Après plus d’un an de tensions exacerbées par le coup d’État militaire à Niamey en juillet 2023, le Niger et le Nigeria ont décidé de relancer leur coopération militaire. Cette reprise marque un tournant majeur pour la stabilité régionale, après une période de relations rompues entre les deux pays. Cette décision est d’autant plus significative que les relations diplomatiques entre le Niger et plusieurs de ses voisins, dont le Nigeria et le Bénin, s’étaient nettement détériorées après le renversement de l’ancien président nigérien, Mohamed Bazoum, et les menaces d’intervention militaire émanant de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), présidée par le Nigeria.
Un changement stratégique pour le Niger et le Nigeria
La rencontre entre le chef d’état-major nigérian, le général Christopher Musa, et son homologue nigérien, le général Moussa Salaou Barmou, à Niamey, symbolise une volonté renouvelée de collaboration entre ces deux pays. Depuis le coup d’État de 2023, les relations étaient au point mort, notamment en raison de la position initiale du Nigeria, qui, sous la direction de Bola Tinubu, avait envisagé une intervention militaire pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger. Cette approche avait conduit le Niger à se tourner vers le Mali et le Burkina Faso, également dirigés par des régimes militaires, pour former l’Alliance des États du Sahel (AES), une initiative qui a acté leur sortie de la Cedeao.
Aujourd’hui, ce rapprochement avec le Nigeria montre une adaptation stratégique du Niger, conscient que sa stabilité passe par une coopération régionale renforcée, même avec ses anciens adversaires. La réactivation de la Force multinationale mixte (FMM), une coalition créée en 1994 et composée des armées du Nigeria, du Niger, du Tchad et du Cameroun, est l’une des premières étapes concrètes de cette nouvelle dynamique. La FMM, initialement formée pour lutter contre la criminalité transfrontalière, a élargi son mandat au fil des ans pour inclure la lutte contre les djihadistes, une menace persistante dans la région.
Les défis sécuritaires communs
L’une des principales raisons de ce rapprochement réside dans la nécessité de répondre aux défis sécuritaires qui affectent non seulement le Niger et le Nigeria, mais aussi l’ensemble du Sahel. Les responsables militaires des deux pays ont mis en avant l’importance de la lutte contre la prolifération des armes légères, qui alimente l’insécurité et exacerbe les conflits dans la région. Cette coopération renouvelée vise à endiguer l’accès croissant à ces armes, une problématique qui a permis aux groupes djihadistes de renforcer leur présence et leurs opérations transfrontalières.
L’instabilité dans la région sahélienne, en grande partie due aux activités des groupes armés, exige une réponse concertée. En acceptant de reprendre une participation active dans la FMM, le Niger reconnaît la nécessité d’une approche collective pour faire face à des menaces communes. Cette décision pourrait également permettre d’apaiser les tensions avec Abuja, qui avait montré des signes d’ouverture à une solution diplomatique après une période de fermeté.
Une coopération aux implications régionales
Au-delà de la réconciliation entre le Niger et le Nigeria, ce retour à la coopération militaire pourrait avoir des répercussions plus larges sur la région. La stabilité du Sahel dépend de la capacité des États à coordonner leurs efforts pour contrer les menaces sécuritaires, un objectif que le Niger semble désormais prêt à poursuivre avec ses voisins, y compris ceux avec lesquels il avait récemment eu des frictions.
Cette nouvelle ère de coopération pourrait aussi être vue comme une tentative pour le Niger de rééquilibrer ses alliances, tout en gardant une certaine indépendance vis-à-vis des blocs régionaux comme la Cedeao. En effet, en s’engageant à ne pas déstabiliser ses voisins, le Nigeria envoie un signal fort de sa volonté de privilégier la stabilité régionale, au-delà des querelles politiques internes.
En somme, cette reprise de la coopération militaire entre le Niger et le Nigeria illustre une évolution pragmatique des relations entre les deux pays. Face à des défis sécuritaires communs, la collaboration semble être la seule voie possible pour restaurer une certaine normalité dans une région en proie à des crises multiples. Ce rapprochement pourrait bien marquer le début d’une phase plus stable et plus coopérative au Sahel, à condition que les engagements pris se traduisent par des actions concrètes sur le terrain.
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