Essais nucléaires : ça chauffe entre la France et l’Algérie

Macron et Tebboune (Photo AP)

La tension monte entre Paris et Alger autour d’une page sombre de leur histoire commune. L’Algérie vient d’adopter une nouvelle loi exigeant de la France qu’elle décontamine les sites de ses essais nucléaires dans le Sahara. Cette décision ravive un contentieux vieux de plus de soixante ans, à l’heure où les relations diplomatiques entre les deux pays traversent déjà une zone de turbulences suite à la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

Un héritage radioactif au cœur du désert

Le 13 février 1960, la France réalisait son premier essai nucléaire baptisé « Gerboise bleue » près de Reggane, à 1800 kilomètres au sud d’Alger. Cette explosion, trois fois plus puissante que la bombe d’Hiroshima, marquait l’entrée de la France dans le club fermé des puissances nucléaires. Le choix du site algérien, acté en 1957, répondait à des impératifs géopolitiques majeurs : après l’humiliation de la crise de Suez, Paris cherchait à affirmer sa puissance militaire face aux États-Unis et à l’URSS. Entre 1960 et 1966, la France a procédé à quatre essais atmosphériques et treize essais souterrains, laissant derrière elle un héritage toxique qui empoisonne encore les populations locales.

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Une décontamination source de discorde

Le président algérien Tebboune a récemment déclaré : « Je ne demande ni euros, ni dollars, mais la dignité de nos ancêtres ». Cette position tranche avec la politique d’indemnisation proposée par la France. Le Comité d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires (Civen), créé en 2010, rejette la majorité des dossiers déposés, principalement issus d’anciens personnels militaires français. Selon Patrice Bouveret, cofondateur de l’Observatoire indépendant des armements, des milliers d’Algériens souffrent encore des conséquences de ces essais, tandis que les deux pays se renvoient la responsabilité de la décontamination.

Une responsabilité partagée mais contestée

La situation se complique par un paradoxe historique : une partie des essais s’est déroulée après l’indépendance de l’Algérie, encadrée par les accords d’Évian. Ces accords autorisaient la France à poursuivre ses tests pendant cinq ans, le temps de développer un nouveau site en Polynésie française. L’armée française affirme avoir nettoyé et scellé les galeries d’essais en 1967, mais ces mesures apparaissent insuffisantes comparées aux efforts britanniques en Australie, où Londres a procédé à plusieurs phases de décontamination entre 1967 et 2000. Le blocage actuel résulte autant de considérations diplomatiques que techniques : la France ne peut intervenir sans l’accord d’Alger, pendant que l’Algérie utilise ce dossier mémoriel pour maintenir la pression sur son ancien colonisateur.

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