Depuis le début des années 2000, plusieurs États européens ont adopté des politiques migratoires de plus en plus restrictives, sous la pression conjuguée des tensions sociales, de la montée des partis populistes et de l’accroissement des flux migratoires mondiaux. En Allemagne, la loi sur l’immigration de 2005 a introduit une sélection plus stricte des profils professionnels. En France, les dispositifs comme la loi Hortefeux de 2009, puis les différentes réformes successives sous les présidences de Sarkozy, Hollande et Macron, ont renforcé les critères de séjour, durci les conditions de regroupement familial et accru les possibilités d’expulsion. L’Italie et l’Espagne ont, elles aussi, révisé leurs systèmes, alternant entre phases de régularisation massive et contrôles accrus aux frontières. Ces politiques ont souvent été dictées par des préoccupations internes, entre gestion économique et sécurité publique.
Dans ce contexte continental, le Royaume-Uni se distingue aujourd’hui avec un nouveau tournant impulsé par le gouvernement travailliste, bien décidé à remodeler en profondeur l’accès au territoire, qu’il s’agisse de migration légale ou clandestine.
Une refonte en profondeur des règles d’entrée et de séjour
Le projet présenté ce lundi par le Premier ministre Keir Starmer vise à transformer les conditions d’accès à la résidence, au travail et au regroupement familial. Pour les étrangers espérant s’établir durablement, le seuil d’éligibilité au titre de résident permanent sera doublé : dix années de présence seront désormais exigées, contre cinq auparavant. Ce durcissement s’appliquera à la majorité des demandeurs, même si certains secteurs jugés essentiels — notamment les soins de santé, l’ingénierie ou encore les nouvelles technologies — bénéficieront de dérogations.
Parallèlement, le gouvernement prévoit de limiter l’attribution des visas de travail, en particulier pour les postes peu qualifiés. Un niveau équivalent à la licence française sera exigé, sauf dans des branches souffrant de pénurie de main-d’œuvre. Cette exigence académique, combinée à une volonté affichée de réduire l’immigration nette, pourrait fortement impacter les entreprises qui comptaient sur l’apport de main-d’œuvre étrangère pour pallier le manque de personnel local.
En toile de fond, l’exécutif répond aux critiques croissantes d’une partie de l’électorat séduit par les discours de fermeté. La percée du parti Reform UK lors des élections locales du 1er mai dernier, avec son discours ouvertement hostile à toute forme d’immigration, a accéléré la publication du plan.
Une pression électorale qui redéfinit les priorités
La promesse de « mesures radicales » est aussi une manière pour le parti travailliste de se démarquer de ses prédécesseurs conservateurs, souvent accusés d’inefficacité sur la question migratoire. En affichant sa volonté de contrôler « tous les canaux » d’entrée — qu’il s’agisse des visas d’étude, de travail ou de famille — le gouvernement entend rassurer les électeurs les plus inquiets, tout en conservant une image de rigueur pragmatique.
Le phénomène des traversées de la Manche sur de petites embarcations reste un enjeu sensible. Le Royaume-Uni, malgré le Brexit, n’a pas vu une baisse significative de l’immigration nette. Celle-ci s’est élevée à 728 000 personnes entre juin 2023 et juin 2024, confirmant la tendance observée l’année précédente. Cette persistance alimente les discours alarmistes sur un système à bout de souffle.
Si le projet de Keir Starmer se distingue par son ambition de refonte globale, son efficacité dépendra de sa mise en œuvre et de la coopération avec les pays d’origine des migrants. L’équilibre entre contrôle des frontières, besoins économiques et impératifs humanitaires s’annonce complexe. L’impact de ces nouvelles orientations sera particulièrement scruté, au moment où le climat politique britannique reste marqué par une instabilité post-Brexit et une recomposition rapide de l’opinion publique.
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