La recomposition de l’opposition sénégalaise se poursuit à un rythme soutenu, révélant les fragilités d’alliances encore jeunes. Après des années passées dans l’ombre de Khalifa Sall au sein du Parti socialiste puis de la coalition Taxawu Sénégal, Barthelemy Dias a récemment décidé de s’émanciper pour affirmer ses ambitions personnelles. Ce précédent semblait déjà signaler un changement de cap chez plusieurs figures politiques jusqu’ici associées à des dynamiques collectives. C’est dans cette atmosphère de repositionnement que survient le retrait d’Anta Babacar Ngom du Front pour la Défense de la Démocratie et de la République (FDR), une plateforme née pour contrer la majorité issue de Pastef.
Candidat malheureuse à la dernière présidentielle, Anta Babacar Ngom faisait pourtant figure de pilier dans la formation de ce front commun. Son départ, officialisé par une déclaration ferme en faveur d’un cheminement politique indépendant, porte un coup direct à la cohésion de ce groupe déjà confronté à de multiples sensibilités. L’effet domino amorcé par ces séparations pourrait rapidement mettre en péril l’efficacité de l’opposition à proposer une alternative claire au pouvoir actuel.
Le FDR face à ses contradictions internes
À sa création, le Front réunissait une palette de personnalités aux parcours hétérogènes : Khalifa Sall, Oumar Sarr, Modou Diagne Fada, pour ne citer qu’eux. Tous unis par la volonté de faire face au nouveau pouvoir, qu’ils accusent de centraliser les leviers de décision au détriment des contre-pouvoirs. Pourtant, au-delà de cette opposition de principe, les lignes idéologiques et les stratégies politiques ont montré de profondes dissonances.
Le départ d’Anta Babacar Ngom n’est pas une simple divergence sur des méthodes ou un programme ; il illustre la difficulté de concilier ambitions individuelles et logique de coalition dans un paysage politique éclaté. Si certains comme Khalifa Sall parient sur une construction patiente autour d’un projet commun, d’autres, à l’image de l’ancienne candidate, misent sur la singularité de leur profil pour mieux capter l’électorat. En rompant avec le Front, elle affirme vouloir rester fidèle à ses engagements initiaux, ce qui suggère une distance croissante avec les compromis imposés par une alliance élargie.
Quelles perspectives pour une opposition fragmentée ?
Le retrait d’une figure présidentielle comme Anta Babacar Ngom de cette initiative politique soulève une inquiétude plus structurelle : peut-on aujourd’hui au Sénégal bâtir une opposition durable sans vision partagée sur les moyens de gouverner ? Le contexte post-électoral aurait pu servir de catalyseur pour unir les forces critiques autour de réformes institutionnelles, sociales ou économiques. Mais l’enchaînement des départs affaiblit cette possibilité.
La logique du chacun pour soi semble regagner du terrain, réduisant les chances de voir émerger une opposition capable de peser face à la dynamique du pouvoir en place. Pour les observateurs comme pour les électeurs, cette fragmentation est synonyme de brouillage stratégique, rendant floues les alternatives concrètes offertes au pays. Si le Front veut rester pertinent, il lui faudra surmonter l’épreuve du départ de figures emblématiques et transformer ses fragilités internes en force de reconstruction. À défaut, le paysage politique risque d’entrer dans un cycle où les individualités prennent le pas sur les projets collectifs, au détriment d’un débat démocratique réellement structuré.
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