Les liens entre les peuples du Maghreb et de la Palestine plongent leurs racines dans une histoire millénaire de brassages culturels et religieux en Méditerranée. Des siècles de présence juive au Maghreb ont tissé des relations complexes, alternant entre périodes de coexistence pacifique et tensions. La cause palestinienne a longtemps suscité un fort soutien populaire dans les pays maghrébins, perçue comme un symbole de résistance à l’occupation et au colonialisme. Ce contexte historique et émotionnel reste aujourd’hui un facteur influent dans les relations diplomatiques entre les États du Maghreb et Israël, particulièrement à l’heure où certains pays de la région normalisent leurs liens avec l’État hébreu.
Le Maroc entre pragmatisme et pressions populaires
Le rapprochement maroco-israélien amorcé en 2020 dans le cadre des accords d’Abraham semblait ouvrir une nouvelle ère de coopération, notamment dans le domaine militaire. L’acquisition par Rabat du système antimissile Barak MX pour 500 millions de dollars illustrait cette dynamique. Cependant, l’escalade du conflit à Gaza a considérablement refroidi ces relations naissantes.
Le royaume chérifien se trouve désormais dans une position délicate, tiraillé entre ses intérêts stratégiques et la pression d’une opinion publique largement solidaire de la cause palestinienne. Un analyste cité par Al Monitor estime qu’« un nombre croissant de Marocains s’opposent aux relations de leur gouvernement avec Israël ». Cette situation pourrait pousser Rabat à adopter une approche plus discrète dans ses échanges avec Tel-Aviv, voire à suspendre temporairement certains projets de coopération.
Diversification des partenariats : l’atout turc
Face à ces turbulences, le Maroc pourrait accélérer sa stratégie de diversification des fournisseurs d’armement. La Turquie apparaît comme une alternative séduisante, notamment pour l’acquisition de drones. Ankara, qui a su développer une industrie de défense performante ces dernières années, offre des équipements compétitifs et politiquement moins sensibles que ceux provenant d’Israël.
Cette réorientation ne signifie pas pour autant un abandon total des liens avec les partenaires traditionnels. Les États-Unis demeurent le premier fournisseur d’armes du Maroc, avec 90% des armes lourdes acquises entre 2016 et 2020. La France, bien que distancée, conserve également une place importante dans l’équation sécuritaire marocaine.
L’Algérie : une posture différente mais des défis similaires
Contrairement à son voisin marocain, l’Algérie maintient une position ferme de non-reconnaissance d’Israël et de soutien à la cause palestinienne. Cette ligne diplomatique, héritée de la guerre d’indépendance et du non-alignement, reste un pilier de la politique étrangère algérienne. Cependant, Alger fait face à des défis sécuritaires comparables à ceux du Maroc, notamment dans la lutte contre le terrorisme et la sécurisation de ses frontières.
L’absence de relations avec Israël pousse l’Algérie à diversifier davantage ses partenariats militaires. Le pays s’est notamment rapproché de la Russie, devenue son principal fournisseur d’armement. Cette orientation présente toutefois des risques, notamment en termes de sanctions internationales et de dépendance technologique.
Perspectives d’avenir incertaines
L’évolution des relations entre les pays du Maghreb et Israël dépendra largement de la situation au Proche-Orient. Une désescalade durable du conflit israélo-palestinien pourrait permettre une reprise progressive de la coopération, notamment dans le cas du Maroc. Al Monitor suggère qu’« à la fin de 2024, le Maroc pourrait reprendre ses importations d’armes israéliennes », tout en soulignant que les projets industriels conjoints pourraient nécessiter plus de temps pour se concrétiser.
L’Algérie, quant à elle, persiste dans sa position de non-reconnaissance d’Israël. Cette posture, profondément ancrée dans l’identité nationale algérienne, ne devrait pas connaître de changement significatif dans un avenir prévisible. Toutefois, l’évolution du paysage géopolitique régional pourrait exercer une pression croissante sur Alger à long terme.
La normalisation des relations entre Israël et d’autres pays arabes pourrait connaître une nouvelle dynamique à l’issue du conflit actuel, sous réserve de la création d’un État palestinien viable. Dans ce scénario, l’Algérie pourrait se trouver face à un dilemme diplomatique, devant concilier ses principes historiques avec les nouvelles réalités régionales.
Dans ce contexte, Alger cherchera vraisemblablement à renforcer ses alliances alternatives, notamment avec la Russie et la Chine, pour préserver son influence régionale. Parallèlement, le pays devrait intensifier son soutien diplomatique et humanitaire à la cause palestinienne, se positionnant comme un défenseur incontournable des droits des Palestiniens sur la scène internationale, indépendamment des évolutions géopolitiques.
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