La Côte d’Ivoire s’extrait peu à peu du rang de simple géant agricole pour s’imposer comme un acteur industriel de premier plan en Afrique de l’Ouest. Le temps est révolu où le pays se contentait d’exporter ses matières premières brutes : l’heure est à la transformation locale, à la montée en gamme et à la création de valeur ajoutée sur le sol ivoirien. Une dynamique industrielle qui porte déjà des fruits significatifs dans les filières de l’anacarde et du cacao.
Au cœur de cette mutation, le Plan National de Développement 2021-2025 se déploie comme le socle d’une stratégie d’industrialisation ambitieuse, misant sur près de 90 milliards d’euros d’investissements, majoritairement privés, pour accélérer la diversification économique et l’essor de filières prioritaires, au premier rang desquelles l’agro-industrie. L’objectif est clair : hausser la part de la transformation locale, stimuler l’emploi, et propulser la Côte d’Ivoire vers le cercle restreint des pays à revenu intermédiaire supérieur d’ici 2030. Une trajectoire portée par l’émergence de nouvelles unités industrielles et la montée en puissance des champions nationaux, qui entendent bien faire de la transformation industrielle le moteur d’une nouvelle ère économique.
L’anacarde : la révolution silencieuse d’une filière en plein essor
Premier producteur mondial d’anacarde, la Côte d’Ivoire s’est longtemps cantonnée à l’exportation de sa production à l’état brut. Mais la tendance s’inverse. En moins d’une décennie, le volume de noix de cajou transformées localement s’est envolé, passant de 37 700 tonnes en 2014 à 344 028 tonnes en 2024, soit une progression vertigineuse de plus de 800 %. Le taux de transformation, naguère marginal (6,67 %), atteint aujourd’hui 36,4 %, avec l’ambition affichée d’atteindre le seuil de 50 % à l’horizon 2030. Un changement de paradigme, rendu possible par la multiplication des investissements privés et l’impulsion des différents plans nationaux de développement, place la filière ivoirienne de l’anacarde au cœur de la stratégie de création de valeur ajoutée et d’emplois durables.
L’inauguration, en janvier 2025, de l’usine Valency International Trading à Attinguié, d’un coût de 25 milliards de FCFA, illustre cette dynamique ascendante. Dotée d’une capacité de transformation de 45 000 tonnes par an, cette unité industrielle s’inscrit dans une logique d’intégration de la chaîne de valeur et de développement socio-économique, générant 2 500 emplois, dont 1 200 directs, et accordant une attention particulière à la formation et à l’insertion professionnelle des femmes. À Boundiali, une autre usine de transformation d’anacarde, lancée en juillet 2024 pour un investissement de 15 milliards de FCFA, vient renforcer cette tendance, avec une capacité de 50 tonnes par jour et la promesse de 2 000 emplois directs et 6 000 emplois indirects, contribuant à l’amélioration substantielle des revenus des producteurs locaux et à la structuration d’un tissu industriel national.
Le cacao : vers une filière durable et industrialisée
Leader incontesté du cacao, la Côte d’Ivoire, qui assure 40 % de la production mondiale, s’est engagée dans une politique de transformation locale de la fève, portée par des initiatives structurantes et des investissements d’envergure. L’installation de la première plantation agro-industrielle à Tiassalé, intégrant des pratiques d’agroforesterie et des normes strictes de durabilité, illustre ce virage stratégique. Cette exploitation, qui table sur une production de 600 tonnes de cacao de haute qualité en 2026, incarne la volonté politique de l’administration Ouattara d’allier innovation, respect de l’environnement et lutte résolue contre le travail des enfants, tout en participant à la modernisation de la filière.
Dans cette dynamique, la pose de la première pierre du complexe industriel de transformation du cacao à Anyama-PK24 en 2020, fruit d’une coopération ivoiro-chinoise, marque également une étape majeure dans l’essor industriel du pays. Ce projet d’envergure, doté de deux unités de transformation de 50 000 tonnes chacune, de vastes entrepôts de stockage et d’un centre de formation aux métiers du cacao, s’inscrit dans la perspective d’accroître la capacité nationale de transformation à un million de tonnes dans les prochaines années. Outre la création massive d’emplois et le renforcement du tissu industriel, cette stratégie favorise l’essor des compétences locales, l’augmentation des revenus agricoles et la transition vers une agriculture durable, tout en répondant aux enjeux sociaux et environnementaux majeurs qui s’imposent à la première puissance cacaoyère du globe.
La Côte d’Ivoire s’affirme désormais comme un modèle de transformation industrielle en Afrique subsaharienne. En misant sur la valorisation locale de ses matières premières, le pays pose les jalons d’une croissance inclusive, résiliente et durable. L’anacarde et le cacao, fers de lance de cette révolution, témoignent de la capacité ivoirienne à se réinventer et à s’imposer sur la scène économique mondiale.
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