Le phénomène d’émigration des jeunes Béninois vers d’autres pays est une tendance de plus en plus marquée. En dehors de ceux qui font l’option de l’émigration clandestine, une proportion non moins consistante de jeunes part, souvent en été, pour l’Europe munie de visas étudiant. Cette réalité qui soulève de nombreuses questions sur les causes profondes de ce départ, ses conséquences pour le pays interpelle les gouvernants mais aussi toute la société.
Au moins 8811 jeunes ont tenté de quitter le Bénin en 2024. C’est le point fait par Campus France Bénin pour la campagne 2023-2024 qui s’est achevé en juillet. Pour la procédure classique, la structure a dénombré près de 9 000 dossiers soumis par des jeunes béninois qui souhaitaient partir du Bénin. Il faut ajouter à ces chiffres le nombre de ceux qui partent par accès Canada ou par loterie visa Usa. En dehors de ces statistiques, plusieurs dizaines d’autres jeunes béninois choisissent la voix de l’immigration clandestine. Il y a seulement quelques semaines près de 200 jeunes béninois ont été rapatriés de la Tunisie après une tentative échouée d’immigration clandestine.
Les chiffres illustrent parfaitement l’engouement des jeunes béninois à quitter leur pays pour de nouvelles expériences. L’unanimité n’est pas souvent faite en ce qui concerne les causes du flux croissant de jeunes Béninois vers l’Occident. Si certains évoquent le fait que les dirigeants africains ne mettent pas en place un cadre qui retienne ces jeunes en proie au chômage et à l’incertitude de l’avenir, d’autres déplorent l’importation des compétences au lieu de la promotion des talents locaux.
Dans un entretien qu’il a accordé en 2023 au journal « La Croix », le professeur Dodji Amouzouvi, estime que cette situation résulte d’un malaise dans les rangs de la jeunesse. « Lorsque la désespérance prend le pas sur l’espérance, lorsque la méfiance prend le pas sur la confiance, lorsque le jeune se retrouve totalement à terre, il se dit, entre le pire ici et le mal là-bas, je préfère le mal là-bas ». Il pointe aussi du doigt « un dysfonctionnement regrettable et malheureux de nos institutions dû, non seulement aux mutations de nos sociétés, mais aussi à une sorte de refus de responsabilisation. Il y a donc une sorte de faillite sociale » matérialisée, entre autres, par le fait « qu’il n’y ait plus de modèles de réussite au bout de l’effort, de repères pour les jeunes ».
Le taux de chômage, particulièrement élevé chez les jeunes, les crises politiques, l’insécurité, la répression parfois trop poussée de la liberté d’expression et de pensée sont aussi des causes au départ ou à la volonté de départ massif des jeunes vers l’occident. A contrario, le départ des jeunes diplômés prive le pays de compétences essentielles pour son développement. Il déséquilibre la pyramide des âges et peut peser sur le système des retraites. Les compétences des jeunes Béninois profitent souvent aux pays qui les accueillent. Et bien que les envois de fonds des émigrés constituent une source importante de revenus pour certaines familles, ils ne compensent pas toujours les pertes en termes de capital humain.
La situation devient de plus en plus inquiétante au Bénin, surtout ces dernières années. Alors que de nombreuses institutions internationales disent du Bénin être l’un des pays les mieux gouvernés, avec des perspectives économiques très stables, un taux de chômage des plus faibles dans la sous-région et plus du million d’emplois crée en quelques années, il est difficile de comprendre les raisons de ces départs massifs vers l’occident et d’autres pays. Les autorités sont interpelées tout comme la société toute entière.
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