L’image de Tesla en Europe traverse une zone de fortes turbulences, à un moment où son PDG, Elon Musk, s’expose davantage sur la scène politique américaine. Depuis le retour de Donald Trump à la présidence, Musk a multiplié les interventions publiques en soutien à des positions controversées, suscitant une réaction mitigée sur le continent européen. Cette surexposition, couplée à une communication jugée provocante, a contribué à ternir l’attrait de la marque dans une région pourtant cruciale pour le développement des véhicules électriques.
Une glissade qui s’accentue
Les données les plus récentes révèlent un recul préoccupant pour Tesla. En avril, les ventes ont poursuivi leur baisse pour un quatrième mois consécutif. Certains marchés affichent des reculs particulièrement marqués : en Suède, Tesla n’a vendu qu’un cinquième des véhicules qu’elle écoulait encore il y a quelques mois. Aux Pays-Bas, moins d’un tiers des performances habituelles ont été maintenues. Au Portugal, c’est un tiers des ventes qui s’est évaporé par rapport aux niveaux précédents. Des replis similaires sont signalés en France et au Danemark, où les volumes de commandes connaissent une érosion constante.
Cette dynamique ne s’explique pas par une perte d’intérêt pour les véhicules électriques, bien au contraire. Sur le même intervalle, les constructeurs chinois tels que BYD, MG ou Xpeng ont vu leur part de marché s’élargir, attirant les consommateurs avec des modèles plus accessibles et adaptés aux attentes locales. Tesla, qui bénéficiait autrefois d’une position dominante dans le secteur, se retrouve désormais à défendre un terrain qui lui échappe peu à peu.
La Model Y révisée suffira-t-elle ?
Pour répondre à cette perte de vitesse, Tesla mise sur la version actualisée de la Model Y, récemment annoncée et disponible à la commande dans plusieurs pays européens. Les premières livraisons sont prévues à partir de juin. Le modèle revu est censé relancer l’intérêt pour une voiture qui constituait jusqu’ici le pilier des ventes de la marque sur le continent.
Mais la tâche s’annonce complexe. Même avec des incitations financières ciblées, comme des réductions sur les prêts automobiles ou des bonus à l’achat, les signaux ne laissent pas entrevoir une reprise rapide. La compétition, désormais bien installée, propose des véhicules qui combinent design, autonomie et équipements à des tarifs plus compétitifs. Certains modèles concurrents coûtent jusqu’à un quart de moins que l’équivalent chez Tesla, ce qui rend l’argument prix plus difficile à défendre.
La stratégie de relance paraît d’autant plus fragile que les remises et avantages proposés varient d’un pays à l’autre, limitant leur impact global. Par ailleurs, le discours de Musk, souvent perçu comme polarisant, semble freiner une partie de la clientèle, notamment en Europe du Nord et de l’Ouest, où les choix de consommation sont de plus en plus influencés par des considérations éthiques et environnementales.
Une marque confrontée à sa propre image
Au fil des années, Tesla a construit son image autour de la figure d’Elon Musk, présenté comme un visionnaire et pionnier de la mobilité électrique. Cette personnalisation extrême, qui a pu jouer en faveur de l’entreprise à ses débuts, semble désormais agir comme un boomerang. En s’associant fortement à des prises de position politiques tranchées, Musk brouille la frontière entre la marque et ses opinions personnelles, ce qui complique la fidélisation d’une clientèle diversifiée.
La désaffection actuelle pourrait refléter moins un rejet technologique qu’un repositionnement du consommateur européen, de plus en plus attentif à ce que représente une entreprise au-delà de ses produits. Pour Tesla, le défi ne se limite plus à proposer des innovations ou à rivaliser sur le plan technique. Il s’agit aussi de restaurer une relation de confiance, affaiblie par une communication souvent centrée sur le dirigeant plutôt que sur les véhicules eux-mêmes.
Dans un paysage automobile qui se transforme rapidement, l’entreprise devra trancher entre rester fidèle à son approche actuelle ou réinventer son ancrage régional. Faute de quoi, elle risque de céder du terrain à des concurrents plus à l’écoute des attentes spécifiques du marché européen. La suite dépendra autant de la réponse commerciale que de la capacité de Tesla à redéfinir ce qu’elle souhaite incarner aux yeux des conducteurs.


