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La dot dans le mariage au Bénin : Un carrefour entre tradition, symbolisme, spiritualité et modernité

Dans la société béninoise, le mariage traditionnel demeure un pilier culturel où chaque geste, chaque échange, chaque signe, revêt une signification profonde. La dot, en particulier, bien plus qu’un simple acte transactionnel, incarne un riche symbolisme mais aussi une tradition historique, des valeurs sociales et une dimension spirituelle.

Au Bénin, la dot est une institution séculaire qui remonte aux sociétés précoloniales. Elle symbolisait initialement l’alliance entre deux familles, au-delà d’un simple engagement entre deux individus. Les groupes ethniques, tels que les Fon, les Yoruba ou les Batonou, dendi et autres, avaient des pratiques distinctes, mais toutes partagent une idée commune selon laquelle la dot est une marque de respect envers la famille de l’épouse.

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Un symbolisme indéniable

Historiquement, les biens composant la dot variaient selon les communautés et l’époque. Chez les Fon, par exemple, elle pouvait inclure des tissus précieux, des noix de kola, ou encore du sel, un produit alors rare et précieux, des liqueurs de valeur et surtout le « dubonet », communément appelé « Assédékon ». Ailleurs, ce sont des tissus, des noix de kola, des boissons traditionnelles et des animaux. Ces éléments représentaient non seulement la valeur accordée à la femme, mais aussi l’engagement de l’homme envers le foyer qu’il s’apprête à construire.

Les éléments qui composent la dot sont recouverts de symbolisme. Les noix de kola représentent l’union et la paix. Elles sont partagées au cours de la cérémonie pour sceller l’accord et invoquer la bénédiction des ancêtres. Le vin de palme (ou tout autre boissons traditionnelles) est utilisé dans des libations pour communiquer avec les esprits et sceller l’alliance spirituelle entre les familles. Les tissus ou vêtements traditionnels symbolisent la protection spirituelle et la continuité culturelle. Les animaux représentent les messagers entre les vivants et les morts. Ils suivent la cérémonie pour aller rendre compte aux morts de son déroulement. Le dubonet (assédékon) en milieu fon est le symbole d’un scellé entre les deux conjoints et leur famille sur le plan amoureux.

Un lien social fort

Sur le plan social, la dot scelle l’union non seulement des conjoints, mais aussi de leurs familles respectives. Cet échange est perçu comme un pont, une reconnaissance mutuelle qui établit une collaboration durable. Dans la tradition béninoise, la famille est un pilier central de la vie communautaire, et la dot agit comme un ciment de cette cohésion. C’est pourquoi, loin d’être un simple acte de marchandage, la dot reste avant tout symbolique. Elle ne « paie » pas la femme, mais souligne sa valeur et son rôle crucial dans la continuité des lignées et l’équilibre familial. Il n’est pas rare d’entendre les gens dire « on ne se marie pas à un homme ou une femme, on se marie à une famille ». Du coup, lorsqu’il arrive que plus tard des différends naissent entre les conjoints, ce sont les familles qui se retrouvent pour les gérer et ramener la paix.

L’influence religieuse et spirituelle

Dans de nombreuses communautés béninoises, la dot n’est pas simplement vue comme une transaction entre familles, mais comme une cérémonie qui invoque la bénédiction des ancêtres. Les Béninois croient que les ancêtres jouent un rôle actif dans les affaires des vivants, en particulier dans des événements aussi importants qu’un mariage.

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Les cadeaux offerts dans la dot (comme le vin, les noix de kola ou le sel), sont souvent déposés sur des autels ou présentés à des membres de la famille considérés comme des représentants des ancêtres. Cette étape marque un dialogue symbolique avec les esprits des défunts, pour demander leur approbation et leur protection pour le couple. Dans le culte vodoun, qui est au cœur des croyances spirituelles au Bénin, le mariage est vu comme une union non seulement entre deux individus, mais aussi entre leurs lignées spirituelles. La dot, en tant qu’élément central de la cérémonie, est bénie pour garantir l’harmonie entre les esprits protecteurs des deux familles.

Les prêtres vodoun ou les prêtresses jouent souvent un rôle clé dans la préparation et la validation des éléments de la dot. Ils peuvent conseiller sur les objets ou les montants spécifiques nécessaires pour plaire aux divinités ou éviter de perturber l’équilibre spirituel. Au-delà de l’aspect matériel, la dot est donc une manière de relier l’humain au divin. Elle rappelle que le mariage est un engagement spirituel, pas seulement une union humaine. Le couple s’engage à respecter non seulement les valeurs humaines de respect et de fidélité, mais aussi les exigences spirituelles qui leur sont imposées par les ancêtres et les divinités.

Les défis de la modernité

Malgré son enracinement, la dot est de plus en plus remise en question dans un contexte de modernisation et de mondialisation. Certains jeunes couples perçoivent cette pratique comme dépassée, voire discriminatoire. D’autres critiquent les excès, où la dot est gonflée de manière excessive, créant des tensions au sein des familles ou dissuadent les unions. Des gens n’ont pas pu se marier, tout simplement parce que leurs familles n’ont pas réussi à s’entendre sur le contenu de la dot. Si la pratique est toujours très encrée, son application pose de plus en plus de problème, surtout avec la famille moderne, totalement déracinée, qui en font un fonds de commerce et d’enrichissement.

La dot reste un élément incontournable des mariages de tout genre. Même dans les églises aujourd’hui, prêtres et pasteurs exigent la dot avant la célébration de toute union. Elle incarne une richesse culturelle inestimable et un profond respect des valeurs ancestrales. Même s’il faut l’adapter aux réalités modernes, il est crucial de préserver son essence.

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