.

Au-delà des frontières : responsabilités et réconciliation

Si l’initiative du Fonarev vise principalement à apporter réparation aux victimes congolaises, elle soulève également des questions sur la responsabilité des pays voisins dans ces conflits. Les autorités congolaises pointent du doigt l’implication de l’Ouganda et du Rwanda, accusés d’avoir attisé les violences pour s’accaparer les ressources naturelles de la RDC.

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Cependant, le Fonarev reconnaît aussi l’existence de violences intercommunautaires internes, notamment en Ituri, au Kasaï-Central, au Mai-Ndombe et au Kongo-Central. Cette reconnaissance nuancée des responsabilités pourrait ouvrir la voie à un processus de réconciliation plus large, tant au niveau national que régional.

Pour financer ce vaste projet de réparation, la RDC a pris une décision audacieuse : allouer 11% des recettes de son exploitation minière au Fonarev. Cette mesure, effective depuis fin 2023, témoigne de l’engagement du pays à utiliser ses ressources naturelles pour le bien-être de sa population, transformant ainsi une source historique de conflit en un outil de guérison collective.

L’initiative congolaise pourrait servir de modèle pour d’autres nations africaines cherchant à panser les plaies de leur passé. En mettant l’accent non seulement sur les réparations individuelles, mais aussi sur la reconstruction d’infrastructures sociales et la mise en place de mesures symboliques, la RDC adopte une approche holistique de la justice transitionnelle. Cette démarche, si elle réussit, pourrait marquer un tournant dans la manière dont les pays africains abordent leur histoire récente et construisent leur avenir.

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