La présence militaire française au Sahel a connu une fin brutale ces dernières années, avec l’armée hexagonale expulsée successivement du Mali, du Burkina Faso et du Niger entre 2021 et 2023. Ces retraits forcés, orchestrés par des juntes militaires hostiles à Paris, ont sonné le glas de l’opération Barkhane après presque dix ans de lutte antiterroriste dans la région. Ce repli contraint a considérablement érodé l’influence stratégique française, tandis que Moscou gagnait du terrain auprès de ces nouveaux régimes sahéliens.
Le 20 février, la base de Port-Bouët, ancien 43e BIMA, a été officiellement transférée à l’État ivoirien lors d’une cérémonie marquée par la levée des couleurs nationales sur cette installation militaire de 230 hectares dans la périphérie sud de la capitale économique. Ce site stratégique constituait auparavant un point d’appui majeur pour les opérations militaires françaises dans la sous-région ouest-africaine. Cette transition marque une nouvelle phase dans les relations bilatérales de défense entre les deux pays, établies dès 1961 après l’indépendance et qui avaient culminé pendant les troubles de 2004, période où quelque 5 000 soldats français étaient stationnés sur ce complexe militaire.
Une exception dans la redéfinition militaire franco-africaine
À la différence des départs forcés observés ailleurs, cette rétrocession résulte d’un accord entre Paris et Abidjan. L’ancien camp français porte désormais le nom d’Ouattara Thomas d’Aquin, premier chef militaire ivoirien après l’indépendance, ancien combattant aux côtés des forces alliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Environ cent militaires français demeureront sur place, principalement pour des activités de conseil et d’instruction des forces locales, ce qui soulève des questions sur la réalité de cette transition et la persistance d’une forme d’influence militaire française.
L’exemple ivoirien représente un cas particulier dans l’évolution actuelle des relations franco-africaines. Alors que d’autres nations africaines ont exigé un retrait total des forces françaises, la Côte d’Ivoire maintient cette présence militaire étrangère. Ce partenariat s’inscrit dans un contexte de reconfiguration de la stratégie militaire française sur le continent, avec des changements dans les mécanismes de financement pour l’équipement des forces ivoiriennes. Les autorités militaires des deux pays mettent l’accent sur les capacités aérospatiales face aux menaces sécuritaires, notamment terroristes, qui pèsent sur les frontières nord des pays côtiers.
La France, ayant perdu une grande partie de son implantation militaire africaine, ne conserve désormais qu’une présence en Afrique orientale et une représentation limitée en Afrique centrale. La relation avec la Côte d’Ivoire prend donc une importance particulière dans sa stratégie régionale. Les programmes de formation militaire et l’organisation récente d’un salon technologique de défense témoignent d’une volonté de maintenir des liens militaires, alors même que la tendance continentale pousse vers une autonomisation des systèmes de défense africains et une diversification des partenariats stratégiques. Cette situation illustre les défis auxquels fait face la politique africaine de la France, entre continuité de son influence traditionnelle et adaptation aux nouvelles réalités géopolitiques du continent.
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