« Esclavage » : un grand groupe chinois dans la tourmente

BYD. Photo: DR

Depuis plusieurs années, la présence de travailleurs chinois sur des chantiers à l’étranger alimente les discussions sur les conditions de travail imposées à ces ouvriers. Disciplinés, discrets, souvent employés sur des projets d’infrastructure ou industriels à forte visibilité, ils sont régulièrement associés à une main-d’œuvre corvéable, soumise à une hiérarchie opaque et à des exigences extrêmes. Le recours à des ressortissants chinois dans des pays tiers soulève des inquiétudes, non seulement sur les conditions matérielles de leur emploi, mais aussi sur le contrôle exercé par les entreprises mandataires, souvent accusées d’imposer des rythmes intenables. C’est dans ce climat que la situation révélée à Bahia, au Brésil, a pris une ampleur singulière, plaçant BYD — géant chinois de l’automobile — sous les projecteurs.

Des pratiques mises en cause dans un chantier stratégique

À la fin de l’année 2024, une inspection menée par les autorités brésiliennes a abouti à la suspension d’un vaste projet industriel mené dans l’État de Bahia. Les investigations ont permis de constater des conditions de vie jugées indignes pour plusieurs centaines d’ouvriers chinois, installés sur le site dans des logements surpeuplés, sans hygiène adéquate, et soumis à une surveillance constante. Leurs passeports auraient été retenus, leur rythme de travail qualifié d’harassant, et leurs contrats entachés de clauses jugées illicites. Selon le parquet, ces travailleurs n’auraient pas été recrutés conformément à la réglementation brésilienne, ce qui constitue un manquement grave dans le cadre d’un projet porté par des entreprises opérant sur le territoire national.

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Même si ces ouvriers étaient officiellement employés par deux sociétés sous-traitantes, les autorités ont estimé que la responsabilité de BYD ne pouvait être évacuée, compte tenu de la nature stratégique du projet et du lien direct entre la multinationale et le chantier. Cette décision marque une inflexion : au-delà de la désignation des exécutants, c’est bien le donneur d’ordre qui est appelé à rendre des comptes devant la justice brésilienne.

Réactions tendues et accusations croisées

Dans un premier temps, BYD a mis en avant son respect de la réglementation locale, assurant qu’elle ne tolérait aucune entorse aux droits des travailleurs. Mais le ton a rapidement changé. Le groupe a dénoncé une attaque injustifiée contre ses activités, affirmant que ces accusations visaient non seulement à nuire à sa réputation, mais aussi à porter atteinte à l’image de la Chine dans la région. Il a été suggéré que l’affaire pourrait masquer des motivations politiques, dans un contexte de relations sino-brésiliennes parfois tendues, où les investissements venus de Pékin font l’objet d’un suivi attentif.

Cette réaction illustre les tensions sous-jacentes qui entourent les grands projets industriels impliquant des acteurs étrangers, surtout lorsque les enjeux économiques s’entrecroisent avec des considérations diplomatiques. Pour BYD, cette affaire représente un défi important, à la fois sur le plan juridique et en matière de communication, alors que le groupe cherche à renforcer sa présence sur le marché latino-américain.

Un modèle de sous-traitance remis en question

Ce dossier relance les interrogations sur la manière dont certaines grandes entreprises gèrent leurs opérations à l’international. La chaîne de responsabilité entre donneurs d’ordres et exécutants est ici au cœur du débat. La justice brésilienne semble vouloir établir que déléguer un projet ne signifie pas se soustraire à toute vigilance, en particulier lorsqu’il s’agit de conditions humaines fondamentales. Le recours à une main-d’œuvre importée dans un cadre aussi opaque alimente les critiques sur les pratiques d’externalisation, souvent utilisées pour contourner des obligations sociales plus strictes.

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Pour les autorités locales, l’affaire pourrait devenir un précédent dans la lutte contre les dérives liées aux grandes implantations industrielles. Elle met en lumière la nécessité pour les États de disposer d’outils efficaces pour encadrer les investissements étrangers sans renoncer à leurs normes sociales. Quant à BYD, son image de leader de la mobilité électrique et de l’innovation verte pourrait se heurter à une réalité plus sombre si l’affaire venait à s’aggraver sur le plan judiciaire.

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