USA – Israël: pourquoi l’Arabie Saoudite se radicalise

Depuis près d’une décennie, l’Arabie Saoudite avait amorcé un virage diplomatique notable envers Israël, multipliant les signes d’ouverture discrets mais significatifs. Cette évolution incarnait la vision modernisatrice du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui cherchait à s’émanciper du poids historique de la cause palestinienne. Le royaume avait même interdit les manifestations pro-palestiniennes pendant quinze mois, tandis que MBS confiait à Anthony Blinken son désintérêt personnel pour la question palestinienne. Pourtant, la guerre à Gaza vient de bouleverser cette dynamique de rapprochement, contraignant Riyad à durcir subitement sa position.

Le précédent des Accords d’Abraham

La normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes, scellée par les Accords d’Abraham en 2020, avait créé un environnement propice au rapprochement saoudo-israélien. La signature de ces accords par les Émirats arabes unis et Bahreïn, suivie du Maroc et du Soudan, a redessiné la carte diplomatique du Moyen-Orient. Pour l’Arabie Saoudite, dont l’influence régionale repose notamment sur son rôle de gardienne des lieux saints de l’Islam, cette nouvelle donne imposait une position d’équilibriste. Le royaume observait avec attention ces bouleversements diplomatiques, sondant les réactions du monde musulman tout en maintenant des contacts discrets avec Tel-Aviv. Cette approche prudente permettait à Riyad d’envisager une normalisation progressive sans risquer une déstabilisation interne.

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Le poids de l’opinion publique saoudienne

La radicalisation actuelle de Riyad trouve son origine dans la nécessité pour MBS de ménager sa population, particulièrement sensible au sort des Palestiniens. Les jeunes Saoudiens, qui constituent plus d’un tiers de la population selon les statistiques officielles de 2020, exercent une pression considérable sur leur dirigeant. Les récentes déclarations américaines et israéliennes évoquant une possible « relocalisation » des Palestiniens hors de Gaza ou sa transformation en « riviera » ont provoqué une onde de choc dans le royaume. Face à ces propositions jugées inacceptables, le gouvernement saoudien a réaffirmé sa ligne rouge : pas de normalisation sans création d’un État palestinien.

Un pragmatisme politique intact

Le revirement saoudien répond également à des considérations géopolitiques pragmatiques. Dans un contexte où l’Iran, rival historique du royaume, traverse une période de fragilité, MBS peut se permettre de prendre ses distances avec Washington et Tel-Aviv sans craindre un affaiblissement stratégique majeur. Même les provocations de Donald Trump envers le royaume n’avaient pas suscité de réaction aussi ferme. Toutefois, cette posture plus intransigeante ne signifie pas une rupture définitive. Le pragmatisme caractéristique de la diplomatie saoudienne laisse la porte ouverte à une reprise future du dialogue, une fois les tensions apaisées autour de Gaza.

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