La condition féminine au Maghreb reflète une tension persistante entre traditions patriarcales et aspirations à l’égalité. Les femmes maghrébines font face à des disparités juridiques importantes, notamment en matière d’héritage, de mariage et de divorce. Malgré des avancées législatives ces dernières décennies, elles continuent de lutter contre des pratiques discriminatoires ancrées dans les interprétations conservatrices du droit musulman. La polygamie, le mariage précoce et l’inégalité successorale demeurent des réalités quotidiennes pour de nombreuses femmes, tandis que leur autonomie économique et sociale reste souvent limitée par des normes culturelles restrictives.
Une réforme attendue face aux revendications féministes
Le ministre marocain de la Justice vient d’annoncer une refonte significative de la Moudawana, le Code de la famille. Cette nouvelle version renforce la protection des droits des femmes tout en maintenant certains compromis avec le droit musulman traditionnel. L’interdiction du mariage des mineurs constitue l’une des pierres angulaires de cette réforme, fixant désormais l’âge minimum à 18 ans, avec une clause dérogatoire possible à partir de 17 ans sous conditions strictes. Cette mesure marque une rupture nette avec la pratique antérieure qui autorisait les unions dès 16 ans.
La polygamie encadrée, la tutelle parentale rééquilibrée
La réforme introduit des restrictions substantielles à la pratique de la polygamie sans pour autant l’abolir. Les épouses pourront désormais inclure une clause interdisant explicitement à leur mari de prendre une seconde épouse. Les situations autorisant un second mariage seront strictement limitées et soumises à l’appréciation d’un juge, notamment en cas d’infertilité ou de maladie grave de la première épouse.
Les droits des mères divorcées renforcés
La nouvelle législation bouleverse la hiérarchie traditionnelle en matière de droits parentaux. Les mères divorcées conserveront désormais la garde de leurs enfants même après un remariage, abolissant une disposition qui les contraignait souvent à choisir entre refaire leur vie et maintenir leurs liens avec leurs enfants. La tutelle juridique, auparavant monopole paternel, devient partagée entre les deux parents. Cette évolution témoigne d’une reconnaissance accrue du rôle maternel dans l’éducation et la protection des enfants.
Les associations féministes marocaines, bien qu’elles saluent ces avancées, maintiennent leur vigilance quant à l’application concrète de ces nouvelles dispositions. Leur expérience de la réforme de 2004 les incite à examiner minutieusement les mécanismes juridiques qui encadreront ces changements. L’enjeu réside désormais dans la transformation de ces principes en réalités tangibles pour les femmes marocaines, au-delà des déclarations d’intention.
Cette modernisation du droit familial marocain témoigne d’une évolution sociétale profonde, où les revendications d’égalité se heurtent aux résistances conservatrices. Le texte devra encore franchir l’étape de l’approbation parlementaire avant de devenir effectif, laissant entrevoir de nouveaux débats sur l’équilibre entre tradition religieuse et droits des femmes au Maghreb.
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