Depuis plusieurs années, la Turquie attire un nombre croissant d’étudiants africains souhaitant poursuivre leurs études universitaires. Selon les données officielles de 2023, relayées par l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), plus de 60 000 étudiants africains sont inscrits dans des établissements turcs.
Cette dynamique est encouragée par le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, qui a instauré divers programmes de bourses pour séduire les étudiants africains. En positionnant la Turquie comme une alternative aux pays européens marqués par leur passé colonial, Ankara utilise l’éducation comme un outil de soft power. Cependant, cette stratégie est mise à mal par les dénonciations croissantes de la communauté africaine en Turquie, qui rapporte des expériences de racisme quotidien. Ces témoignages remettent en question le discours officiel du président turc.
« Ce n’est pas ce à quoi je m’attendais. Je savais que ce ne serait pas facile, mais pas au point de perdre toute énergie. Chaque coin de rue, chaque mot ou sourire hypocrite, même sur les réseaux sociaux, transpire la xénophobie. Et en classe, les humiliations sont subtiles mais constantes. Quant au dortoir, censé être un refuge, c’est devenu un véritable enfer », témoigne une étudiante africaine.
Le cas de cette étudiante n’est malheureusement pas isolé. En mars 2023, Jeannah Danys Dina Bongho Ibouanga, une étudiante gabonaise en génie mécanique, a été retrouvée sans vie dans la rivière Filyos, près de l’université de Karabük, dans le nord de la Turquie. C’est un conducteur de train qui a fait cette macabre découverte.
Cette affaire a rapidement suscité une vague d’émotion sur les réseaux sociaux, d’autant plus que Dina avait exprimé, quelques jours avant sa mort, son profond mal-être en Turquie. Harcelée quotidiennement en raison de sa couleur de peau et recevant des menaces de mort, elle envisageait d’abandonner ses études à Karabük pour se réorienter ailleurs ou retourner dans son Gabon natal.
Le racisme systémique au sein de la société turque
Depuis la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, les discriminations envers les Noirs semblent avoir laissé des traces durables dans la société turque. Les eunuques noirs, autrefois présents dans les palais impériaux, notamment au sein du harem du palais de Topkapi à Istanbul, illustrent certaines des discriminations basées sur la couleur de peau et l’origine ethnique.
Bien que le contexte ait évolué, les répercussions de ce passé restent perceptibles aujourd’hui. Pour certains, la peau noire est perçue comme une curiosité ou une étrangeté, au point que des insultes voilées, telles que le surnom « Çikolata » (signifiant « chocolat »), sont employées dans les rues et les conversations malveillantes. Un étudiant ivoirien à Istanbul, cité dans une étude publiée par la revue Open Edition, témoigne : « J’ai rencontré des gens qui n’avaient jamais vu de Noirs auparavant. Ils étaient choqués de me voir ».
La couleur de peau rime avec…
« Oh le plus drôle c’est dans les magasins. Tu rentres il y a déjà un employé qui te suit derrière pourtant il y plein d’autres gens. Et on te respecte et te parle gentiment quand tu fais des achats élevés. Avec leur face bien étonné comme si vous ne pouvez pas », avance un autre étudiant africain.
Outre ces intentions, plusieurs jeunes femmes ont témoigné avoir été victimes d’agressions sexuelles, de « viols » et d’autres à cause de leur précarité financière tombe dans la prostitution. A la recherche du mieux, de nombreux africains se retrouvent dans situations complexes en Turquie, l’Eldorado devenu une géhenne. Le pays a du chemin à faire avant de devenir l’Eldorado qu’il vise. Quant au président, il continue son discours, au grand dam des populations locales, peu enclines à socialiser avec les ressortissants noirs venus étudier dans leur pays.
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