Le procès de l’ex-directeur général de la police nationale (Dgpn), Louis Philippe Houndégnon, et de son coaccusé Camille Coffi Amoussou, s’est ouvert ce lundi 16 décembre 2024, à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). A l’audience, les avocats des prévenus ont soulevé des exceptions de nullité, dénonçant des irrégularités dans la procédure judiciaire. Suite au renvoi de l’audience au lundi 27 janvier 2025, Me Habiba Touré, avocat au barreau de Seine-saint-denis justifie l’exception de nullité soulevée par la défense. Ces confidences ont été faites de Bip Radio. Lire l’intégralité de ses propos.
Première audience, ça devait être la seule audience en réalité, d’accord ? Durant laquelle il a été soulevé un certain nombre de moyens de nudité concernant les conditions d’interpellation du général puisqu’il faut relever quand même que des policiers en civil qui ne se sont pas annoncés ont quand même escaladé sa clôture pour procéder à son interpellation et que finalement on s’est rendu compte que les dés étaient déjà jetés, que la messe était dite lorsqu’on voit les éléments concernant le mandat de dépôt sur lequel il figurait une date manifestement antidatée. Donc tous ces moyens de nudité ont été évoqués par mon confrère keke à raison du reste, nous nous attendions à ce que la clôture se prononce mais elle a renvoyé son délibéré au 27 janvier concernant seulement les moyens de nudité et donc pas le fond du dossier. Ce qui est gênant c’est qu’il y ait même une séance, en fait, qu’il y ait même une audience précisément en ce qui concerne le général. La place du général n’est absolument pas dans cette salle d’audience. Donc le fait même qu’il puisse y avoir une audience le concernant est en soi scandaleux lorsqu’on voit la vacuité du dossier.
Pourquoi vous parlez de vacuité du dossier ?
Mais écoutez, il suffit de voir ce pourquoi il est poursuivi et puis ce qu’il y a concrètement dans le dossier. On parle quand même de l’ancien directeur général de la police qui est aujourd’hui poursuivi pour des faits de harcèlement sur, dit-on, les autorités politiques et administratives de l’État. Si maintenant le fait d’émettre des critiques constitue un harcèlement il y a un vrai problème. Parce que je dirais qu’à la Criet on devrait y émettre peut-être la moitié voire toute la population béninoise qui pourrait émettre une quelconque critique qu’elle pourrait formuler vis-à-vis d’une quelconque autorité dans le pays. Formuler une critique, ce n’est pas un harcèlement. Donc en soi c’est un peu gênant qu’il soit là. Et puis l’autre, il est également poursuivi pour des faits d’incitation à la rébellion. Quand on voit ce qu’il a pu dire, encore une fois, la critique n’est pas une incitation à la rébellion. Encore une fois, le fait même qu’il soit détenu est scandaleux. Le fait qu’on puisse le poursuivre parce qu’il critique, parce qu’il ne fait que l’usage de sa liberté d’expression est en soi scandaleux. Et ça montre quand même qu’il y a un véritable problème. Ça montre qu’il y a un véritable problème. Parce qu’aujourd’hui, si le fait de critiquer, même si c’est de façon considérée comme dure par le pouvoir, ça ne justifie pas le renvoi devant une juridiction ou la détention d’un opposant ou de quelqu’un qui formule des critiques.
Il a dit qu’il a été approché pour un coup d’état. Est-ce que ce ne sont pas des propos graves ?
Oui. Mais ce qui est grave, ce n’est pas le fait qu’il le dise. C’est le fait qu’il ait été approché. Et lui, il le dénonce. Il le dit. Et par cela, il attire l’attention des citoyens, mais également du pouvoir, sur la nécessité qu’il faut absolument… Il y a des choses qu’il ne peut pas faire. Quand on veut la stabilité d’un pays, il faut éviter de donner l’occasion à des personnes qui considèrent qu’on est plus dans un état de droit de se faire justice elles-mêmes. Lui, il a dénoncé. Oui, il le dit. Mais ce n’est pas ce qu’il a dit qui est grave. C’est le fait qu’il ait été approché et lui-même l’a condamné. C’est comme un lanceur d’alerte. Vous avez quelqu’un qui dénonce, qui vous dit qu’il y a une situation assez grave au Bénin, et puis c’est lui que vous emprisonnez. Il y a un problème.
Que répondez-vous à ceux qui disent que c’est lui-même qui a voulu se faire emprisonner ?
Quand vous utilisez votre liberté d’expression et que vous êtes intimidé ou menacé, en disant que si tu continues, je vais te jeter en prison, vous avez deux attitudes. Soit vous subissez la situation, vous acceptez finalement qu’on vous prive de votre liberté d’expression, soit vous le dénoncez. Et c’est ce qu’il a fait. Lorsqu’il dit que si le fait que je m’exprime, que je dénonce, que je critique, doit m’amener en prison, mais amenez-moi en prison. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’est pas suicidaire. La prison, ce n’est pas un hôtel, surtout dans nos États africains. Il n’a pas envie de rester en prison. Mais à un moment donné, il se positionne comme quelqu’un dont il est important de critiquer ce qui se passe, pour le bien du pays. On ne critique pas quelque chose qui est indifférent et dont on n’a que faire. Si on critique, c’est parce qu’il aime son pays. C’est parce qu’il a mal pour son pays. Et parce qu’il estime que ce qui se passe n’est pas normal. Et on doit pouvoir critiquer sans encourir la prison. Et je pense que c’est ce qu’a essayé de faire le général. Malheureusement, ça lui coûte ce que ça lui en coûte, Parce que regardez, on est en fin d’année, la plupart d’entre nous allons passer les fêtes de fin d’année en famille. Et lui, parce qu’il a adopté une position courageuse, va se retrouver loin des siens. Et on parle du général Houndégnon, mais il y a aussi son co-détenu qui lui, clairement, c’est un dommage collatéral, c’est une balle perdue. Il s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Et lui aussi va se retrouver en prison. Donc vous voyez, la situation est assez grave.
Et dans quel état d’esprit vous avez trouvé le général Houndégnon ?
Fort, combattif, déterminé. Mais il ne peut être que fort et déterminé et surtout assez serein, puisqu’il sait qu’il n’a rien fait. Il n’a rien fait de répréhensible. Et la critique n’est pas un crime ni un délit. Donc de son côté, il est assez serein. Il regrette juste, et ça on peut l’entendre, que le père de famille qu’il est se retrouve loin des siens dans cette période de fête. Mais bon, il demeure fort.
Et qu’est-ce que vous espérez pour la suite ?
Bien évidemment qu’il soit remis en liberté, mais qu’il soit blanchi dans cette affaire, qu’il soit relaxé. En tout cas, toute la défense va s’évertuer de travailler à sa remise en liberté et à sa relaxe. C’est important. C’est important parce qu’il n’a véritablement rien à se reprocher.
Qu’est-ce qui est reproché à son co-accusé ?
La même chose que lui, en termes de complicité. Juste qu’il était chez lui, donc vous imaginez, si vous deviez l’interviewé à ce moment-là et que vous étiez à son domicile, vous vous retrouveriez comme lui sur le banc des accusés comme lui. Enfin, ça devient aberrant.
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