En mars 2024, la scène politique sénégalaise a été marquée par un tournant inattendu : empêché de se présenter à l’élection présidentielle, Ousmane Sonko a propulsé son allié Bassirou Diomaye Faye en première ligne. Ce choix stratégique a permis à leurs partisans de conserver une dynamique politique forte et d’aboutir à la victoire électorale de Diomaye Faye. Une configuration qui pourrait aujourd’hui inspirer d’autres acteurs africains confrontés à des obstacles similaires, à l’image de Tidjane Thiam en Côte d’Ivoire.
Ousmane Sonko, empêché mais déterminant
Condamné dans plusieurs affaires judiciaires, Ousmane Sonko avait vu sa candidature invalidée par les autorités sénégalaises. Face à cet empêchement, plutôt que de se retirer de la scène politique, il avait désigné Bassirou Diomaye Faye comme son dauphin. Le choix n’était pas anodin : il s’agissait de maintenir la mobilisation populaire autour de son projet politique tout en contournant les interdits judiciaires qui le visaient personnellement.
La campagne, portée par un programme largement associé à Sonko, a réussi à fédérer les soutiens autour de Diomaye Faye, qui a remporté l’élection présidentielle. Ce scénario a démontré qu’une stratégie d’anticipation et de transfert de popularité pouvait se révéler efficace dans un contexte de contestation institutionnelle.
Tidjane Thiam face à un scénario comparable
En Côte d’Ivoire, Tidjane Thiam se retrouve dans une situation qui rappelle, sur certains aspects, celle de Sonko. L’ancien patron du Crédit Suisse et ex-ministre sous Henri Konan Bédié avait décidé de revenir en politique avec l’objectif de porter les couleurs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) lors de la présidentielle de 2025. Son retour, considéré comme un symbole du renouveau au sein d’un parti en perte d’influence, s’est heurté à une décision judiciaire invalidant sa candidature.
La justice ivoirienne a estimé que Tidjane Thiam, ayant acquis la nationalité française en 1987, avait perdu de fait sa nationalité ivoirienne, malgré la production de documents attestant d’une double nationalité. Le verdict, sans possibilité de recours, a ravivé les tensions politiques, de nombreux observateurs évoquant une manœuvre pour réduire les options de l’opposition. En parallèle, le camp présidentiel se borne à invoquer la stricte application de la loi, sans commenter davantage la situation.
Le PDCI se retrouve ainsi privé de son candidat principal, à quelques mois d’une échéance électorale déterminante. Ce contexte n’est pas inédit : d’autres figures de l’opposition, telles que Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé ou Guillaume Soro, sont également absentes du fichier électoral pour des motifs judiciaires.
Une opportunité stratégique pour le PDCI ?
Face à cette exclusion, le PDCI pourrait s’inspirer de la stratégie adoptée par Ousmane Sonko au Sénégal. En identifiant et en soutenant rapidement un candidat alternatif, Tidjane Thiam et ses alliés auraient la possibilité de maintenir la dynamique enclenchée par son retour en politique. Ce choix permettrait de capitaliser sur l’élan populaire suscité par sa figure, tout en contournant l’obstacle juridique.
L’enjeu serait de désigner un successeur politique capable de rassembler l’électorat autour du projet porté par Thiam, sans donner l’impression d’une improvisation. La rapidité et la cohérence dans la désignation d’un nouveau candidat seraient déterminantes pour espérer peser face à un pouvoir en place qui apparaît, pour l’heure, mieux préparé.
La question de la double nationalité et de l’accès aux droits politiques en Côte d’Ivoire devrait également occuper une place importante dans les débats à venir. L’invalidation de candidatures sur des critères juridiques stricts risque d’alimenter les tensions politiques et de polariser davantage une campagne qui s’annonce déjà tendue.
Entre précédent sénégalais et défis ivoiriens
Le cas Ousmane Sonko montre qu’un empêchement n’est pas forcément synonyme d’effacement politique. Tidjane Thiam, en misant sur une succession organisée, pourrait prolonger son influence au sein de la campagne présidentielle ivoirienne et renforcer les chances du PDCI.
Reste à savoir si le parti saura rapidement structurer une alternative crédible et si l’électorat sera prêt à transférer sa confiance d’une personnalité charismatique vers un nouvel interlocuteur. À l’image du Sénégal, l’échéance de 2025 pourrait ainsi se jouer autant sur la capacité à incarner un projet collectif que sur la faculté à déjouer les contraintes institutionnelles.
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