BRICS : ce pays a-t-il peur de la réaction des USA ?

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En août 2023, les BRICS — groupe composé à l’origine du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud — ont annoncé un élargissement historique. Une nouvelle étape qui a vu l’invitation formelle de plusieurs pays, dont l’Arabie saoudite, à rejoindre ce bloc qui cherche à redessiner les équilibres mondiaux. Riyad avait alors salué cette ouverture et laissé entendre sa volonté de participer à ce projet géopolitique ambitieux. Pourtant, le royaume n’a toujours pas officialisé son adhésion. Il était bien présent à une récente réunion des BRICS, mais son absence de signature formelle continue d’alimenter les spéculations. Cette attente n’est pas due à un simple contretemps administratif. Elle semble plutôt révélatrice d’un calcul stratégique minutieux.

Équilibrisme diplomatique ou prudence géopolitique ?

Pour comprendre cette lenteur, il faut regarder du côté de Washington. L’Arabie saoudite entretient avec les États-Unis un partenariat de longue date, solidement ancré dans les domaines militaire, technologique et politique. Ce lien, bien que parfois mis à l’épreuve, reste essentiel à la stabilité de la monarchie. À l’image d’un funambule avançant sur un fil tendu entre deux tours, Riyad cherche à garder son équilibre entre l’attraction croissante exercée par les BRICS et les exigences d’un allié américain encore central dans sa politique étrangère.

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Selon certains experts, des négociations importantes se déroulent actuellement entre les deux capitales. Elles impliquent, entre autres, la défense et des projets de coopération technologique d’envergure. Dans ce contexte, une adhésion précipitée aux BRICS pourrait être interprétée comme un désaveu de la relation stratégique avec les États-Unis. Plutôt que de provoquer une onde de choc, le royaume semble opter pour une temporisation calculée, avançant par petits pas et sans gestes symboliques trop visibles.

Entre multipolarité affichée et dépendance réelle

Le dilemme de l’Arabie saoudite illustre un phénomène plus large : la tension croissante entre les discours favorables à la multipolarité et les réalités contraignantes des alliances historiques. Le bloc des BRICS, de plus en plus perçu comme un contrepoids aux institutions dominées par l’Occident, attire des pays en quête d’autonomie stratégique. Pourtant, pour Riyad, l’arrimage à ce projet ne peut se faire sans un réexamen complet de ses interdépendances existantes.

En différant son adhésion, l’Arabie saoudite envoie un signal ambigu : elle montre de l’intérêt pour un nouvel ordre international, mais refuse de tourner le dos à ses engagements actuels. C’est un peu comme un joueur de poker qui suit la partie sans miser toutes ses jetons — attentif à la main qu’il détient, mais aussi à la réaction des autres autour de la table. Une prudence qui pourrait, à terme, lui permettre de peser davantage sur les deux tableaux, mais qui risque aussi de l’exposer à une forme d’isolement si le rythme du changement mondial s’accélère sans elle.

Entre deux mondes

L’hésitation de Riyad face aux BRICS est tout sauf anodine. Elle reflète les contradictions d’un pays pris entre son aspiration à une influence régionale autonome et la nécessité de préserver des partenariats cruciaux avec les puissances établies. Dans ce jeu diplomatique complexe, chaque mouvement est observé, chaque silence est interprété. L’Arabie saoudite avance avec la prudence d’un acteur qui sait que l’équilibre des forces est en train de changer, mais qui ne veut pas risquer de perdre sa place dans le monde d’aujourd’hui au nom de celui de demain.

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