Le Sahara occidental reste l’un des différends les plus persistants du Maghreb. Ce territoire, autrefois sous contrôle espagnol, est au cœur d’un bras de fer entre le Maroc, qui revendique sa souveraineté, et le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, qui milite pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Malgré un cessez-le-feu établi sous l’égide de l’ONU en 1991, le conflit n’a jamais trouvé d’issue politique durable. L’intervention de l’administration Trump en 2020, reconnaissant la souveraineté marocaine sur la région, a déplacé les lignes diplomatiques, accentuant les tensions entre Rabat et Alger et brouillant les équilibres régionaux.
Une tournée aux enjeux multiples
C’est dans ce climat toujours tendu que Massad Boulos, conseiller de Donald Trump, a entamé une série de visites en Algérie et au Maroc. Officiellement consacrée à des discussions régionales, cette initiative reflète une volonté américaine de redéfinir ses leviers d’influence, alors que la compétition géopolitique s’intensifie avec des puissances comme la Chine, la Russie ou certains États européens, tous engagés dans une bataille discrète d’ancrage au Maghreb.
En évoquant les liens « productifs » entre Alger et Washington, Boulos a tenté de replacer l’Algérie au cœur du dialogue diplomatique américain, après des années où la reconnaissance de 2020 avait été perçue comme un appui unilatéral à Rabat. Il a souligné que toute solution politique au Sahara occidental ne pourrait aboutir sans l’aval du Front Polisario, rappelant implicitement le rôle central d’Alger dans ce dossier. L’objectif semble clair : rétablir une forme de dialogue équilibré dans une région où les positions tranchées de ces dernières années ont laissé peu de place à la nuance.
Un repositionnement américain mesuré
La visite de Boulos est également marquée par une volonté de nuancer les décisions passées. En affirmant que Donald Trump avait « laissé la porte ouverte au dialogue », son conseiller cherche à inscrire la reconnaissance de 2020 non comme une décision irréversible, mais comme une étape dans un processus plus complexe. Cette approche contraste avec la lecture dominante au Maroc, où cette reconnaissance a souvent été présentée comme un tournant définitif dans la résolution du conflit.
Pour Washington, le recentrage de la politique maghrébine passe donc par une réactivation du canal algérien. Parler d’« ami » à propos d’Alger n’est pas anodin : cela vise à réaffirmer que les États-Unis entendent entretenir un partenariat stratégique avec les deux capitales, sans exclusive. Ce message s’adresse autant aux dirigeants locaux qu’aux observateurs internationaux, alors que les rivalités régionales restent vives, notamment autour de la militarisation croissante du Sahara occidental.
Dialogue ou rééquilibrage stratégique ?
À travers cette initiative, le camp Trump semble vouloir reprendre la main sur un dossier qu’il avait lui-même bouleversé. Si certains y voient une manœuvre électorale ou un signal adressé aux acteurs maghrébins en vue d’un éventuel second mandat, d’autres l’interprètent comme une tentative de redonner de la flexibilité à une posture diplomatique jugée trop rigide.
Les prochaines étapes de cette tournée permettront peut-être de mesurer si les lignes bougent réellement. Reste à savoir si Alger acceptera de s’impliquer dans un processus relancé par ceux-là mêmes qui avaient marginalisé sa position quelques années plus tôt. Et si Rabat, de son côté, verra dans ce revirement un danger ou une ouverture tactique. Dans un Maghreb fragmenté, où chaque mot pèse dans les rapports d’influence, le choix des termes et des interlocuteurs prend une portée stratégique.
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